Rome : tout le charme de la dolce vita italienne de piazza en piazza
Comment évoquer Rome ? On a tant écrit sur son histoire, ses monuments. Il faudrait retourner sept fois sa langue dans la bouche pour en parler… éternellement ! Humour mis à part, Rome n’est pas seulement latine ou religieuse. Les guides décriront mieux le Colisée, merveille du monde, la chapelle Sixtine, ou la basilique Saint-Pierre. Or, Rome est aussi profondément italienne, vibrante de culture, de charme, empreinte d’un caractère insolite sans pareil. Pour explorer la cité d’aujourd’hui, rien de tel qu’une découverte pédestre au gré du cœur et du hasard. Aussi, les centres d’intérêt majeurs, inévitables, seront-ils simplement notés tout au long de cette visite. Place donc à la plume et à l’image pour cette errance piétonne, espérant ainsi cerner l’atmosphère romaine
Par Christian Sorand
En traçant une ligne légèrement diagonale SO/NE sur le plan de Rome, on obtient deux parties idéales pour explorer la ville. Une partie sud et une au nord, sachant que la ville historique se trouve à la jonction des deux. Le fil directeur choisi se fera donc en allant de piazza en piazza. Ces dernières sont multiples et si vibrantes.
De la gare Termini au coude du Tibre
La Via Cavour part de la gare centrale (Termini) et va jusqu’au Colisée. Elle porte le nom de ce brillant diplomate et ministre originaire de Turin, de son vrai nom Camillo Benso. Genevois calviniste par sa mère, il joua un grand rôle dans la réunification de l’Italie et céda Nice et la Savoie à la France. Cet itinéraire permet à la fois de côtoyer la vie romaine journalière et de faire quelques arrêts majeurs. La première halte se fera à la basilique papale de Sainte-Marie-Majeure (Santa Maria Maggiore), perchée sur une des sept collines. Le campanile médiéval est le plus haut de Rome (75m). Une mosaïque de Filippo Rusuti sur la façade est magnifiquement mise en valeur, la nuit venue, depuis la place de l’église. La Cappella Paulina abrite le tombeau de Pauline, sœur de Napoléon Ier. En poursuivant le chemin sur la via Cavour, on peut également admirer de beaux modèles de portes monumentales, aux inévitables heurtoirs.
Au pied d’une seconde colline, la voie s’incurve sur la droite. Une rue étroite, faite d’escaliers, permet de partir à la découverte d’un premier quartier au parfum de dolce vita. Au temps de l’Empire romain, la colline d’Oppius (Colle Oppio) était celle de la Maison dorée de Néron (Domus Aurea). C’est ici que se trouve la basilique de Saint-Pierre-aux-Liens (San Pietro in Vincoli), abritant le ‘Moïse’ de Michel-Ange. Un parc ombragé de pins, conduit au Colisée, le long de quelques beaux immeubles tout en couleurs. Un café-terrasse (Saltimbocca) permet de faire une autre halte, le temps de savourer un « espresso » dont seuls les Italiens ont le secret ! Que bello ! On contemple tout à loisir le plus grand amphithéâtre du monde romain. « Rendons à César ce qui est à César » et laissons aux guides l’histoire du Colisée, de l’arc de Constantin (Arco di Costantino), du forum (Foro Romano), ou encore du forum d’Auguste (Foro di Augusto).
La colonne Trajane vaut un détour face à la masse en marbre blanc du monument à Victor-Emmanuel II, devenu un symbole de la patrie (Altare della Patria). César, Auguste, Constantin, Trajan, Victor-Emmanuel : c’est déjà toute une longue histoire conduisant à la première de ces belles piazzas romaines : la Piazza Venezia affichant bien haut l’effigie du lion de la Sérénissime. Voici alors le cours Victor-Emmanuel (Corso Vittorio Emanuele) pour prendre la direction de Piazza dei Calcarari et du Largo di Torre Argentina.
C’est sur cette dernière place que Jules César fut assassiné. Les ruines d’un temple sont en contrebas, surplombées par un célèbre théâtre fondé en 1732 (Teatro Argentina). En poursuivant le Corso Vittorio Emanuele, en direction du Tibre, on arrive alors à un grand marché, le Campo de’ Fiori. Toute l’Italie des fruits, des légumes, des pâtes, des condiments et des épices, s’y trouve. La Piazza Farnese est à deux pas. Depuis Louis XIV, le palais Farnèse (Palazzo Farnese, 1495) abrite l’ambassade de France et l’École française de Rome (depuis 1876).
