Evasion

Nice : la baie aux trois grâces angéliques

La bien-nommée baie des Anges est bénie par les trois grâces qui donnent à la ville de Nice une atmosphère toute particulière : la mer, la montagne et le soleil méridional. Grecque, ligure, romaine, puis italienne, et désormais française, Nice est devenue une cité attrayante et cosmopolite, jouissant d’un remarquable environnement.

Par Christian Sorand

 

 

Marseille (1), la cité phocéenne, détient le titre de plus vieille cité de l’Hexagone (2.600 ans). Or, les Phocéens marseillais ont également fondé d’autres comptoirs sur la façade maritime du golfe du Lion: Agde [“bon”,Agathos, Ἀγάθη], Antibes [“ville d’en face”, Antipolis, Ἀντίπολις] et Nice bien sûr.

Vers 350 av. J.-C., les Grecs de Marseille [Massalia, Μασσαλία] y ont donc établi une colonie dédiée à “thea Nikaïa”, la “déesse qui donne la victoire”, c’est-à-dire à Niké [Νίκη], la déesse grecque de la victoire. L’Histoire a donc retenu le nom de cette cité: Nikaia [Νίκαια], devenue Nizza en italien, puis Nice en français.

Depuis lors, la cité niçoise n’a cessé d’être auréolée de dons divins, lui conférant une réputation universelle sans faille. Cette renommée, témoignant d’une richesse acquise avec le temps, se perpétue de trois façons distinctes: un mélange de styles dus à son histoire, une attraction universelle permanente, et par voie de conséquence, un pôle artistique en concurrence avec la réputation de Paris.

En réalité, la ville de Nice jouit avant tout de faveurs naturelles exceptionnelles. Outre la douceur de son climat subtropical, la communauté urbaine se développe sur la courbe d’une rive divine, appelée la baie des Anges. Le massif du Mercantour tient lieu de toile de fond, en rappelant que la chaîne alpine vient s’échouer sur la grève d’une côte sur laquelle l’azur céleste sert de miroir à l’échancrure des flots marins. Nice s’épanouit à la faveur de trois grâces: le soleil, la montagne et la Méditerranée.

Des sites témoignant de la richesse du passé

Située à l’embouchure du Paillon, la cité niçoise offre un paysage composé de collines et d’une vaste plaine côtière. Sur la façade orientale, l’Observatoire (1879) est perché tout en haut du mont Gros (372m). L’architecte Charles Garnier l’a construit à la fin du XIXe siècle, tandis que le dôme est l’œuvre de Gustave Eiffel. Les collines sont devenues des quartiers résidentiels, à l’instar de celle de Cimiez qui a la faveur de la bourgeoisie locale. Le mont Boron (191m) offre un double panorama: l’un sur la cité, et l’autre sur la rade de Villefranche-sur-Mer et le cap Ferrat. La colline du Château sépare le port de Lympia et la célèbre promenade des Anglais. C’est au pied de cette colline rocheuse que se trouve le quartier historique du Vieux-Nice. Le château a été entièrement détruit par Louis XIV. Et aujourd’hui, la colline abrite un beau jardin-promenade rafraîchi naturellement par l’eau d’une source.

Les Grecs de l’Antiquité ont laissé place aux Ligures, puis aux Romains. Comme Nice se situe exactement à mi-chemin entre Marseille et Gênes, la culture de la péninsule italienne a toujours joué un rôle local déterminant. Nizza a longtemps fait partie de la République de Gênes, avant d’être assimilée au comté de Savoie. La région est annexée par la France en 1860. La langue niçoise s’appelle le nissart et fait partie des langues d’oc.

Évidemment, l’architecture locale révèle une double caractéristique. D’une part, dans la vieille ville, une influence italienne aux façades ocre et rouge sardes et aux églises baroques, comme la cathédrale Sainte-Réparate (XVIIe). La tradition locale fait usage de l’appellation de “palais”, mais en réalité ce n’est rien d’autre qu’un “immeuble” dans la langue de Dante (palazzo). L’autre facette de Nice offre une architecture haussmannienne, à l’image de la capitale.

Ici, la blancheur des façades sert de contraste aux couleurs chaudes de l’Italie. Mais les immeubles, toujours parfaitement entretenus, ont un caractère parisien avec une certaine préférence pour des tours d’angle surmontées d’un dôme. Beaucoup d’immeubles datent de la Belle Epoque (fin du XIXe et début du XXe). C’est d’ailleurs le moment où la ville de Nice devient un lieu de villégiature international: russe, anglais, américain, comme dans “Tender is the Night” (1934), roman de F. Scott Fitzgerald. La graine hôtelière est en plein essor. Ainsi, le Negresco (1912), construit par le Roumain, Henri Negresco, va devenir indissociable de l’imagerie de cette époque. L’hôtel adopte un style extérieur néo-Louis XVI et un style intérieur Second Empire. Par la suite, il sera classé monument historique sous la direction de Paul et Jeanne Augier. Celle que l’on surnomme la “dame du Negresco” en fera un véritable musée, l’ornant d’œuvres d’artistes célèbres (François Boucher, Raymond Moretti, etc…). Sur la promenade des Anglais également, le palais de la Méditerranée (1927-1928) deviendra un casino, avant de se transformer en un hôtel de luxe et une salle de spectacles.

Un étonnant cosmopolitisme

La clémence du climat, particulièrement en hiver, attire dès 1750 un tourisme hivernal russe et anglais. L’arrivée du chemin de fer en 1864 amplifie la tendance.

