Violences conjugales, à l’étranger aussi
En septembre dernier le gouvernement français a lancé un « Grenelle des violences conjugales ». Plusieurs réunions de travail, associant des représentants des services de l’État, associations, acteurs de terrain et familles de victimes se déroulent jusqu’au 25 novembre. Les chiffres officiels sont effrayants, avec chaque année quelque 220.000 femmes, victimes de violences. D’après les associations, à la mi octobre, 121 femmes auraient été tuées depuis le début de l’année par leur conjoint ou ex-conjoint. Les Français de l’étranger, qui sont officiellement près de 3,5 millions, sont aussi concernés.
Entretien avec la députée représentant les Français établis hors de France, Amélia Lakrafi.
Propos recueillis par Catya Martin
Trait d’union : Le 4 octobre dernier, lors de la session de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE), vous avez organisé une table ronde réunissant plusieurs élus consulaires. Quel en était le but ?
Amélia Lakrafi : En regardant tous ces élus de proximité des Français de l’étranger venus du monde entier, je me suis dis que c’était la meilleure occasion d’aborder le Grenelle des violences conjugales avec les représentants de nos concitoyens à l’étranger. Ils sont de formidables relais, très précieux, car quand on a comme moi, 49 pays dans sa circonscription, il est impossible d’avoir des informations justes et pertinentes dans chacun des pays. Le principal but était de recenser des témoignages, des exemples de bonnes pratiques et enfin des idées de propositions à faire au Premier ministre Édouard Philippe et à la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa.
Les élus, présents en nombre, ont été très pertinents et sensibles à la cause, un beau travail d’équipe. De belles rencontres qui m’ont émue.
Avec votre collègue Samantha Cazebonne, vous avez souhaité ouvrir ce débat aux victimes françaises vivant à l’étranger. Pourquoi ?
Le lancement de ces Grenelles a eu lieu le 3 septembre 2019, en référence au numéro d’urgence 3919*, et se termine le 25 novembre, date de la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes.
A l’assemblée nationale, les députés aussi se mobilisent. Nous avons lancé une initiative, avec la création d’un groupe de 30 députés, organisé en 15 binômes, dont le but est de proposer un livrable avec des propositions concrètes.
Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir candidaté à ce groupe de travail. J’ai été choisie, tout d’abord car les violences domestiques constituent un sujet qui m’est très cher, ensuite je voulais qu’on puisse entendre la voix, quasi inexistante, de nos compatriotes victimes à l’étranger.
J’ai été très agréablement surprise de l’accueil fait par mes 29 collègues lorsque j’ai mis en avant le fait que nous avons, selon l’INSEE, plus de 3,4 millions de français à l’étranger. La moitié de l’humanité étant composée de femmes, je suppose que nous avons près de 1,7 millions de femmes à l’étranger je n’ignore pas que dans certains pays de ma circonscription, des hommes, souvent âgés, sont victimes de violences physiques et psychologiques. Pour celles qui subissent des violences, la distance avec les proches et la famille, la perte de repères, l’isolement, parfois la dépendance financière, sont autant de facteurs aggravants. Je souhaite faire savoir à ces femmes qu’elles ne sont pas seules, que des solutions existent, que des personnes (fonctionnaires, elus, associations) à proximité mais aussi à plusieurs milliers de kilomètres s’inquiètent et travaillent dans leur intérêt. Leur intérêt à elles mais aussi celui de leurs enfants.
Avez-vous réussi à sensibiliser les Français établis hors de France sur ce sujet ? Qu’en est-il des discussions avec les différents Etats où résident ces victimes ?
Au vu du nombre de sollicitations et réponses aux questionnaires, oui nous pouvons dire que nous arrivons à sensibiliser les Français de l’étranger. Beaucoup l’étaient déjà d’ailleurs. Les messages de soutien font beaucoup de bien et nous avons été contactés via les réseaux sociaux. Des groupes privés facebook, lieux d’échange et d’écoute notamment, nous ont approchés pour nous alimenter aussi en témoignages et exemples de disfonctionnement à corriger, une aide précieuse.
Pour les discussions avec les différents Etats, cela se fera entre gouvernements en priorité mais j’ai aussi initié le sujet avec les députés de certains pays, dans le cadre des groupes d’amitiés parlementaires.
Avez-vous eu à traiter de cas de violences conjugales concernant des Français de l’étranger ?
Oui depuis que je communique sur mes réseaux sociaux au sujet du groupe de travail du Grenelle. 3 femmes de 3 continents d’expatriation différents, mais toujours la même détresse et douleur.
Quelles sont vos recommandations ?
A donner à une femme : partir, quitter le conjoint violent ! Informer le consulat, les conseillers consulaires, les associations d’entraides à l’étranger ou les bienfaisances (OLES), contacter un avocat …ne pas rester seule. Pour le gouvernement, ils sont nombreux, je vous les transmettrai dès la fin de mes travaux.
Les débats sont ouverts jusqu’au 25 novembre, comment y participer de l’étranger ?
Les Français de l’étranger peuvent absolument participer, c’est très simple pour cela il faut remplir et diffuser le plus possible le questionnaire que nous avons mis en place avec mon binôme, ma collègue Samantha Cazebonne.
Lien: https://framaforms.org/consultation-grenelle-des-violences-conjugales-1569423027
Quelles seront les suites de ce Grenelle ?
Le gouvernement devrait arbitrer entre les différentes propositions que nous aurons faites dans le livrable.
Ce ne sera pas un aboutissement, mais bien le début d’une prise de conscience massive, d’un travail de diffusion des bonnes pratiques, de sensibilisation, d’information.
Proposer des choses, les mettre en place, les évaluer, les corriger le cas échéant et recommencer sans relâche, tant qu’il restera des victimes, même une seule c’est une de trop !
(* il existe un autre numéro d’écoute, que vous soyez victime ou proche de victimes d’une infraction (y compris violences conjugales) ou d’une catastrophe naturelle, le 116 006 est le numéro gratuit à votre disposition. En dehors de la France métropolitaine, le numéro d’aide aux victimes est joignable au +33 (0)1 80 52 33 76 (n° non surtaxé). France Victimes met également à disposition des victimes une adresse mail : victimes@france-victimes.fr ).