Chronique

On dîne ?

Par Stéphanie Delacroix

«Dinner » en anglais c’est le repas « principal » de la journée (une viande avec deux légumes, et un pudding, oh pardon un dessert). En Angleterre on peut donc être invité pour dîner à midi, 16 heures ou 19h…il s’agira probablement d’un repas à thème: barbecue, curry, ou vous…en tant que Français(e) de service…pas forcément version « dîner de c… » mais pas forcément très loin !

En français, le dîner ou le diner (puisque depuis 1990 on a le droit de faire fi de l’accent circonflexe) c’est le repas du soir (même si « avant » c’était comme en anglais le repas principal de la journée, une entrée froide, une entrée chaude, de la viande, un légume, du fromage de la salade, un dessert et un café) que l’on a tendance à prendre de plus en plus tard, ou alors c’est l’impression que me donnent mes années d’Asie.

Au Japon, si on vous invite à diner, c’est à dire à « venir manger le riz cuit du soir » Ban 晩(soir) gohan 御飯 (riz cuit) :

1) il n’y aura pas que du riz cuit.
2) il est fort probable que ce soit au restaurant. Sinon c’est que votre hôte souhaite soit vous faire vivre une expérience « locale » soit vous inclure dans son cercle familial.

Ici pas de petits plats dans les grands, mais plusieurs plats différents (1) tous servis en même temps dans lesquels il s’agit de prélever délicatement (sans grogner, et sans avoir l’air d’avoir faim) de petites quantités de nourriture avec des baguettes de service (pas les vôtres puisque vous les mettez dans votre bouche les vôtres). On prélève donc quelques morceaux pour les déplacer dans son assiette (pour pouvoir les y re-prélèver quasi immédiatement avec ses propres baguettes pas propres pour les manger), on ne pique pas, on ne pousse pas, on ne se passe rien de baguettes à baguettes et on ne plante pas ses baguettes dans le riz, on évite les grands gestes et de séparer ses baguettes, de les croiser et de les pointer vers quelqu’un.

Rien à voir avec un diner (makan : manger malam : soir) à la maison dans une famille Indonésienne, où il y aura aussi du riz, mais pas de baguettes – elles seront éventuellement remplacées par des cuillères – et où l’on pourra manger avec les doigts : le pouce, l’index, le majeur et l’annulaire de la main droite faisant office de pince, et le riz office de pain. Chaque bouchée ainsi pincée se composera de riz et de viande, ou de riz et de légumes ou de riz et de viande, poisson etc… On pourra évidemment demander une fourchette, mais c’est « gâcher » puisque ça change le goût des aliments me dit-on et empêche de bien digérer. Si on a voulu vous faire plaisir en faisant un steak-frites il y aura des couverts…enfin je vous le souhaite !

Quand au diner chinois, 晚(soir) 餐(repas), il y aura aussi du riz, servi en fin de repas mais il ne faudra pas le manger. Pas parce qu’il n’est pas bon (quoiqu’en dise les Japonais et les Indonésiens, ah le nationalisme riziphile), mais parce que cela voudrait dire que vous n’avez pas eu assez à manger avant ! Là aussi, Chine-Japon même combat le diner se tiendra principalement au restaurant, choisi et payé par l’hôte… il ne vous coûtera donc rien de proposer de partager l’addition mais n’insistez pas trop quand même.

Comme au Japon et en Indonésie, pas de « entrées, plat, salade, fromage, dessert » mais un échantillon de ce que l’on aime le plus ou fait le mieux. C’est bien, ça permet de se rattraper si l’un des convives est végétarien, n’aime pas la coriandre, est allergique aux fruits de mer, ou suit un régime particulier par goût, obligation ou religion.

– « Pour le dîner de ce soir j’ai fait simple, c’est choucroute ! »
– « Mais, ce soir c’est pas Youssouf et Vanessa, les Cohen et ta copine Vegan du yoga qui viennent ?! »
– « Argh »

Comme on n’a plus 16 ans (enfin vous je sais pas, mais moi c’est plus près de 3×16 que de 16), il est assez mal venu de commander des pizzas si on a des invités, sauf s’il s’agit d’une soirée foot, mais on peut parfaitement faire une pizza, ou mieux faire faire une pizza à ses invités, en ayant préparé la pâte d’avance (parce que ça fait long sinon avec les deux temps de pousse !), et plein d’ingrédients différents pour la garniture.

Ca marche aussi avec les sushis rolls (là c’est le riz à sushi que l’on prépare en avance) et les martabak (à condition là aussi d’avoir préparé la pâte avant). ça vous évite de passer une partie de la soirée seul(e) en cuisine, de vous démener pour trouver le menu idéal et certains longs silences tout en garantissant quelques bonnes rigolades entre gourmands !

1. Le Washoku (repas japonais) est classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2013 tout comme « le repas gastronomique des Français », depuis 2010. Dans les deux cas il s’agit aussi bien de repas à la maison (cuisine familiale) qu’au restaurant (cuisine professionnelle).