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Un dialogue interculturel inattendu : violoncelle et Er’hu, un duo de choc et de grâce !

Le violoncelle tout le monde connaît ! Le Er’hu, petit instrument traditionnel chinois à 2 cordes, c’est beaucoup moins vrai ! Alors, quand l’Alliance française de Wuhan annonce un concert réunissant, en solo et en duo, deux virtuoses, Guo Gan et Adrien Frasse-Combet, dans un café très « tendance » du secteur économique et universitaire de Hanyang de surcroît, la curiosité des francophones que nous sommes ne peut être que piquée au vif ! Un pari, une gageure ? Bien plus ! Une alchimie ! Rencontre avec Adrien Frasse-Combet, violoncelliste.

Propos recueillis par Marie-Christine Huguenin

Trait d’Union : La rencontre du 25 septembre dernier a eu lieu au Café Do°Young de Hanyang. Avez-vous eu souvent l’occasion de jouer dans de tels lieux ? Comment avez-vous vécu cette expérience ?
Adrien Frasse-Combet : Pour moi cette expérience a été très positive. En effet la proximité avec le public était très agréable. C’est en effet un lieu très inhabituel pour un concertiste mais j’aime l’idée de pouvoir créer un concert dans un lieu populaire et vivant comme ce café.

Vous nous avez expliqué en début de concert, que votre violoncelle a plus de 300 ans et qu’il vous a été prêté par une fondation. Connaissez-vous l’histoire de votre instrument ?
En effet, mon violoncelle date de 1710, il est de Matteo  Goffriller un luthier de Venise, sûrement un des plus grands de son époque. Ce violoncelle possède une palette de couleurs inouïe mais néanmoins ne se joue pas tout seul ! Il faut trouver le bon angle d’attaque des cordes notamment pour trouver le son le plus pur. Il m’est prêté par la Fondation pour l’Art et la Recherche dont les membres sont mes mécènes fidèles depuis des années. Je leur en suis très reconnaissant et m’estime chanceux de jouer d’un tel instrument.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre parcours musical ?
Mon parcours a été de commencer le violoncelle à l’âge de 4 ans dans une famille de non musiciens. Après plusieurs conservatoires (Toulon, Marseille puis Paris) j’obtiens mon premier prix à 18 ans. Je me perfectionne ensuite auprès de violoncellistes concertistes notamment lors de master classes. J’ai commencé à donner mes premiers concerts à 15 ans.

Pouvez-vous nous présenter Guo Gan ?
Guo Gan est pour moi un très grand maître de son instrument le Er’hu.
Il a pour motivation de sortir des sentiers battus de la musique traditionnelle pour amener son instrument vers de nouveaux horizons. Il le transforme en une voix lui donnant un son rond et chaleureux. C’est pour moi un grand plaisir de dialoguer avec lui autour de toutes les musiques.

Pouvez-vous nous parler de votre rencontre et de votre projet d’associer violoncelle et Er’hu ?
L’idée d’associer violoncelle et Er’hu est venue lors d’un concert. En effet, Guo Gan est un jour venu m’entendre jouer à Paris salle Adyar, et à la fin du concert m’a parlé de son envie de créer ce dialogue ensemble. Le répertoire n’existant pas, nous avons dû le créer ensemble et les idées sont arrivées très vite. Le plaisir de jouer ensemble de partager les émotions a fait que ce dialogue improbable a pris sens puis réalité et nous en sommes très heureux !

Votre complicité mutuelle, pour ne pas dire votre communion est tout à fait perceptible. Comment parvenez-vous à un tel degré d’ « harmonie » ?
Merci pour ce compliment ! Je suis très touché que le public ait pu ressentir cela, c’est aussi le but recherché. Je dirais que la première chose est l’écoute. Ne pas chercher à dominer l’autre, dialoguer, questions-réponses… Dans un duo il n’y a pas de leader, l’égalité se fait naturellement par l’écriture musicale. Quand le Er’hu a le thème important, le violoncelle l’accompagne et se met donc un peu en retrait, et inversement pour le Er’hu. Cette écoute est nécessaire. Il m’a fallu trouver des moyens d’alléger le son et j’ai découvert grâce à Guo Gan de nouvelles perspectives instrumentales.
 
Avez-vous rencontré des difficultés particulières dans l’élaboration de ce projet ?
La difficulté était de créer un répertoire. Ensuite il fallait aussi trouver le bon musicien. Guo Gan amène le Er’hu ailleurs, il le fait voyager. Comme il vit à Paris cela a été simple pour les répétitions et nous avons donc pu nous concentrer sur ce projet, tout en menant en parallèle nos  carrières respectives.

Vous et Guo Gan nous avez offert non seulement un magnifique concert mais aussi un véritable spectacle chorégraphique tant vos gestes, l’expression de vos visages, les mouvements de vos corps étaient « parlants » ? En avez-vous conscience ?
Il y a quelques années je n’étais pas conscient de l’utilité de chaque geste. C’est une obligation pour trouver le son juste, le phrasé juste.
En progressant je me suis rendu compte qu’il fallait épurer le geste, aller à l’essentiel pour trouver l’émotion juste. Cela crée en effet une chorégraphie, et je suis heureux qu’elle soit perçue comme esthétique par le public, même si ce n’est pas son but premier.
Le regard entre les musiciens est très important : quand je regarde l’autre, je perçois ses vibrations je peux ainsi mieux dialoguer avec lui.

Aux plans personnel et musical, que retenez-vous de cette expérience de duo interculturel ?
Ce duo et aussi cette tournée m’ont beaucoup apporté. En effet, la Chine est un immense pays, épris de culture. Cette ouverture de villes comme Harbin ou Wuhan démontre que le public chinois a soif de découverte. Je me sens chanceux de pouvoir jouer dans le monde, voyager grâce à la musique, rencontrer des gens incroyables…Ce dialogue franco-chinois montre à quelle point nos deux cultures peuvent fusionner et s’apporter le meilleur l’une de l’autre pour rassembler et non diviser.