ChroniqueTranche de vie

Ronronnements

Lundi matin, on est de retour dans les ruelles de Seorae Maeul en direction du Lycée Français de Séoul après des vacances au soleil qui ont fait grand bien.
A notre réveil, il fait jour, le soleil brille et les températures sont presque douces signe que le printemps ne devrait plus tarder.

Par Perrine Tavernier

Cela fait maintenant 4 mois que nous avons déménagé en Corée du Sud. On dit souvent que l’installation dans un pays d’accueil prend 6 mois en moyenne. Mais en ce qui nous concerne, on va peut-être faire un peu faire augmenter la norme.

A chaque changement de pays, c’est toujours la lune de Miel au démarrage : rien n’arrête mon entrain à la découverte et ma joie d’être ailleurs. Ainsi, je me souviendrai longtemps de ce ressenti de perdition totale : impossibilité de lire, de s’orienter ou de parler parce que tous mes anciens repères se sont volatilisés en l’espace d’un instant. Et j’ai aimé ce sentiment, cette impression de redevenir enfant à 40 ans en se laissant porter par les autres pour trouver la moindre chose.

Jusqu’à ce que… j’en ai marre !
Et la descente fût rude : quand l’énervement prend le dessus, un rien me heurte.
L’hiver glacial a été une gifle mémorable avec un froid sec et pollué. Tous les matins, j’ai eu l’impression de me réveiller avec deux boules de coton dans le nez et un hérisson dans la gorge.
Les humidificateurs et les purificateurs d’air tournent à plein tube dans notre appartement.
Autre sujet florissant, le réseau Internet. Pour s’orienter, communiquer, comprendre la moindre écriture, Internet est indispensable. Nous sommes au pays de la 5G mais tous les jours, notre Internet rame nous donnant l’impression de vivre au fin fond d’une grotte.
Concernant les obligations administratives coréennes, là aussi, il faut s’armer de patience pour les affronter (et pourtant, en tant que français, on est entrainé sur le sujet).
A titre d’illustration, la mise en place d’un virement automatique pour le paiement des factures d’électricité nécessite, pour nous, la visite d’un technicien à notre domicile afin de vérifier notre existence.
Aller, je donne un bon point concernant la conversion du permis de conduire français en permis de conduire coréen. La démarche est simple mais, un petit topo sur le code de la route coréen aurait été le bienvenu. Je vous mets en situation : tous les panneaux de signalisation sont écrits en coréen que nous ne lisons pas (il y a parfois des écritures en alphabet latin mais jamais sur les panneaux lumineux qui indiquent les travaux, les bouchons…Séoul, ville tentaculaire de 605Km2).

Les feux de croisement sont positionnés à l’américaine, derrière l’intersection. Si le feu est vert on ne peut pas forcément tourner à gauche. Si le feu est rouge, on peut tourner à droite mais il faut s’arrêter si le feu des piétons est vert… Il y a des radars de vitesse partout !

Un détail m’a soulevé le cœur, les tampons bleu ciel rectangulaires que les coréens collent à hauteur des portes. Ils ont pourtant bon gout en matière de voiture avec des modèles de luxe rutilant et… défigurés. Et puis, on dit que la Corée du Sud est le pays du matin calme, mais pas au volant.

En revanche dans les transports en commun où le silence est roi, je ne supporte plus les regards pesants sur mes enfants parce qu’ils me parlent.

L’accumulation de ces détails ont fait grimper ma jauge d’énervement et c’est ainsi que dans l’avion en partant en vacances, j’ai trucidé une coréenne. Je l’ai vu se retourner et j’ai pensé que la voix de mon petit garçon la dérangeait (comme dans le métro à Seoul). Je lui ai sauté dessus en lui disant que nous n’étions plus en Corée du Sud et que mon fils pouvait me parler et gnagnagna… En réalité, elle s’était retournée pour voir où était les toilettes les plus proches.

Bref, il était temps pour moi de changer d’air.
Nous sommes partis dans un pays chaud, je voulais retrouver cette chaleur humide que nous avons bien connu. A notre arrivée, j’ai entendu le chant d’un oiseau que nous entendions depuis notre appartement à Hong Kong et j’ai pleuré.
J’ai pris conscience que tout mon énervement n’était peut-être pas simplement lié aux tracas de Séoul mais bien à la fermeture du chapitre précèdent, Hong Kong que j’ai eu tant de mal à quitter.
C’est l’ambigüité de la situation qui met le bazar dans ma tête car, à l’époque, il fallait quitter Hong Kong et Séoul nous a apporté la liberté. Mais aujourd’hui, Hong Kong me manque et Séoul m’agace.

J’ai donc pleuré un bon coup et, comme le réseau Internet Séoulite, j’ai déconnecté. Plus les jours ont passé et plus je me suis apaisée. J’ai pensé que certes mes amies de Hong Kong me manquent terriblement mais que j’ai aussi rencontré des gens à Seoul qui valent la peine d’être connus (autrement dit, il faut que j’arrête de me fermer comme une huitre).

A notre retour, j’étais heureuse de retrouver le pays où on ne comprend rien. Au pied de notre porte attendait sagement ma commande Coupang et puis, on a remis en route nos humidificateurs et purificateurs d’air. J’ai retrouvé le ronronnement de notre appartement à Seoul où je crois en fait, être heureuse.

Ma playlist

Artiste : Voyou
Album : Les Royaumes Minuscules
Titre : Soleil Soleil (feat. November Ultra)

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