Evasion

Le cap Cod : les sortilèges d’une langue de terre tournée vers l’océan

Si la Nouvelle Angleterre apparaît déjà comme l’une des régions emblématiques des États-Unis, que dire alors de cette langue de terre créée par les glaciers, baptisée du nom d’un poisson familier des rives de l’Atlantique nord ? Cette longue presqu’île du sud de l’état du Massachusetts résonne comme un havre de noblesse et de culture dans la mentalité américaine. En se lançant dans cette escapade atypique, on découvre l’âme d’une Amérique amarrée à ses doubles racines amérindiennes et européennes.

Par Christian Sorand

La cartographie des lieux dévoile une longue langue de terre ayant curieusement la forme d’un hameçon géant. Son nom évoque irrévocablement la pêche à la morue (cod, en anglais), mais les proportions de ce promontoire appellent plutôt à évoquer les emblématiques baleines des pêcheurs de l’île de Nantucket. Quoi qu’il en soit, le cap Cod appartient corps et âme aux horizons marins. Or justement, depuis qu’un canal de 11 kilomètres le sépare de la côte du Massachusetts (Cape Cod Canal, creusé en 1914), on a davantage l’impression d’être dans un espace insulaire que sur l’appendice d’un continent.

Le climat vient confirmer ce ressenti. Les étés y sont plus frais que sur la côte Est ; et les hivers y sont moins rigoureux, car tempérés par l’océan. Ses plages attirent le tourisme saisonnier d’été, mais retiennent en toute saison une population de retraités, recherchant le calme marin et la douceur du climat. En tout état de cause, l’atmosphère du cap Cod reflète une autre image de l’American way of life.

L’héritage des Pères pèlerins en arrière-fond

La ville historique de Plymouth, au sud de l’état du Massachusetts, est le port d’ancrage des « Pères pèlerins » arrivés sur le Mayflower en 1620 pour fonder la colonie américaine. Avant d’atteindre leur destination finale, les navires de ce groupe de puritains, partis du port anglais de Plymouth, au sud de l’Angleterre, avaient fait une première escale à la pointe nord du cap Cod (en 1620), à l’emplacement de l’actuelle Provincetown.

Elle était avant tout le domaine de la tribu amérindienne des Wampanoag. Ces derniers ont contribué à la survie de la colonie. La fête du Thanksgiving matérialise cette reconnaissance. Le premier contact entre les deux peuples a justement eu lieu à proximité de la localité d’Eastham au cap Cod.

Malgré tout, cette partie du continent nord-américain avait été auparavant reconnue par plusieurs groupes d’explorateurs européens. On y retrouve notamment les traces des navigateurs norvégiens (entre 985 et 1025 de notre ère), ainsi que celle du célèbre Leif Erikson (970-1020). Baptisée Cape Cod en 1602, la côte sud avait auparavant été explorée par l’Italien Giovanni da Verrazzano (1485-1528), en 1524, pour le compte du roi de France, François Ier.

Espaces et lieux d’intérêt

L’industrie de la pêche existe toujours, mais elle a évolué pour se diversifier en fonction des exigences touristiques actuelles. La partie nord du cap est devenue un lieu d’observation pour les baleines. La baie du cap Cod est également un lieu privilégié pour l’ostréiculture. Les restaurants locaux se sont donc spécialisés dans la consommation des fruits de mer.

La route menant du canal à la pointe nord du cap couvre une distance d’une centaine de kilomètres boisée par des forêts de pins et de chênes, mais aussi par les camélias et les magnolias. Zones résidentielles et petites communautés urbaines se succèdent et sont devenues des lieux prisés par un grand nombre d’artistes ou de gens célèbres comme la famille Kennedy ou celle des Forbes.

La population du cap Cod a une constante d’environ 220.000 habitants, mais elle devient exponentielle à la belle saison. Les vacanciers sont à la recherche de ses espaces naturels, de ses longues plages de sable fin, et de toutes les attractions maritimes.

La façade occidentale forme une baie très protégée et peu profonde (Cap Cod Bay). La partie sud (Nantucket Sound) est fermée par un chapelet d’îles, dont deux particulièrement importantes : Martha’s Vineyard et Nantucket Island. L’île de Nantucket a servi de cadre littéraire à Moby Dick, le roman d’Herman Melville. Cette île possède une autre particularité : il y existe une vieille tradition de sculpteurs sur os de baleine (scrimshaw, en anglais).

Les phares marins prolifèrent le long des côtes et constituent une curiosité locale. La zone septentrionale, avant Provincetown, est le domaine de hautes dunes appartenant à un parc naturel de 64km, le long de la côte atlantique (Cape Cod National Seashore).

