Rubrique Santé

Vivre en bonne santé

Vivre en bonne santé

Par le Docteur Hubert Déchy

Alors que certains veulent parier et investir sur l’allongement de l’espérance de vie pour dépasser le record de la Française Jeanne Calment, qui vécut 122 ans, 5 mois, 14 jours et aurait rencontré Vincent van Gogh quand elle avait 12 ans, alors qu’il venait acheter des toiles vierges dans la boutique de son père, d’autres pensent qu’il est plus important d’ajouter de la vie en bonne santé aux années, plutôt que des années en santé précaire à la vie.

Les pays développés voient augmenter la fraction de leur population des plus de 65 ans, et doivent retarder l’âge de départ en retraite, pour faire face aux charges des pensions, et au coût du chômage, des dernières années de ceux qui sont en recherche d’emploi. Mais les conditions de vie modernes concourent aussi à accroître les dépenses de santé de cette nouvelle génération de seniors… qui ne se voient pas “en âge ressenti physiquement et intellectuellement”, à leur juste place : à 65 ans, on se sent plus jeune de 12 ans; à 85 ans, l’écart est de 17 ans; d’après une enquête rapportée dans le journal “La Croix”, en Septembre 2016.

Pourtant, la réalité les contredit, puisqu’un pays comme la France, a une espérance de vie à la naissance très élevée (85,3 ans pour les femmes; 79,6 ans pour les hommes) mais par contre, une espérance de vie en bonne santé, sans incapacité, de 61,2 ans pour les hommes et de 63,5 ans pour les femmes seulement, soit à la 10ème place en Europe. Donc il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour diminuer ces maladies chroniques, afin qu’elles n’oblitèrent pas la nécessaire activité des sujets âgés, dont l’utilité sociale doit s’affirmer dans le bénévolat, l’aide scolaire aux petits enfants, ou la politique culturelle des communes.

Pour résumer, ces précautions de vie qui peuvent être vitales à l’âge moyen de la cinquantaine ou empêcher un handicap lourd plus tard, ont un moyen mnémotechnique qui va rendre service en les résumant en un mot :

SALSA: S pour Surveillance de son corps, A pour Alimentation adaptée, L pour Loisirs intellectuels, S pour Sociabilité, et A pour Activité physique.

 

S : Surveillance de son corps

Beaucoup de choses peuvent être faites par soi-même pour évaluer sa santé : le poids est un indicateur à surveiller une fois tous les 15 jours à la même heure et dans la même tenue. L’IMC, Indice de Masse Corporelle (poids, sur taille en mètre au carré), doit être si possible entre 18,5 et 25, au-delà il y a surpoids, aggravé à partir de 30; le périmètre abdominal est aussi un indice du risque cardiovasculaire (hypertension artérielle ou HTA, infarctus du myocarde, diabète gras), surtout chez les hommes dont l’obésité se situe à ce niveau ( plus de 102cm dans ce cas), alors que les femmes s’épaississent plus au niveau du bassin; l’examen de sa peau dans le miroir permet de surveiller d’éventuelles taches brunes dont la modification nécessiterait un avis dermatologique; les femmes doivent aussi palper leurs seins pour dépister toute grosseur récente; un appareil d’auto-mesure, au poignet, de la tension artérielle (TA) et du pouls, est indispensable à partir de 40 ans pour donner en 5 minutes, une fois par mois, une évaluation de ce principal facteur de risque d’infarctus cérébral ou du cœur: 10% de la population est hypertendue (HTA); la vue et l’audition sont à surveiller par soi-même aussi, pour corriger d’éventuelles défaillances; enfin, on est responsable de ses vaccinations, de ses tests de dépistage (mammographie, suivi gynécologique) ou de l’évaluation périodique de ses constantes sanguines: glycémie, cholestérol, etc., dès l’âge adulte.

Qui veut voyager loin, ménage sa monture!!

