Evasion

Sienne : les splendeurs médiévales d’une colline toscane

Moins altière que sa rivale florentine, Sienne demeure l’une des plus belles villes d’Italie. Délaissant les plaines de l’Arno, elle appartient aux paysages ondulés et verdoyants des monts de Toscane, terroir naturel du célèbre Chianti. Si Florence reste le berceau de l’antiquité et donc de la renaissance italienne, Sienne conserve le charme intimiste d’une riche cité médiévale aux résonances artistiques indéniables.

Par Christian Sorand

Sienne est presque l’antithèse de sa voisine, Florence (1). Du haut de sa colline toscane, la cité domine la plaine environnante, se posant comme un nid d’aigle sur un océan de verdure ondulé de collines. Le relief en fait une ville tout en spirale, intimiste, coquette, si agréablement italienne. Elle recèle, il est vrai, quelques trésors auxquels seuls les artistes italiens ont su donner une âme. Car en réalité, on y découvre des monuments et des œuvres lui donnant d’emblée une empreinte indélébile.

Inscrite au patrimoine mondial depuis 1995, Sienne est décrite par l’Unesco comme « l’incarnation de la ville médiévale ». Autrefois république, elle abrite depuis 1472 la banque Montepaschi (‘’mont-de-piété’’), le plus vieil établissement bancaire du monde encore en activité. Fondée, selon la légende, par les deux fils de Romulus, Sienne est également le lieu de naissance du pape Pie II (1405-1464) et de son neveu, le pape Pie III (1439-1503). L’enceinte gothique de la cité recèle quelques monuments remarquables, ainsi que de nombreux chefs-d’œuvre artistiques.

La Piazza del Campo

L’un de ces lieux grandioses est la place centrale de Sienne, la Piazza del Campo, du XIIe. De forme incurvée, elle fait penser à un gigantesque théâtre romain, ou mieux, à une énorme coquille Saint-Jacques. Le palais communal du XIIIe siècle (Palazzo Pubblico), en contrebas, fait alors effet de mur de scène. Le premier étage, à l’architecture gothique, est devenu le musée civique (Museo Civico), renfermant une magnifique galerie de peintures séculières.

La salle de la Mappemonde (Sala del Mappamondo), abrite d’immenses fresques murales des artistes de l’école siennoise. Une succession de salles fait ensuite l’apologie des vertus du gouvernement idéal. Ainsi la salle des Neuf (Sala dei Nove, XIVe) expose une fresque d’Ambrogio Lorenzetti intitulée les “Effets du bon et du mauvais gouvernement”.
De même, l’antichapelle (Antecappellia) a des fresques de Taddeo di Bartolo représentant les vertus du bon gouvernement.
Face au palais communal, à gauche, se dresse une haute tour à l’architecture toscane typique, la Torre del Mangia. Du haut de cet édifice, on jouit d’une vue imprenable sur la place et le paysage environnant. L’ascension de ses 500 marches nécessite un certain courage physique. Les dernières marches sont si étroites qu’une seule personne peut y passer en se courbant ! Seul un exceptionnel panorama vient alors récompenser l’effort.

Le sol de la piazza est en briques blanches superposées. A l’opposé du palais, au fond de la place, se trouve une fontaine édifiée en 1346 (la Fonte Gaia). Quant à la partie haute de la place, elle est délimitée par une suite de hauts palais, s’alignant en courbe pour épouser l’arc de cercle formé par la Piazza del Campo.

Unique par son style, cette belle place reste toujours très animée. On y trouve aujourd’hui de nombreux cafés et restaurants permettant d’admirer le spectacle et les proportions de cet ensemble.

La cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption (Duomo di Siena)

Edifiée entre 1215 et le XIVe, de style roman toscan et gothique, la cathédrale (Duomo) est un autre site majeur de Sienne. Elle est composée d’une façade en marbre blanc, entrecoupée de bandes vertes et rouges, œuvre de Giovanni Pisano. Le dôme date du XIIIe siècle. Le campanile de 1313 est en marbre blanc strié de bandes de marbre vert foncé. Le pavement intérieur de l’édifice est également en marbre blanc et vert foncé et lui confère une empreinte caractéristique.

Les trente-sept marqueteries du sol représentent des scènes bibliques ou des sibylles, version chrétienne de la pythie de l’antiquité. L’intérieur de la cathédrale est impressionnant par ses proportions, ses colonnes, ses deux vitraux circulaires au-dessus du cœur et de la façade.
Une multitude d’artistes a contribué à l’embellissement : la chaire est de Nicola Pisano ; l’autel Piccolomini (pour le pape Pie III) est l’œuvre d’Andrea Bregno et comporte quatre statues de saints exécutées par Michel-Ange ; la statue de saint Jean-Baptiste est de Donatello et les bénitiers sont d’Antonio Federighi.
La cathédrale possède une autre particularité : celle de la librairie Piccolomini datant du XVe. Francesco Piccolomini, alors archevêque et cardinal de Sienne – le futur pape Pie III – avait voulu commémorer la mémoire de son oncle, le pape Pie II.

