Oralité alimentaire
Si je devais choisir un super pouvoir, je n’aurais aucune envie de me téléporter ou de devenir invisible… En revanche, manger tout ce que je veux, quand je veux sans jamais grossir ni avoir aucun problème de santé, ce super pouvoir je le prendrai assurément. C’est dire mon amour pour la nourriture. Les repas sont un moment convivial, encore plus pour les Français pour qui la gastronomie fait figure d’identité.
Mais ça, c’était avant la naissance de mon cadet…
Par Perrine Tavernier
Tout a démarré à la période de sa diversification alimentaire. A seulement 5 mois, mon petit mignon était extrêmement sélectif avec les purées qu’il mangeait. J’avais beau user de stratagèmes pour camoufler des légumes, faire l’avion éternellement avec sa cuillère, il était pour lui impossible d’avaler autre chose que du Butternut ou de la patate douce.
Les mois ont passé et je découvre mon fils de plus en plus colérique avec des repas de plus en plus compliqués. A l’époque, je mettais cela sur le compte du « terrible 2 », j’en parlais à son pédiatre qui me rassurait en me disant que tout cela passerait avec le temps. Mais rien n’est passé et tout s’est empiré.
La relation avec mon enfant était très compliquée, je ne tissais presqu’aucun lien affectif. Il me repoussait constamment, je ne pouvais pas le prendre dans mes bras ni même l’embrasser, prendre sa main pour traverser une rue était impossible. Et ce comportement, il l’avait avec tout le monde.
Les repas devenaient un véritable calvaire où j’étais totalement impuissante face à ses refus et que c’est éprouvant pour une mère de ne pas pouvoir nourrir son enfant. Je le poussais dans ses retranchements, soutenue par le vieil adage « un enfant ne se laisse pas mourir de faim » mais il a fini par perdre du poids.
Il a fallu un ultime repas dominical où, une énième fois, j’ai vu mon fils garder dans ses joues toute la nourriture qu’il ne pouvait pas avaler.
Ce jour-là, je suis allée voir mon fils dans sa chambre au moment du coucher, je lui ai dit que je pensais avoir compris quelque chose ; il y avait un problème et j’allais chercher la solution. Ce soir-là, mon petit garçon est venu se blottir contre moi.
Galvanisée par ce moment, je me suis mise à effectuer des recherches sur Internet en tapant tous les symptômes de mon fils et assez vite, j’ai trouvé des réponses.
Mon fils a un trouble de l’oralité alimentaire.
Auparavant associé à l’autisme ou à de lourdes pathologies, ce trouble touche en réalité un grand nombre d’enfant qui n’ont aucun retard intellectuel ou antécédents thérapeutiques. Le recul sur les traitements associés sont maigres et l’accompagnement difficiles faute de professionnels formés mais rien n’aurait pu m’arrêter. Ma première décision a été de lâcher prise totalement sur tous mes codes éducatifs et de bien séance à table. J’ai discuté avec mon fils du haut de ses 3 ans pour regagner sa confiance et lui dire qu’il serait dorénavant seul décisionnaire de ce qu’il mangerait. On a cherché des aliments copains, on en a trouvé trois. Il n’a mangé que ces trois aliments durant toute la période où j’ai cherché de l’aide. Je suis retournée voir son pédiatre avec qui j’ai échangé longuement et qui semblait au fait de ce trouble. Mais à Hong-Kong, la prise en charge est uniquement destinée aux enfants ayant de lourdes pathologies dans les hôpitaux gouvernementaux. Alors j’en ai poussé des portes, envoyé des messages restés sans réponse et secoué des arbres pour voir ce qui allait tomber. J’ai fini par trouver une orthophoniste française basée en Allemagne qui m’a accompagnée et m’accompagne encore par le biais d’une guidance parentale.
Cette orthophoniste c’est ma lampe torche, elle a mis en lumière le trouble dans son ensemble. Le trouble de l’oralité alimentaire est très souvent associé à un trouble sensoriel et mon petit a, en effet, un trouble sensoriel généralisé dont le goût fait partie intégrante, et le toucher naturellement.
Ceci explique pourquoi je ne pouvais pas le prendre dans mes bras ni même lui toucher la main.
On a fini par se lancer dans les premiers soins avec de la psychomotricité pour contenir le trouble sensoriel. Et, on a amorcé la feeding therapy avec une orthophoniste brésilienne qui en apprenant la nationalité de mon fils lui a dit : « come on buddy ! You have the best croissant all over the world !!! »
On avance pas à pas avec pour seul indicateur le bien être de mon fils. Les colères ont disparu, il est détendu et souriant, je peux lui tenir la main, de temps en temps j’ai même un câlin. Quant à la nourriture, c’est toujours compliqué mais il se lance et il a même gouté un croissant.
On a tous entendu parler d’enfants qui ne mange toujours pas de morceaux même à 6 ans, ou bien encore d’un pote qui ne mange ni fruits ni légumes… Les troubles de l’oralité alimentaire touchent 1 enfant sur 4, le spectre est très large et cela ne relève en aucun cas de l’éducation ou du caprice.
Pour en savoir plus :
http://maladiesdigestives-robertdebre.aphp.fr/troubles-oralite/