 

A : Alimentation

Le sujet à lui tout seul mériterait une conférence spéciale et, dans l’espace contraint ici, il ne sera possible que d’exprimer des généralités. Les principales erreurs consistent à croire qu’il faut de la viande tous les jours pour apporter des protéines et qu’avec l’âge, les besoins diminuent. C’est doublement faux: toutes les protéines se valent, aussi bien dans les poissons (surtout recommandés: ceux, dits gras mais de bonnes graisses, comme le saumon, la sardine, etc.), que dans les œufs, les fruits à coque (noix, amandes, etc.), ou les végétaux, soja, pois chiches, etc.; la ration des seniors doit contenir aussi, 1,5 gramme de protéines par kilo et par jour, avec 5 fruits et légumes par jour, pour l’apport en fibres (contre le cancer intestinal), en vitamines et en antioxydants, comme 2 verres de vin/jour, thé vert, café et chocolat.

 

L : Loisirs intellectuels

Une étude de l’université de Yale aux USA, sur 3625 personnes de plus de 50 ans, suivies 12 années, a montré que celles qui lisent beaucoup ont une réduction de mortalité de 20% par rapport à celles qui ne lisent jamais. Prendre des notes, échanger sur ses lectures, ou faire des recherches sur des sujets précis, améliorent encore ce bénéfice. On a montré qu’une année supplémentaire d’activité professionnelle réduisait de 3,1% le risque de développer une maladie d’Alzheimer… dont il existe des formes rares avant 60 ans. L’ennemi, c’est l’écran qu’on regarde passivement: TV, DVD ou smartphones. L’étude SHARE (Survey of Health, Ageing and Retirement in Europe) sur 80 000 Européens âgés de 50 ans et plus, dans 20 pays, suivis tous les 2 ans depuis 2004, révèle qu’on triple son score cognitif en entreprenant une formation d’une langue étrangère, d’un instrument de musique ou d’une spécialisation dans son travail.

 

S : Sociabilité

Toutes les recherches confirment que l’isolement, le repli sur soi, et la perte de l’estime de son rôle dans la société, sont des facteurs péjoratifs pour le maintien des capacités intellectuelles maximales. Les liens familiaux, amicaux, associatifs ou spirituels sont des occasions d’exprimer ses idées, ses sentiments ou ses croyances. Ils entretiennent l’optimisme, dont une étude néerlandaise a montré qu’il réduisait de 40% la mortalité cardiovasculaire, par rapport à celle des sujets pessimistes. “Ceux qui se projettent dans l’avenir” ou ”qui ont encore beaucoup à attendre de la vie” vivront en meilleure santé. Les gouvernements doivent favoriser les associations de rencontres sportives, festives ou de soutien psychologique, pour lutter contre les tendances dépressives, fréquentes dans la population générale.

 

A : Activité physique

Il ne faut pas se tromper sur la capacité de se maintenir en forme physique, sans un entretien régulier. Toutes les occasions de “bouger” sont à saisir : prendre l’escalier plutôt que l’ascenseur, descendre une station avant sa destination et finir son trajet à pied, faire de la gymnastique dans sa salle de bain ou dans un jardin public (en dehors des jours de pollution atmosphérique qui contre-indique l’exercice de plein air), etc. Au moins 3 heures par semaine au total suffisent à réduire la mortalité de 30% chez 250 000 sujets, de 50 à 71 ans, suivis aux USA; d’autres conclusions évoquent 3 ans de vie gagnées sans maladie chronique, grâce à 15 minutes de marche rapide par jour.

 

CONCLUSION

Rester en “ bonne santé” n’est pas automatique et demande un minimum de précautions résumées ci-dessus, qui doivent être mises en œuvre dès qu’on est adulte et raisonnable. Il est absolument certain que les systèmes de soins ne pourront pas, dans le futur, payer les progrès de la médecine et de la chirurgie, sans que les affections handicapantes ne soient repoussées, au plus tard, de l’existence des individus prévoyants. Déjà certains pays refusent de rembourser les dépenses de santé des fumeurs, des alcooliques ou des toxicomanes. La prévention devient un enjeu majeur de nos sociétés développées et vieillissantes, alors que la part de budget qui lui est consacrée reste infime. Chacun doit le comprendre et le transmettre à son entourage, sans confier ce rôle au seul corps médical, car il s’agit d’une discipline quotidienne qu’on s’impose volontairement en toute connaissance des enjeux.

(Développement et conférence publique sur demande.)