De la place Navona à la place d’Espagne
Arrivé sur les rives du Tibre, on retourne alors vers la ville historique. La Piazza Navona est l’une des plus belles places baroques de la capitale. Au centre, la fontaine des Quatre-Fleuves (Fontana dei Quattro Fiumi) de Bernini (Nil, Gange, Danube et Rio de la Plata) fait face à l’église baroque de Saint-Agnès-en-Agone (1657). Ce quartier regorge de petits restaurants, de cafés, de glaciers où il fait bon se poser pour savourer, une fois de plus, la douceur de vivre à l’italienne. Le Panthéon est sur la Piazza de la Rotonda. Œuvre d’Agrippa, puis d’Hadrien, ce temple romain de tous les saints, devenu église, possède la plus grande coupole de toute l’Antiquité (43,30 m de diamètre). Deux autres petites places du secteur valent également un détour. La Piazza della Minerva offre une bien étrange sculpture d’un éléphant (Elefantino) supportant un obélisque égyptien. La seconde, Piazza di Sant’Ignazio Loyola (XVIIIe), est de style rococo. L’église jésuite recèle des peintures en trompe-l’œil d’Andrea Pozzo (1642-1709). Le dédale des petites rues du quartier historique (Centro Storico) offre des surprises à chaque instant. Il faut tout simplement se laisser guider par le flot des piétons.
On arrive ainsi à la Piazza di Trevi, lieu mythique de la fontaine de Trevi (Fontana di Trevi), la plus grande et la plus célèbre de Rome. On peut y jeter une pièce, à sa guise, dos tourné à la fontaine, mais mieux vaut se poser sur les marches pour admirer la beauté du spectacle des eaux. Adossée au palais Poli (XVIIIe), cette œuvre baroque monumentale est due à Giuseppe Pannini et a été achevée en 1732. Notre errance romaine arrive à son terme.
En dirigeant ses pas vers le mont Pincio, où se trouve le parc de la Villa Borghèse, on arrive au quartier de Tridente. La Via del Corso et la Via dei Condotti sont des lieux branchés, ceux surtout des boutiques de luxe et des grandes maisons de couture italiennes. On arrive alors à la place d’Espagne (Piazza di Spagna), site favori des visiteurs de par son caractère photogénique. Un escalier monumental (135 marches) mène à l’église de la Trinité-des-Monts (Chiesa della Trinita dei Monti, XVIe) d’où l’on jouit d’un beau panorama sur la ville. La Villa Médicis, superbe palais renaissance, se trouve juste un peu plus loin, à l’entrée du parc de la Villa Borghèse. En 1803, Napoléon Bonaparte, en fit le siège de l’Académie de France à Rome. De retour sur la place d’Espagne, la fontaine du bateau naufragé (Barcaccia) est l’œuvre du sculpteur Bernini (en 1629). Face à la fontaine, au coin des premières marches de l’escalier, se trouve une demeure connue sous le nom de maison de Keats et Shelley. C’est ici que le poète romantique anglais John Keats est mort de la tuberculose en 1821, à l’âge de vingt-cinq ans. Ce lieu évoque également la mémoire de Percy Shelley, mort noyé un an plus tard, au large des côtes toscanes. La place d’Espagne doit son nom à l’ambassade d’Espagne auprès du Saint-Siège. Quant au Caffè Greco au début de la Via dei Condotti, il est ouvert depuis 1760 et fut, à une certaine époque, le lieu de rendez-vous des célébrités comme Casanova, Goethe, Wagner, Byron, Shelley, Keats, ou même Baudelaire.
Cette découverte pédestre de la « Ville Éternelle » s’achève ici. Les piazzas sont si nombreuses à Rome que le choix qui en a été fait n’est évidemment pas limité à un seul itinéraire.
La richesse et la densité des sites est telle à Rome qu’il faut y prévoir un séjour prolongé, ou mieux encore, y revenir. Rome est une de ces villes qui ne s’apprécie pas d’emblée. Il faut en trouver l’âme au gré de la découverte. Sa longue histoire risque à tout moment d’oblitérer le charme du présent. Rome est antique, chrétienne, imprégnée du style renaissance ou baroque. De ce fait, l’Histoire est omniprésente, mais il faut aussi avoir un œil sur la vie italienne d’aujourd’hui. Et pour cela Rome est un observatoire idéal. Il y a pléthore de marchés, de cafés, de glaciers et de restaurants, vibrants d’activités et de palabres, quand ce n’est pas de musique ou de chants. L’Italie est un pays captivant. Le trop plein de richesses a éludé des lieux tels le forum romain, le Vatican, le château Saint-Ange. C’est comme si nous étions partis avec les personnages d’un roman de Dan Brown à travers les rues de la capitale. Sauf, qu’au lieu de courir après une énigme, on a pris le temps de marcher en sondant l’ambiance romaine au plus profond. Car Rome est une ville qui se cherche et qui se vit dans sa réalité quotidienne. Rome est une cité un peu ensorceleuse. On aime toujours y revenir. Alora, arrivederci Roma ! À une prochaine fois !
Bibliographie
– Pocket Rome, Lonely Planet, 2016
– Rome, Eyewitness Travel Guides, DK, London
– Dan Brown, Angels & Demons, Pocket Star Books
– Comte de Cavour (1810-1861) : http://biography.yourdictionary.com/conte-di-cavour
– Wikipedia