Evasion

LOMBOK : une île à la beauté paradisiaque

Encore peu connue, cette île située à l’est de Bali est parmi les plus belles de toute l’Asie. Comme beaucoup d’îles de l’archipel indonésien, elle conserve un particularisme étonnant et propose surtout un merveilleux paysage exotique et des plages sublimes.

Par Christian Sorand

 

Quand on pose le pied à Lombok, on s’attend assez peu à découvrir un tel enchantement. On pourrait penser que l’aura de sa voisine balinaise ne puisse aucunement venir supplanter un tel attrait. En réalité, l’envoûtement s’opère autrement. Bali a certes des paysages variés et grandioses mais c’est surtout sa culture et sa profonde spiritualité qui en font un éden touristique. Lombok offre une tout autre impression; l’exubérance de la nature et la présence de la mer dominent une culture locale discrète mais fort originale. Or, comme l’île est restée un peu à l’écart du flux touristique international, on y découvre un monde inattendu. Il est bien difficile de rester insensible à la magie des lieux. 

 

Le monde des Sasak

Pour comprendre la particularité de l’île, il faut tout d’abord appréhender le milieu du peuple Sasak. C’est un groupe ethnique originaire des petites îles de la Sonde. Autrefois animistes, puis un temps hindouistes et bouddhistes, ils sont devenus majoritairement musulmans, avec toutefois quelques reliquats d’animisme. Une minorité d’entre eux est restée de religion hindouiste, à l’instar des Balinais avec qui cette ethnie est apparentée linguistiquement. En fait, le mot “lombok” signifie “piment” en langue sasak. 

On sait que l’archipel indonésien est le plus important de la planète (17.504 îles). L’étendue du territoire, aussi vaste que l’Europe, de Sumatra à l’Irian Jaya (Nouvelle Guinée), a contribué à forger des particularismes régionaux dus à l’isolation et la diversité. Évidemment l’île de Lombok n’échappe pas à cette règle et comporte donc les marques d’une culture locale bien définie. Cela se retrouve d’abord dans un style architectural; les huttes en bois, sur pilotis, hautes et étroites, sont coiffées d’un toit en chaume arrondi. L’héritage animiste a perpétué un art de statues primitives rappelant beaucoup celles du Pacifique sud. De même, l’un des modes traditionnels de transport est le “cidomo”, une petite charrette en bois. Le terme vient du mot sasak “cika”, signifiant une “charrette à bras”. D’ailleurs, ces petits véhicules à deux roues sont souvent tractés par le “cheval de Lombok” [Kuda lombok], une race de poneys, vraisemblablement d’origine mongole. Enfin, la technique locale du tissage des ikat est très répandue ici. Ceux de Lombok sont particulièrement recherchés pour leur qualité.

Au caractère ethnique, voire religieux, de l’île, se joint un milieu naturel exceptionnel, marqué à la fois par le volcanisme et le climat tropical ambiant.

 

Une nature tropicale exubérante

Située dans le groupe des petites îles de la Sonde, Lombok se trouve entre Bali, à l’ouest, et Sumbawa, à l’est. Lombok est une île de la taille de Bali. De forme plutôt arrondie, avec un appendice péninsulaire au sud-ouest. D’une largeur d’environ 70km, elle est dominée par la masse imposante du mont Rinjani (3.726m), second plus haut sommet d’Indonésie. Ce dangereux volcan peut avoir des éruptions catastrophiques. Les deux dernières en date ont eu lieu entre juillet et août 2018, avec une magnitude de 7.0 sur l’échelle de Richter. Le cratère du Rinjani présente un lac appelé “Segara Anak” (soit “l’enfant de la mer”).

Il existe une autre particularité naturelle majeure. Le détroit de Lombok, d’une profondeur pouvant atteindre 1.100m, sert de barrière écologique entre la zone indo-malaisienne et celle d’Australasie. Cette division bio-géographique entre la faune et la flore est surnommée la ligne Wallace. Elle porte le nom d’un célèbre scientifique britannique, Alfred Russel Wallace (1823-1913) premier à noter cette différence. Le volcanisme de l’île, doublé d’un climat tropical a généré une luxuriance exceptionnelle. Si les hauteurs sont le domaine de la forêt, les vallées et les plaines recèlent une grande variété de cultures agricoles. Les traditionnelles rizières côtoient une multitude d’autres récoltes. Outre le soja, le sol produit des plants de café, de tabac, de maïs, de manioc, de coton, mais aussi des produits plus exotiques comme la noix de coco et le copra, la cannelle, la vanille, le cacao, le clou de girofle, mais aussi des manguiers et des bananiers. L’abondante profusion d’un sol volcanique riche en minéraux explique la densité de la population insulaire (environ 3.5M d’habitants). 

