« Stairs », l’esprit des escaliers hongkongais*
Artiste française installée à Hong-Kong depuis 2015, où elle dirige un atelier hebdomadaire de photographie et d’arts visuels à l’école primaire de Montessori Camille Levert, a commencé une carrière dans le marketing. Elle a exercé quatre ans en Chine, avant de se consacrer en 2009 à sa passion, la photo. C’est là qu’elle commence à travailler sur ses premiers collages. La naissance de son fils en 2011 lui ouvre des perspectives et elle décide de lancer, dès 2013, Kidlighbox®, un atelier pour enfants, unique en son genre, consacré à la photographie et aux arts visuels. Le 21 septembre prochain, Camille expose ses oeuvres “Chez trente” dans le coeur du quartier de Soho. Rencontre avec une artiste passionnée.
Propos recueillis par Catya Martin
Trait d’Union : Votre art associe la photo et le collage. Pourquoi ce choix ?
Camille Levert : Je pratique le photocollage en trois dimensions depuis le printemps 2016. Cette année-là j’ai vu à Hong-Kong pour la première fois, une oeuvre réalisée de cette façon et cela m’a procuré un tel plaisir visuel que j’ai suivi une formation peu de temps après pour apprendre la technique, que j’ai depuis adaptée à mes besoins et à mes choix de matériels.
Je pense que cela m’a réconciliée avec mon propre langage photographique. Quand vous regardez un photocollage 3D pour la première fois, vous avez un instant de doute, car vous n’êtes pas certain qu’il s’agisse uniquement d’une photographie. Et pourtant si, cela n’est que de la photographie. Mais le processus qui consiste à séparer les plans, rapproche l’image d’une peinture (et non d’une sculpture) … car quand on peint, on applique des couches. Contrairement à l’acte de photographier, qui fige les plans en une fraction de seconde. J’aime beaucoup cette ambivalence. Je trouve que cette technique rend hommage à la fois à la photographie et à la peinture, que l’on pense traditionnellement très éloignées l’une de l’autre.
Par ailleurs je suis très attachée à proposer à mes collectionneurs ou futurs acheteurs, des oeuvres uniques. Je ne refais jamais deux fois la même pièce, aussi parce que c’est très long à fabriquer et que j’aime explorer de nouvelles images !
Quelle est la philosophie de votre exposition “Stairs” ?
Dans cette série sur les escaliers, j’explore un nouveau format plus grand (42x60x10cm) que mes précédents collages.
Les escaliers, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs, sont très présents à Hong-Kong. Lorsque je parcours la ville, je suis toujours intriguée par ces marches étroites et sombres qui montent aux étages des petits immeubles low rise. Ils ont chacun leur ambiance, qui tient à une couleur de carrelage, la disposition des boîtes aux lettres, ou aux parapluies qui attendent… Ils sont traversés des centaines de fois par jour, et quand on les voit vides, ils restent chargés de mystères. Ils me rappellent souvent les nombreuses scènes du film In The Mood for Love, où Maggie Cheung et Tony Leung se croisent et se frôlent dans ce type d’escaliers, en s’ignorant faussement. Ils sont très scéniques et font travailler l’imagination. Aussi, ils sont à taille humaine (même s’ils sont souvent très raides !), contrairement aux lobbies et ascenseurs des nouvelles constructions. J’espère que les visiteurs de l’exposition seront séduits par cette ambiance que j’ai essayé de représenter dans mes collages. Sur deux d’entre-eux, je me suis amusée à ajouter un élément fictif qui n’existe pas sur la photo d’origine. Mais sinon, je les laisse tels quels, afin que chacun s’invente ses propres histoires.
Comment avez-vous sélectionné les oeuvres qui seront exposées ?
Je prends toujours beaucoup de temps à choisir les images que je vais utiliser en collage. Je les accroche dans mon bureau, j’ai besoin de les avoir longtemps dans mon champ de vision avant de décider si je les aime ou pas. Je ne sais pas toujours à quoi cela tient, mais il y a certainement une question de cadrage, de couleur, d’équilibre entre les plans, et puis surtout d’âme. Il faut que la photo soit “habitable”. Certaines photos sont ennuyeuses et sans âme, je n’ai pas envie de m’y installer.
Combien de nouvelles pièces ?
Les photocollages 3D sont tous nouveaux et n’ont jamais été exposés, il y en a cinq. L’autre travail que je vais montrer est très récent aussi mais il a déjà été exposé en partie cet été. Il s’agit de quatre collages photographiques (40x50cm) de ma série “Handmade in Hong-Kong with care”, un travail qui rend hommage à l’artisanat et aux mythiques néons hongkongais. Ces
tirages sont chacun brodés de fils de couleurs et limités à cinq exemplaires chacun.
Quelle est la suite pour vous ?
Continuer ce que je fais aujourd’hui ! Faire de nouveaux collages et les exposer. Tant que j’ai la chance de pouvoir le faire ici à Hong-Kong, ville si inspirante.
Du 21 septembre au 5 octobre
Exposition « Stairs »
Chez trente : 6 Chung Wo Lane, Hong-Kong
* L’esprit de l’escalier (ou esprit d’escalier) est une expression française signifiant que l’on pense souvent à ce que l’on aurait pu et dû dire de plus juste, après avoir quitté ses interlocuteurs.