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Un restaurant caritatif « français » à Hong-Kong

L’association Baptist Oi Kwan Social Service, a inauguré le mois dernier le premier restaurant caritatif à Hong-Kong, le « Lunch Club », situé dans le quartier de Wanchai. Initié et soutenu par la Chambre de commerce française à Hong-Kong, ce restaurant est la première initiative de la fondation de la French Chamber. Soutenir les populations démunies de l’ancienne colonie britannique est une des priorités de cette organisation qui compte sur le soutien massif des entreprises françaises installés à Hong-Kong. Pour Armen Ekmekdje, président de cette fondation, «la communauté d’affaires française, tellement prospère à Hong-Kong depuis des décennies, a une envie forte de montrer sa solidarité, sa générosité avec ce pays qui lui apporte beaucoup ». Rencontre avec un président impliqué chaque jour auprès des plus faibles.

Trait d’Union : Quelles sont vos fonctions au sein de la « French Chamber » ?

Armen Ekmekdje : J’en suis membre depuis mon arrivée à Hong-Kong en 2005. J’ai été élu conseiller en 2011 et suis également membre du comité exécutif depuis 2012. Je préside la fondation de la Chambre depuis septembre 2014.

Pourquoi avoir accepté de prendre la présidence de la fondation ?

En vivant à Hong-Kong, même dans des conditions privilégiées, nous côtoyons tous la grande pauvreté au quotidien. Il faut accepter de la voir et de s’en émouvoir. Il nous faut aussi comprendre que cette situation, qui s’est hélas aggravée ces dernières années, n’est pas une fatalité inhérente au développement de Hong-Kong, et que chacun d’entre nous peut y apporter une réponse. Depuis son lancement il y a un an, ce projet de fondation m’a séduit à la fois par son originalité et parce qu’il coule de source : la communauté d’affaires française, tellement prospère à Hong-Kong depuis des décennies, a une envie forte de montrer sa solidarité, sa générosité avec ce pays qui lui apporte beaucoup. Il faut capter cette envie et la transformer en actes. C’est dans ce but que j’ai voulu faire partie de l’aventure dès le départ.

Quelles sont vos activités et depuis combien de temps êtes-vous à Hong-Kong ?

J’ai créé, avec mon épouse Caroline, l’entreprise Ekko, d’abord en France en 2003 puis à Hong-Kong en 2005. Notre PME fournit des éclairages « LED » aux professionnels en Asie et en Europe.
Nous apportons également des conseils aux entreprises françaises dans leurs activités de sourcing et de production dans le Guangdong.

Pourquoi avoir décidé de créer une fondation au sein de la Chambre française ?

Je veux rendre hommage à la vision de Nicolas Borit, le président de la French Chamber, qui a initié ce projet il y a un peu plus d’un an. Partant du constat que les entreprises françaises sont particulièrement bien implantées et développées ici, et qu’elles bénéficient d’un environnement favorable au même titre que les entreprises locales, son idée était de permettre à la communauté française de montrer son appréciation et sa gratitude envers Hong-Kong.

L’idée même de cette fondation démontre également la profondeur de l’ancrage des professionnels français à Hong-Kong ; ils s’inscrivent durablement sur ce territoire et sont sensibles aux questions de société locales.

Comment s’est fait le choix de l’ONG avec laquelle vous travaillez ?

Le conseil d’administration de la fondation a pris pour point de départ les valeurs de la Chambre : travail, ouverture, développement, afin de définir le type de projet que nous souhaitions soutenir. Nous voulions quelque chose qui soit proche de notre ADN de professionnels, qui nous permette de mener des actions caritatives dans le monde du travail. C’est ainsi que nous avons décidé d’aider les « travailleurs pauvres » de Hong-Kong. Grâce au travail de la French Chamber sous la direction d’Orianne Chenain, nous avons rapidement noué un partenariat stratégique avec « Wise Giving », une agence émanant du gouvernement de Hong-Kong, qui nous a aidés à définir notre projet. Nous avons ensuite lancé un appel d’offre auprès de plusieurs organisations caritatives triées sur le volet. Après visites, rencontres, discussions, nous avons unanimement choisi « Baptist Oi Kwan Social Services » (BOKSS) qui possédait tous les atouts que nous recherchions : un personnel compétent, une très belle implantation dans la plupart des districts de Hong-Kong et un savoir-faire avéré sur des projets comparables. BOKSS n’avait encore jamais eu l’occasion de travailler sur cette population de « travailleurs pauvres », et même si l’idée de travailler avec des Français les intriguait, c’est en premier lieu notre projet novateur qui a emporté leur adhésion.