La famille impériale russe avait pris l’habitude de séjourner pendant l’hiver à Nice vers le milieu du XIXe siècle. Sous l’impulsion de la tsarine Alexandra Fedorovna, une première église orthodoxe est inaugurée en 1859. En 1865, le fils d’Alexandre II, le tsarévitch Nicolas Alexandrovitch meurt à Nice d’une méningite à l’âge de vingt ans. Le tsar fait alors construire une chapelle pour rendre hommage à son fils. Un peu plus tard, en 1903, un nouvel édifice est construit à proximité. La cathédrale Saint-Nicolas est inaugurée en 1912. C’est la plus grande cathédrale orthodoxe hors de Russie. La révolution russe de 1917, accentuera encore l’émigration des “Russes blancs” qui ont fait souche à Nice et dans la région. Nicolas Gogol (1809-1852) et Anton Tchekhov (1860-1904) ont tous deux fait de nombreux séjours à Nice. Marc Chagall (1887-1985) a longtemps vécu à Nice, où un musée lui est d’ailleurs consacré depuis 1963. Aujourd’hui, les nouveaux Russes, tout autant fortunés que leurs ancêtres, redonnent une impulsion au tourisme local, sans toutefois regagner l’estime de ceux qui y ont fait souche il y a plus d’un siècle.

Fait significatif: une fois par semaine, un train, le Riviera Express, relie Moscou à Nice en 52 heures.

A la même époque, des hivernants britanniques commencent à séjourner à Nice. Leur nombre croît avec la construction du chemin de fer. Un lieu de culte anglican est créé, ainsi qu’un cimetière. La célèbre promenade des Anglais est nommée en leur honneur. L’écrivain irlandais James Joyce (1882-1941) commence à écrire ‘Finnegans Wake’ à Nice. Quant au chanteur britannique Elton John, il possède une propriété sur les hauteurs, au mont Boron.

 

Un pôle artistique hors du commun

Nice ne cesse d’être un des lieux favoris des artistes de tous bords. La ville recèle un grand nombre de musées. Outre le musée Chagall, dans le quartier de Cimiez, il y a également le musée Matisse. Car Henri Matisse (1869-1954) a vécu toute sa vie à Nice. Nice s’enrichit aussi du musée des Beaux-Arts (1878), d’un musée d’art moderne et d’art contemporain (Mamac,1990); le musée Masséna est installé dans une villa du XIXe de la promenade des Anglais; quant au musée des Arts asiatiques, il a été construit en 1998 par le Japonais Kenzo Tange, dans le nouveau quartier Arénas, à proximité de l’aéroport.

Les lycées niçois ont eu quelques élèves célèbres: Guillaume Apollinaire (1880-1918), Joseph Kessel (1898-1979), Jean d’Ormesson (1925-2017). D’autres sont natifs de Nice, comme le sculpteur Arman (1928-2005), l’académicien Max Gallo (1932-2017), J-M Le Clézio (né en1940), prix Nobel de littérature 2008, beaucoup d’autres y ont vécu et y sont enterrés: Raoul Dufy (1953), René Goscinny (1977), Georges Moustaki (2013), Gaston Leroux (1927). Enfin, d’autres célébrités ont passé de nombreuses années à Nice: le sculpteur César, Gilbert Bécaud, Marie-Paule Belle, les écrivains Michel Butor, Romain Gary, Patrick Modiano et Daniel Pennac.

Toute cette panoplie d’artistes les plus divers, pourrait presque occulter le carnaval de Nice. Or il s’agit pourtant de l’une des plus célèbres manifestations artistiques ! Il existe depuis 1873, et chaque année en février, pendant deux semaines, il attire des milliers de visiteurs. C’est l’un des plus connus au monde avec Rio (2) et Venise (3).

Nice, cinquième ville de France, avec une population de 340.000 habitants, vit principalement du tourisme. En fait, il s’agit de la deuxième capacité hôtelière du pays. Il y a même deux palais des Congrès. Mais la ville a aussi un théâtre national, un opéra, un casino, une bibliothèque, un conservatoire réputé, ainsi qu’une université de pointe (Sophia Antipolis). Sur le plan des transports, outre la gare ferroviaire et le port maritime, il existe dorénavant trois lignes de tramway. L’aéroport international Nice-Côte-d’Azur est le 3e de France, mais le 1er en province.

Sur la place Masséna, au cœur historique de la ville, la “fontaine du Soleil” (1956) affiche un grandiose Apollon en marbre blanc de sept mètres de haut. Le sculpteur Alfred Janniot (1889-1969) l’a entouré de cinq statues en bronze: la Terre, Vénus, Mars, Mercure et Saturne. Tout un symbole liant la fondation de l’antique Nikaïa à sa réputation universelle contemporaine.

 

Liens Internet :

Wikipedia

  1. Marseille: capitale européenne de la culture 2013, Trait d’Union Magazine nº50, novembre 2013
  2. Rio de Janeiro: L’éphémère vision d’un miroir à deux faces, Trait d’Union Magazine nº64, mars 2015, http://www.traitdunionmag.com/rio-de-janeiro/
  3. Venise: Archipel d’art et de couleur à fleur de lagune, Trait d’Union nº87, juin 2017, http://www.traitdunionmag.com/venise-archipel-dart-et-de-couleur-a-fleur-de-lagune/