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Mission Tara sur les microplastiques : omniprésence et toxicité

De retour à Lorient le 23 novembre dernier, la goélette Tara a terminé sa mission de six mois destinée à l’étude de la pollution plastique dans neuf grands fleuves européen. Mission initiée par la fondation Tara Océan, en partenariat avec 16 laboratoires de recherche et coordonnée scientifiquement par le CNRS. Ses objectifs : identifier les sources de pollution, comprendre la fragmentation des microplastiques dans les fleuves, prédire leur dispersion vers l’océan, comprendre leurs impacts sur la biodiversité marine et leurs effets sur la chaîne alimentaire. Les premiers résultats issus des 2.700 échantillons prélevés entre terre et mer sont édifiants…

Par Isabelle Chabrat avec la Fondation Tara Océan

Huitre avec plastique à Hoedic ©Lucas Blijdorp – Fondation Tara Ocean

 

Les microplastiques omniprésents dans les fleuves

100 % des prélèvements effectués contenaient des microplastiques, validant ainsi l’hypothèse selon laquelle les microplastiques sont d’ores et déjà omniprésents dans les fleuves. Sans surprise, on retrouve des microbilles présentes dans certains cosmétiques, dans les dentifrices, etc… mais également une forte proportion, visible à l’œil nu, de fragments appelés microplastiques secondaires, issus de la fragmentation des plastiques due notamment aux rayons du soleil.

Inférieurs à 5 mm, ces microplastiques représenteraient plus de 90 % des 5000 milliards de morceaux de plastiques flottant à la surface de nos océans. « Cette première observation apporte un nouvel éclairage à notre vision de la pollution plastique en mer. Nous avons longtemps pensé que la transformation des plastiques en microplastiques se produisait en mer, sous l’effet du soleil et des vagues. Or, le processus semble bien se produire également dans les fleuves et leurs bassins versants. Les recherches qui débutent dans les laboratoires permettront d’ici quelques temps de mieux comprendre les phénomènes de fragmentation du plastique, de quantifier ce qui vient des fleuves et d’évaluer la nature des plastiques pour pouvoir orienter les mesures à prendre », indique Jean-François Ghiglione, CNRS, directeur scientifique de la mission

Les micro-plastiques, « éponges à polluants »

L’autre observation majeure à l’issue de cette mission concerne la toxicité des microplastiques dans les fleuves. Au cours de la mission, des nasses contenant différents types de plastiques ont été volontairement immergées. Alors que ces plastiques ne présentaient aucun signe de toxicité avant leur immersion, leur séjour d’un mois dans les fleuves a suffi pour que leur toxicité s’avère positive. Si nous savons déjà que certaines matières plastiques re larguent leurs additifs (notamment des perturbateurs endocriniens comme les bisphénols A et les phtalates), certains plastiques « témoins » se sont aussi révélés être des « éponges à polluants ». Charriées vers l’océan, les particules plastiques vont accumuler à leur surface des polluants présents dans les fleuves (pesticides, hydrocarbures, métaux lourds…) et avoir des effets toxiques sur les organismes qui les ingèrent, ralentissant leur croissance, leur reproduction, en perturbant leur métabolisme et leur système hormonal.
Trait-d’Union : 95 % des plastiques retrouvés en mer en surface seraient des microplastiques… que penser des solutions qui proposent de nettoyer l’océan dans ce cas ?
Fondation Tara Océan : Au cœur du « continent de plastique » du Pacifique Nord, aussi appelé Great Pacific Garbage Patch, 94 % des plastiques retrouvés dans les eaux de surface sont petits comme des grains de riz. Les marins comme les scientifiques savent que nettoyer l’océan ne sera pas la solution.  La véritable solution, la plus urgente, pour lutter contre le plastique en mer se trouve à terre. Pour stopper cette « hémorragie », la connaissance des sources de pollution est indispensable.

Equipe scientifique avec le niskin ©Samuel Bollendorff – Fondation Tara Ocean

Les nettoyages de plages permettent d’empêcher les macrodéchets de repartir en mer et offrent une fabuleuse façon de se mobiliser et de sensibiliser. Mais la solution est ailleurs. A terre, dans notre production, notre consommation et dans les matières plastiques non impactantes que nous devons inventer.

Trait-d’Union : Concernant la toxicité des microplastiques, a-t-on déjà des données scientifiques de l’impact sur la chaine alimentaire et la sante des hommes ?
Pas encore ! Les échantillons viennent de partir en laboratoire.

Trait-d’Union : Fleuves et océans sont envahis de microplastiques générés a terre; éduquer et sensibiliser est-ce suffisant pour arrêter cette hémorragie ?
C’est bien là notre mission: partager ces enjeux, faire de la pédagogie et ce à tous les niveaux, c’est la condition du changement. Nous nous y attelons, à chaque escale et à terre : avec les décideurs économiques avec qui nous discutons et avançons ; auprès des décideurs, avec une actualité législative en France notamment, et le débat sur la loi anti gaspillage.

Nous ne pensons pas qu’un monde sans plastique soit possible ou souhaitable. En revanche, une réduction drastique de nos emballages et sur emballages est une priorité.

Voici les cinq mesures qui nous paraissent importantes :

1) Améliorer considérablement la collecte et le recyclage des déchets ;

2)  Réduire drastiquement les plastiques jetables et à usage unique

3) Réduire le nombre de résines et la complexité des additifs utilisés dans la fabrication des plastiques

4) Développer des emballages éco-conçus pour remplacer les matériaux problématiques comme le polystyrène expansé

5) Localement, adopter des lois fixant un calendrier de réduction de tout type d’emballages jetables.

 

Pour plus d’informations : www.fondationtaraocean.org