À cette diversité de paysages vient s’ajouter une eau fraîche abondante qui se manifeste parfois par de spectaculaires chutes d’eau. 

Toute cette luxuriance édénique se double d’une côte offrant de superbes plages de sable, souvent désertes, où seules les embarcations multicolores des bateaux de pêche rappellent que les eaux poissonneuses sont aussi une source de richesse alimentaire. Les plages, bien plus belles, que celles de l’île de Bali, présentent l’attrait des mers du sud. 

Lombok reste incomparable sur ce plan. Au nord-ouest de l’île se trouve un autre petit archipel : les îles Gili. En langue Sasak, le mot “gili” veut tout simplement dire “un îlot”. Et comme elle ssont au nombre de trois, on les appelle en indonésien “Tiga Gili”, c’est à dire “les trois îles”. Ce sont : Gili Trawangan, Gili Meno et Gili Air. La troisième est la seule à avoir de l’eau fraîche en profondeur. En Bahasa, le terme “air” s’utilise pour désigner “l’eau”. Ces trois îles sont évidemment des paradis pour ceux qui cherchent à sortir des sentiers battus. Aucun trafic motorisé n’est accepté sur ces îles et les petits lieux de villégiature, adaptés au rythme de vie insulaire, ont l’insigne avantage d’être agréables et bon marché.

 

L’envers improbable d’un décor idyllique

Après avoir brossé un portrait plus qu’idyllique de Lombok, il convient de modérer un tant soit peu la description. Les plus beaux lotus poussent parfois dans des eaux troubles, pouvant être même malodorantes.

Deux faits récents de l’actualité le démontrent. Le premier a déjà été signalé. Il s’agit de l’éruption du mont Rinjani en 2018. Le tremblement de terre a provoqué la mort d’un demi-millier de personnes, tout en détruisant un grand nombre d’habitations, laissant une population déjà pauvre dans un dénuement total. L’archipel indonésien est coutumier de ce genre de catastrophe par son appartenance à la ceinture de feu du Pacifique. Le Rinjani est donc à la fois un élément naturel bienfaiteur et destructeur, à l’image de ces dieux balinais qu’on essaye d’amadouer en faisant des offrandes rituelles journalières. Le second fait appartient déjà à l’histoire. Mais il n’est pas nouveau dans la vie politique indonésienne. Au mois de janvier 2000, Mataram, la capitale de l’île de Lombok (1/2M d’habitants) a connu des émeutes raciales sanglantes. On a su a posteriori que ces troubles avaient été fomentés par des agents provocateurs. Lombok, île majoritairement islamisée, a outre une communauté hindouiste, une minorité chrétienne importante constituée surtout par des Chinois de la diaspora. Les émeutes n’étaient qu’une récidive de précédents mouvements anti chinois qui, après l‘indépendance du pays, avaient décimé une partie d’une communauté souvent honnie par les Indonésiens de souche.

Ce phénomène illustre un problème inhérent aux sociétés malaises : l’amok. Le terme définit un accès soudain de folie meurtrière. Le romancier autrichien Stefan Zweig (1881-1942) en a fait le titre d’un roman célèbre paru en 1922. C’est un trait caractéristique de ces sociétés généralement affables et courtoises qui intériorisent les déconvenues et cela peut soudain s’extérioriser de manière démesurée, un peu à l’image d’un volcan qui, tout à coup, libère le trop plein de son feu intérieur. Le proverbe le rappelle : méfions-nous des eaux dormantes. Celles du lac de cratère Segara Anak en sont une image concrète.

Ce dernier trait est certes une réalité, mais il ne noircit en rien ni la beauté ni le charme incommensurable de Lombok. L’île possède un aéroport international desservant surtout Changi Airport à Singapour. Plusieurs ferrys journaliers la relient à Bali. Mais elle reste encore un bout du monde où il faut vouloir se rendre. Il existe quelques hôtels de luxe du côté de Senggigi (côte nord) ou de Kuta (côte sud) qui a la particularité d’avoir une plage de sable blanc et une autre de sable rose. Se rendre à Lombok, c’est tout simplement aller découvrir un monde resté authentique, laissant le goût suave d’un exotisme bienfaiteur sur les lèvres et pour lequel les yeux garderont un souvenir impérissable.

 

Liens :

https://www.indonesia.travel/th/en/destinations/bali-nusa-tenggara/lombok
wikipedia