Deux très beaux villages jalonnent la route et méritent un détour. Il s’agit tout d’abord de la charmante communauté de Wellfleet face à la baie du cap Cod. C’est un village typique de Nouvelle Angleterre, possédant un petit port de pêche et une très belle plage.

Un second village historique est situé sur le coude sud du cap, côté atlantique: l’architecture coloniale de Chatham fait la joie des touristes. Ses nombreux cafés et ses restaurants sont si prisés qu’il est difficile d’y trouver une table. Son phare date de 1808 et est très célèbre.

Provincetown

L’atout principal du cap Cod est sans conteste cette jolie communauté empreinte d’une forte atmosphère coloniale. Ancien port baleinier, le village est devenu un centre d’attraction majeur dans cette région des États-Unis. Cafés, restaurants, boutiques de souvenirs, prolifèrent et ont attiré de nombreux artistes suscitant l’ouverture d’une quantité impressionnante de galeries d’art, mais aussi de maisons d’hôtes rivalisant de charme.

La commune de Provincetown compte à peine 3.000 habitants, mais en saison la population passe à 60.000 habitants ! Pendant la période estivale, il existe une liaison directe par ferry entre Plymouth, Massachusetts et Provincetown. Elle sert de raccourci en évitant de traverser toute la boucle du cap. Les plages et l’observation des baleines expliquent en partie cet engouement.

La seule construction paraissant un peu déplacée, du moins pour un œil européen, est le monument dédié aux Pères pèlerins, célébrant leur premier débarquement en 1620. Il s’agit d’un campanile de 77m de haut, tout en granite, édifié entre 1907 et 1910, sur le modèle de la Torre del Mangia de Sienne, en Italie !

L’île de Martha’s Vineyard

Pour se rendre dans les îles de la baie de Nantucket, il faut aller tout au sud au port de Woods Hole, d’où partent les ferrys pour l’île de Martha’s Vineyard, dont la localité principale s’appelle Vineyard Haven.

À l’origine, l’île était peuplée par les Amérindiens, dont une infime minorité s’y trouve encore. Le nom de l’île dérive du langage des signes de main, destiné aux sourds-muets (Martha’s Vineyard Sign Language). Du XVIIIe au milieu du XXe siècle, l’île avait en effet une forte proportion de sourds-muets due à un phénomène de dégénérescence. Aujourd’hui, l’île a moins de 20.000 habitants, mais c’est un lieu de séjour très prisé. L’été venu, la population passe à 100.000 habitants ! Martha’s Vineyard offre un paysage d’une grande variété. L’intérieur, tantôt boisé, tantôt composé de prairies verdoyantes, est peuplé de troupeaux de daims. La pointe sud occidentale, GayHead Cliffs, présente la curiosité d’avoir des falaises minérales aux couleurs chatoyantes. Le joli petit port de pêche de Menemsha se trouve tout à côté. Quant au port d’Edgartown, sur la côte orientale, c’était autrefois un port baleinier.

La communauté insulaire d’Oak Bluffs recèle un étonnant quartier composé de ce que l’on appelle localement des « maisons de pains d’épice » (gingerbread cottages). Construites en bois de chêne, ces petites maisons arborent toutes les couleurs de l’arc en ciel avec une multitude de fioritures, rendant ce quartier surnommé « la ville des cottages » (‘Cottage City’) absolument unique. Cet ensemble, entourant un grand parc ombragé, au milieu duquel se trouve un temple ouvert surnommé le « Tabernacle », a longtemps été le refuge d’une communauté méthodiste.

On perçoit à quel point la presqu’île du cap Cod offre une originalité la rendant bien différente des autres lieux de la façade atlantique nord-américaine. Sa quiétude et son style de vie s’apparentent à l’atmosphère particulière de la vie insulaire. On y ressent également un certain parfum caractéristique de l’ère coloniale, identique à celui de l’histoire du peuplement de la Nouvelle Angleterre. C’est ici une Amérique, qui a conservé son héritage européen, à la fois dans son style de vie et dans son esprit.

L’ensemble de la communauté rassemble une population clairsemée de résidents habituels, mais si elle attire autant de vacanciers – New-Yorkais en tête – c’est que son environnement spécifique, en offrant une touche d’exotisme, la rattache davantage à ses amarres du vieux continent.

Liens :

Wikitravel / Wikipedia

History of Cape Cod : http://motherearthtravel.com

Les Portugais de Nouvelle Angleterre : http://www.newenglandhistoricalsociety.com