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Traversée du désert

 

Après Londres et Singapour, Karine Moge est arrivée à Hong Kong il y a 3 ans. Mariée et mère de trois enfants, cette ex-banquière devenue photographe fait partie de la première équipe de femmes à avoir traversé à pied le désert de Lout en Iran. Une expédition de 8 jours et plus de 200km, destinée à lever des fonds pour l’association Women for Women International qui soutient les femmes victimes de la guerre.

 

Propos recueillis par Isabelle Chabrat

 

Trait d’Union : Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre association?

Karine Moge : Il y a 5 ans, j’ai co-fondé Women on a Mission (WOAM), afin de lever des fonds pour des ONG venant en aide aux femmes, victimes de violences. Chaque année, nous organisons une expédition au profit de Women for Women International. Avec ce voyage en Iran, nous avons levé plus de 70.000 US $, un record pour WOAM !

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Pourquoi avez-vous choisi le désert de Lout en Iran?

Nous cherchons toujours à trouver des destinations hors des sentiers battus. La première année, nous sommes allées au camp de base de l’Everest, l’an dernier c’était la Sibérie par -35 degré. Quand on nous a proposé d’être la première équipe féminine à traverser ce désert à pied, cela nous correspondait parfaitement. Au-delà du goût de l’extrême, ces destinations nous permettent d’avoir une belle couverture médiatique, ce qui bénéficie à l’association.

 

Ce genre d’expédition est-elle accessible à tout le monde?
Oui et non. Nous sommes des femmes comme tout le monde, mais il faut avoir la motivation de s’entraîner, de laisser derrière soit le confort, et accepter de douter, de souffrir et de prendre des risques.

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La sécurité en Iran a-t-elle posé problème? Comment un groupe entièrement constitué de femmes a-t-il été accueilli?

Nous n’avons eu aucun problème de sécurité. A Téhéran nous avons été frappées par la gentillesse des habitants. Dans le désert, nos guides Iraniens étaient très fiers de notre réussite, d’autant plus que notre équipe comptait une jeune femme mi-Iranienne.

 

Qu’avez-vous croisé pendant vos 203 kilomètres?

Nous n’avons croisé personne, c’est inaccessible, cela aurait très difficile d’évacuer quelqu’un s’il nous était arrivé quelque chose. Nous avions 5 véhicules, nous sommes parties avec de l’eau, de l’essence et de la nourriture pour toute la traversée. Aucune trace de vie végétale ou animale, hormis un serpent. C’est l’endroit le plus chaud de la planète avec un record de 70°C.

 

Quel était l’emploi du temps de vos journées?

Réveil à 4h30 en musique, petit déjeuner, toilette minimum, départ vers 6 heures au lever du soleil, quand les tentes sont pliées. Nous marchions 20 à 35km par jour, suivant le terrain, le plus possible dans la fraîcheur du matin, avec une heure de pause pour déjeuner. Toutes les heures, nous nous arrêtions 10mn… Pour soigner les ampoules!

 

Avez-vous été confrontée à une certaine monotonie face à ce désert?

Pas du tout, c’est un désert incroyablement varié. Nous avons marché sur des dunes hautes de 600m, dans des plaines où nous avons trouvé des météorites, au milieu de pitons rocheux qui sortent de terre. Pas un jour ne ressemblait à l’autre, les efforts étaient récompensés par des paysages incroyables.

 

Quels ont été les meilleurs et les pires moments?

Le meilleur c’était tous les jours! Nous avons eu une très bonne cohésion d’équipe, aucune plainte, que des rires.

La tempête de sable a été très pénible. Il nous a fallu monter dans les dunes, sans visibilité, avec le sable qui fouette le visage, les lunettes de ski, couvertes au maximum. C’était très fatigant, nous marchions sur la crête, en s’enfonçant beaucoup. Si on ne suit pas les autres, très rapidement ils disparaissent, on ne les voit plus, on ne les entend plus… On se rend compte que c’est un environnement vraiment dangereux. Le lendemain, nous étions fières d’avoir vécu ça, nous avons vraiment vu le désert dans tous ses états.

 

Que retirez-vous de cette expérience?

Une grande fierté évidemment et une grande humilité aussi, on est tout petit dans le désert. Nous pensons aux femmes que l’on soutient et a celles qui fuient leur pays, et pour qui la marche n’est malheureusement pas un choix.