Il existe aussi deux sites annexes appartenant à l’ensemble architectural de cette cathédrale : le baptistère San-Giovanni et la crypte, redécouverte en 2002, tous deux situés en contrebas du Duomo. On y accède à l’extérieur, au niveau de la piazza San-Giovanni. Les panneaux de bronze du baptistère retracent la vie de saint Jean-Baptiste.

Les autres curiosités siennoises

Situé à côté de la cathédrale, le musée de l’Œuvre de la cathédrale (Museo dell’Opera Metropolitana del Duomo), ouvert en 1869, rassemble les œuvres de tous les artistes ayant contribué à la construction de la cathédrale à différentes époques. On peut y voir en particulier les douze statues originelles des prophètes et des philosophes de Giovanni Pisano.

Sur une colline, dans la partie basse de la ville, se trouve un monastère de l’Ordre des servites de Marie où l’on peut visiter la basilique San Clemente in Santa Maria dei Servi, édifice en briques rouges (1533), dont le campanile de style roman a été restauré en 1926. Très fleuri, son petit jardin en terrasse, offre une vue panoramique sur la partie haute de Sienne, dominée par le palais communal.

Malgré tous ces chefs-d’œuvre artistiques, il convient aussi de se laisser porter par la découverte de cette superbe cité, haut perchée, possédant l’attraction d’une certaine Italie, encore un tantinet surannée. Il s’agit peut-être même d’une véritable immersion dans le charme profond de la culture italienne. Ces ruelles parfois pavées, conduisent les pas à flanc de coteau, en serpentant à souhait. On découvre tantôt une porte, tantôt un jardin secret fleuri, une boutique semblant sortir du passé, une enseigne interrogeant le regard, une devanture exubérante sentant bon la Bella Italia, des odeurs de café émanant d’estaminets que l’on aurait cru révolus…

En bref, on y retrouve toute cette ambiance faite de charmes discrets et latins auxquels la langue et la musique ne cessent de rendre hommage. Ah, et puis d’où peut bien venir ce doux tintinnabule ? On cherche alors involontairement à se perdre dans ces venelles. Elles paraissent titiller tous les sens, dans une sorte de magie indescriptible appartenant à un monde que l’on croyait disparu à tout jamais. D’ailleurs ici, on ne rencontre plus de touristes. Depuis la pinacothèque nationale (Pinacoteca Nazionale), rassemblant des peintures médiévales et de la renaissance italienne, on peut ainsi parcourir à pied le Campo – la vieille ville – jusqu’à l’oratoire de San Bernardino depuis lequel on jouit d’une autre vue sublime sur la ville et le paysage de la plaine toscane.

Une belle escapade pédestre qui guide les pas dans le cadre paisible de vieux quartiers aux charmes indescriptibles. Et pour bien faire, autant s’asseoir dans une petite trattoria typique, croulant sous un éventail de charcuteries du crû, dans l’ambiance feutrée d’une véritable caverne de la gastronomie italienne. Le moment est venu de lever son verre de Chianti senese ! ‘’Prego Signore, un Chianti !’’ ‘’Si, Como no ! ’’

Enfin, pour échapper à la splendeur magique de la colline siennoise, le relief verdoyant de la campagne toscane commence aux portes de la cité. C’est le domaine du Chianti senese. Monteriggioni est un joli village médiéval, perché sur une petite éminence. Entouré d’une muraille flanquée de quatorze tours, ce lieu a inspiré une scène de “l’Enfer” de Dante Alighieri. Le soir venu, à l’heure de l’apéritif, où le spritz est au goût du jour, la place du village s’anime de visiteurs venant s’attabler pour un dîner aux chandelles al fresco !

Sienne est donc un autre joyau architectural et artistique d’Italie. Son site offre un cadre idéal pour mettre en valeur la beauté et la richesse d’un patrimoine exceptionnel. Cette petite communauté de moins de 55.000 habitants se fond avec élégance dans le paysage toscan auquel elle appartient. Elle a été à l’origine d’un mouvement artistique connu comme étant l’école siennoise, tout aussi riche que celui de l’école florentine, sa voisine. Bien évidemment, la cité médiévale attire des visiteurs du monde entier. Mais comme c’est souvent le cas, les touristes préfèrent les lieux cultes à l’authenticité ambiante du reste de la ville. C’est peut-être là un vrai bonheur pour tous ceux qui aiment encore l’insolite et la couleur locale.

Bibliographie:
Florence & Tuscany, Lonely Planet Pocket, Virginia Maxwell & Nicola Williams, 2014

Liens:
wikipedia
UNESCO : centre historique de Sienne, https://whc.unesco.org/fr/list/717/

1. Florence : cité d’art, d’élégance et d’histoire – Trait d’Union Magazine nº 94, mars 2018, http://www.traitdunionmag.com/florence-cite-dart-delegance-et-dhistoire/