Chronique

Patience

Décembre, c’est le mois de l’année que je préfère pour de nombreuses raisons. D’abord, parce que c’est le mois de Noël et que l’ambiance est chaleureuse, ensuite, car c’est le mois de mon anniversaire et je ne perds jamais l’occasion de me faire bichonner par la gent masculine, en supériorité numérique à la maison. Mais surtout cette année, j’adore le mois de décembre puisque c’est le mois où notre container va arriver avec toutes les affaires de la maison. Adios le serviced apartment, on emménage dans notre nouveau chez-nous. 

Par Perrine Tavernier

Depuis que nous sommes expatriés, notre maison n’a plus quatre murs. Notre maison, ce sont nos valises que nous transportons au gré des destinations. Ainsi, des ustensiles du quotidien comme des sets de table ou des couverts apportent un vrai réconfort en réapparaissant dans notre nouveau pays d’accueil. Évidemment, tous les meubles ne sont pas toujours adaptés au nouveau domicile, mais on reconnaît une maison d’expatriés quand des meubles Ikea côtoient des antiquités en nombre, à faire pâlir les allées du musée du Quai Branly. On a tous un meuble chiné venu d’ailleurs, des bibelots (l’indétrônable pinceau de calligraphie) et surtout, la totalité des adaptateurs de prises électriques disponibles sur le marché. Bref, il me tarde de nous installer.

En attendant notre prochain emménagement, je poursuis le long et lent chemin de mon adaptation coréenne. 

À l’heure actuelle, il m’est impossible de lire la moindre écriture. Toute l’information passive pour me repérer, que je captais dans une ville lettrée avec un alphabet latin, a disparu de mon quotidien. Pour compléter le tableau, Google Maps fonctionne très mal en Corée du Sud et rapidement, j’ai dû me familiariser avec les : « KakaoMap, KakaoMetro, KakaoTalk, KakaoTaxi », du Kakao en veux-tu, en voilà ! 

Non contente d’avoir réussi à me dépatouiller de l’utilisation des Kakao en tout genre, je me suis mise à recevoir des points de rendez-vous « Naver » (application très pratique, mais dont je n’avais jamais entendu parler avant de mettre un pied à Séoul). Sauf que le système d’adresses Naver n’est pas le même que celui de Kakao. Séoul est adossée à deux systèmes d’adresses différents qui cohabitent toujours. Mon sens de l’orientation n’a jamais été affuté, mais enfin franchement, c’est compliqué. Dans une expatriation, il y a toujours des hauts et des bas. Mais le jour où j’ai réalisé la coexistence des deux systèmes d’adresses, c’était un gros bas.

Bon an, mal an, j’arrive à prendre des taxis et même à me faire comprendre des « Papy Taxi ». Car « Papy taxi » n’aime pas perdre de temps. Lassé des bouchons, il est pied au plancher pour traverser les ponts de la ville à toute « berzingue ». Idem, quand « Papy taxi » voit mon regard d’épagneul breton perdu dans la rue, il trace sans même s’arrêter. Donc ce n’est pas tous les jours faciles, mais j’y arrive quand même.

Il y a plein d’autres petites choses que je note dans mon quotidien, comme cette passion des Séoulites pour les claquettes en chaussettes ou les Crocs (dont j’ai découvert l’existence en version fourrée). Loin de moi l’idée de penser que les Français ont le monopole de l’élégance, mais les Coréens sont loin de décrocher la timbale en claquettes. Sans compter qu’il fait un froid de chien en chaussettes. 

Tout cela pour dire que je n’ai pas fini d’être surprise par cette ville. Car il y a aussi de belles découvertes, comme le jardin secret du palais de Changdeokgung dont nous avons arpenté les allées en famille et qui laissera à jamais des souvenirs émerveillés des couleurs automnales. Séoul est riche de son histoire : émouvante et attachante.

Je sais que notre installation dans Seorae Maeul facilitera mon quotidien pour de nombreuses choses (proximité de l’école, des activités, des boulangeries…) et surtout, proximité du parc du Dragon, lieu d’échange de bons tuyaux entre Français. S’il y a bien un sujet sur lequel le Français « rame » lors d’une expatriation, c’est répondre à l’éternelle question : « qu’est-ce que l’on mange ce soir ? ». Passé la lune de miel des découvertes gastronomiques locales, nous avons besoin de retrouver nos basiques. Je pourrais faire des kilomètres, ventre à terre, pour trouver un bon saucisson et de la raclette. Alors, le Français s’organise et la semaine dernière, une phrase a transformé ma banale après-midi en moment de grâce : « Tu connais le groupe de commande centralisée de pâte feuilletée ? ». 

C’était Noël avant l’heure !

N.D.L.R. : Les illustrations de cet article sont de l’artiste Damdam. Vous pouvez trouver ses œuvres sur Instagram : @damdam_illust

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Artiste : Dean Martin

Titre : Rudolph the Red-Nosed Reindeer