Novembre, il y a 5 ans…
Paris, notre appartement parisien est en travaux. C’est le grand chambardement et pour cause, notre minuscule entrée et notre petit salon sont en train d’être transformés. A cette époque, je regardais une émission de décoration (aux antipodes de celle de la sixième chaîne, je précise) qui propose des transformations d’appartement par un génialissime duo de femmes architectes.
Par Perrine Tavernier
J’adorais notre appartement mais s’il y a bien une chose que je n’aimais pas c’était les écrans et les câbles électriques. Alors, un soir, après avoir regardé cette fameuse émission, j’ai tenté ma chance en déposant un dossier de candidature sans trop y croire. Qui ne tente rien n’a rien…
J’avais titré mon dossier : « participer à la paix des ménages, faites disparaître l’écran et l’ordinateur de mon mari ». C’est ce titre qui a fait retenir mon dossier.
Après quelques échanges avec les architectes pour finaliser les plans, les travaux ont été lancés. Émission de télé oblige, les délais de réalisation étaient scrupuleusement calculés et respectés.
Nous avons rencontré les différents maîtres d’œuvre et, pour le menuisier qui était en charge des plus gros travaux, je m’attendais à accueillir un petit pépé dans notre salon.
Celui que nous avons accueilli n’était pas du tout comme cela : plus d’1m80, 90kg bien pesés et même pas 40 ans. Une force de la nature était dans notre salon avec un mètre ruban. Il répétait sans cesse les mesures qu’il prenait. Se tromper était exclu.
Le projet dessiné par les architectes était l’un des plus compliqués qu’elles aient donné à réaliser : il mêlait un travail du bois et de laiton brossé. Le bureau devait être escamotable et un énorme panneau coulissant dissimulait la télé et les enceintes de mon mari le tout dans des meubles “naissants” des murs avec rangements intégrés… La tâche s’annonçait rude. Mais, il avait de l’or dans les mains et un talent certain.
Il aura fallu cinq semaines à la maison pour découper, façonner, poncer, visser, caler, accrocher et transformer notre espace de vie en y faisant régner la lumière.
Nous n’étions pas amis mais au fil des semaines passées chez nous, nous avons appris à le connaître à travers son métier. Il travaillait sans compter les heures, il était passionné. Derrière son physique imposant, il y avait un homme délicat et discret. Professionnel, il était à l’écoute. Je lui avais confié mes craintes de maman quant à la sécurité du panneau coulissant et du bureau escamotable face à mon bébé « touche à tout ». Il avait tout double sécurisé pour me rassurer. Tout était parfait.
La dernière journée à l’appartement, il l’a passée à aider mon mari à replacer nos tableaux, nos meubles et nos effets personnels.
Le projet qu’il a livré compte parmi les plus élégants de l’émission.
Le soir du 13 novembre 2015, il était au Bataclan.
En faisant rempart avec son corps, il a sauvé la vie de plusieurs personnes en y laissant la sienne. Sa ville a rebaptisé la place du parc de l’hôtel de ville en son nom.
Square Nicolas Catinat, ville de Domont, commune française du Val-d’Oise.