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Un double diplôme Sciences Po / Hong-Kong University dès 2015

Fondée en 1872 et reconnue mondialement comme l’université française en sciences sociales de référence, Sciences Po a développé des liens de coopération depuis une quinzaine d’années avec cinq universités hongkongaises. Après Pékin et Shanghai, Frédéric Mion, président de Sciences Po s’est rendu à Hong-Kong les 20 et 21 novembre derniers pour exposer les principes de l’ouverture internationale de Sciences Po et conclure une nouvelle forme de coopération avec Hong-Kong University : un double diplôme commun aux deux institutions. Entretien.

Trait d’Union : Quel est l’objet de votre visite à Hong-Kong ?

Frédéric Mion : Nous sommes venus pour resserrer des liens qui existent avec Hong-Kong depuis longtemps. Nous avons des partenariats d’échanges d’étudiants et de professeurs avec cinq des huit universités de Hong-Kong (ndlr : Hong-Kong University, Chinese University, City University, Hong-Kong Baptist University, Hong-Kong Science and Technology University). Aujourd’hui, nous amplifions cette coopération en créant avec Hong-Kong University un double diplôme de premier cycle. Dès septembre 2015, nous recruterons conjointement des étudiants du monde entier, ils étudieront deux ans en France à Sciences Po et deux ans à Hong-Kong University. Au terme de ces quatre années d’études, ils recevront un double diplôme. Nous avons déjà mis au point un dispositif similaire avec trente-quatre prestigieux établissements dans le monde, la première expérience étant avec Columbia University à New York.

Quelle est la proportion d’étudiants étrangers à Science Po ?

Sur les treize mille étudiants, 46 % sont des étudiants étrangers originaires de cent cinquante pays. Nous comptons trois cent trente étudiants chinois, ils représentent la troisième communauté étrangère au sein de nos étudiants.

Quels sont les points forts qui expliquent cette attractivité à l’international ?

La caractéristique pluridisciplinaire et transdisciplinaire par rapport à ce qui peut être proposé par des établissements anglo-saxons est un élément fort du programme du premier cycle. Pour les masters, les caractéristiques sont équivalentes en termes d’attractivité pour les étudiants internationaux, à deux exceptions : notre école d’affaires internationales attire proportionnellement plus d’étudiants internationaux que les autres formations et notre école de formation aux affaires publiques reste encore pour l’instant très franco-française. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons décidé de refonder l’apprentissage de ce que nous appelons « les affaires publiques » pour essayer d’ouvrir à l’international cette partie-là de la formation qui est restée un peu trop tributaire d’une vision assez française d’ « affaires publiques = concours administratifs » donc filière des élèves français. Cette vision n’est plus soutenable aujourd’hui, nous voyons bien à quoi elle a conduit en termes de conformation intellectuelle de nos élites, j’en parle en connaissance de cause car j’ai moi-même suivi cette formation (rire) !

Plus soutenable ?

Nous avons d’excellents fonctionnaires et hommes politiques en France mais ils font l’objet de toutes les critiques à l’intérieur comme à l’extérieur de la France. Ce n’est pas une fatalité et cela nous oblige à repenser à une nouvelle école des affaires publiques qui aura notamment pour ambition d’être beaucoup plus ouverte à la politique internationale qu’elle ne l’est aujourd’hui. Au-delà de nos frontières, les formations d’excellence ne sont jamais réservées aux nationaux du pays dans lequel se trouve l’école. Nous devons impérativement faire la même chose à Sciences Po et attirer les élites du monde entier.

Au-delà des partenariats et des coopérations, envisagez-vous d’ouvrir des établissements à l’étranger ?

Les universités peuvent se projeter dans le monde de plusieurs façons : celle que certaines institutions anglosaxonnes ou grandes écoles françaises ont pu choisir qui consiste à créer des campus de leurs écoles en dehors de leurs frontières respectives. Sciences Po n’a pas fait ce choix pour différentes raisons. Nous sommes une école relativement petite en taille et créer un démembrement loin de ses bases suppose de mobiliser des ressources humaines très importantes pour assurer une qualité de formation qui n’entraîne pas une dévalorisation du diplôme dispensé. La raison la plus importante est d’ordre philosophique et repose sur la définition de l’ouverture internationale : je ne vois pas pour ma part une ouverture internationale dans laquelle nous viendrons imposer un modèle ou dans laquelle nous prétendrions vouloir « évangéliser » en installant une « mission » en en voulant convertir les populations. Ce n’est pas notre conception de l’ouverture internationale et c’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix de nous appuyer sur des institutions d’excellence, dans des pays vers lesquels nous nous tournons pour bâtir un dialogue qui est l’essence même du développement international. Dans tous les pays où nous sommes présents, c’est ainsi que nous avons fonctionné en commençant modestement par des échanges d’étudiants avec des universités où le contact et la coopération étaient les plus faciles à développer.

C’est un choix assumé ?

Un choix assumé dont je mesure chaque jour la vertu parce que si nous avons aujourd’hui 46 % d’élèves étrangers, c’est notamment à cela que nous le devons et si nous pouvons nous appuyer sur des relations de confiance très établies avec quelques grands établissements partenaires dans le monde c’est parce que nous avons fait ce choix qui n’est pas un choix impérialiste mais un choix de véritable coopération.