Comment et pourquoi vous est venue l’idée d’ouvrir ce restaurant caritatif à Hong-Kong ?

Il nous fallait trouver le moyen d’entrer en contact avec une population extrêmement hétérogène : chauffeurs-livreurs, personnels d’entretien, employés de bureau, ouvriers du bâtiment, etc. Où les rencontrer si ce n’est pendant le déjeuner dans une des innombrables cantines qu’offre Hong-Kong ? C’est ainsi que s’est imposée l’idée d’ouvrir le « Lunch Club » un restaurant caritatif qui, au-delà d’offrir un repas copieux et équilibré aux travailleurs pour seulement 10 HKD, nous permettrait d’approcher ces personnes afin de leur apporter des conseils, de l’information voire des opportunités pour améliorer leur vie au travail. On compare parfois le « Lunch Club » aux « Restos du coeur ». Même si la comparaison est très flatteuse (et très disproportionnée), je dois souligner que dans notre action, la partie « resto » est un moyen, je dirais même un appât, pour toucher des populations diverses et pas toujours très bien identifiées par les pouvoirs publics. Le temps du déjeuner nous permet d’offrir la possibilité aux bénéficiaires de rejoindre toute une série d’ateliers (cours d’anglais, d’informatique, information sur la nutrition, la sécurité au travail, etc.) ou de participer à des ateliers (animées par le Labour Department et bientôt par les entreprises membres de la Chambre).

Combien de repas par jour ?

Le Lunch Club a une capacité d’accueil maximale de 50 personnes chaque jour. Depuis l’ouverture de notre premier restaurant, le 15 janvier à Wanchai, nous accueillons environ une trentaine de personnes. Le nombre est en constante augmentation et nous comptons atteindre notre pleine capacité dans quelques semaines.

Qui peut en bénéficier ?

Les conditions pour en bénéficier sont :

  • avoir au moins travaillé 72 heures dans le mois ;
  • avoir un salaire en dessous de 70 % du salaire mensuel médian soit environ 4,200 dollars par personne constituant le foyer.

Loin d’être une situation marginale, cette situation de « travailleurs pauvres » concerne plus de 150.000 foyers, soit environ 500.000 personnes à Hong-Kong. Ces conditions sont contrôlées par notre partenaire BOKSS, avec l’aide du Hong-Kong Council of Social Service.

Quel est le profil de vos bénéficiaires ?

C’est un homme ou une femme (50/50), âgé en moyenne de 53 ans, n’ayant pas fait d’études supérieures (à 88 %), et ayant le plus souvent une ou des personnes à charge (parents, enfants, adultes malades).

Avez-vous d’autres projets d’ouverture de restaurant de ce type et si oui, où ?

La priorité est de bien consolider ce premier centre d’accueil, notamment en approfondissant la coopération entre Baptist Oi Kwan, les bénéficiaires, et les entreprises de la French Chamber. En nous appuyant sur cette base solide, nous projetons d’ouvrir d’autres centres d’accueil du même type dans d’autres quartiers où il y a une concentration de travailleurs en situation difficile, nous regardons vers Kwai Chung et Kwun Tong.

Comment a été accueillie cette initiative jusque là unique à Hong-Kong ?

Nous constatons une adhésion très forte, de la part de la communauté française mais également auprès des Hongkongais qui parfois nous font remarquer avec bienveillance que les Français ont décidément une place à part à Hong-Kong. Nous sommes très heureux de voir que des entreprises veulent jouer le jeu et, au-delà des dons, veulent proposer de réelles opportunités professionnelles pour des personnes qui sont souvent coincées dans des situations délicates uniquement par manque d’information et de contacts, ou juste parce qu’il leur manque ce petit coup de pouce qui fait toute la différence.

Pouvez-vous nous parler de l’évolution de la communauté d’affaire française dans le paysage hongkongais ces dernières années ?

La communauté française continue de grandir. Nous étions de mémoire 6.000 Français à Hong-Kong il y a 10 ans. Nous sommes aujourd’hui autour de 20.000. Au-delà du chiffre, il est intéressant de noter la diversité et le dynamisme de cette communauté et notamment de ses PME, et son intégration très forte dans le tissu économique local. Il faut souligner à ce titre le travail remarquable réalisé par les équipes de la Chambre, qui offrent aux nouveaux arrivants des conditions idéales d’implantation, quel que soit leur secteur d’activité. La communauté d’affaires française à Hong-Kong a encore de beaux jours devant elle.

Lunch Club Hotmeal Canteen
2/F, Oi Kwan Road, WanChai, Hong-Kong