Coups de coeur

Man Mo Café : la créativité à l’état pur

C’est en 2008 que Nicolas Elalouf pose ses valises à Hong-Kong. Employé au sein d’une société d’importation de produits fins auprès des grandes tables hongkongaises, le jeune Suisse commence alors à côtoyer les chefs étoilés à une période cruciale pour la gastronomie à Hong-Kong avec l’arrivée du premier guide Michelin. Il va ensuite gérer un restaurant occidental avant de travailler pour une boîte de nuit et enfin de diriger un lounge privé pour la marque d’électroménager Miele, lounge qu’il a lui-même conçu. Il y restera deux ans, le temps de finaliser son “business plan”. Diplômé de l’école hôtelière de Lausanne, Nicolas a pour objectif de créer sa propre structure, devenir entrepreneur. Rencontre avec un passionné.

Par Catya Martin

“J’avais envie de créer un restaurant. J’ai décidé de lancer Man Mo en 2013 pour une ouverture en 2014”, explique-t-il avec fierté.

Parti du constat que les dim sums étaient, pour la plupart, composés des mêmes ingrédients, le jeune Lausannois a eu l’idée de se lancer en faisant différemment. Il décide d’apprendre à confectionner et à cuisiner ce qui représente une véritable institution à Hong-Kong, le dumpling. “J’ai d’abord appris à les faire façon Pékin, c’est à dire cuits dans de l’eau bouillante et non à la vapeur”, précise-t-il.

En Suisse pour les vacances, Nicolas Elalouf ne fait pas de pause, très vite il va à la rencontre de ses amis chefs afin de tester plusieurs types de recettes. “Nous avons essayé avec de la courge, du fromage et là, j’ai su qu’il y avait quelque chose à faire”, précise-t-il.

De retour à Hong-Kong, il signe le bail de l’établissement de Lascar Row et l’aventure commence. Il rencontre celui qui deviendra son “maître dim sum”, toujours à ses côtés aujourd’hui. “Il ne parlait pas un mot d’anglais mais avait le Graal, il avait travaillé comme instructeur chez “Din Tai Fung” et c’était, pour moi, la référence”, explique Nicolas. Il fallait ensuite trouver un chef parlant chinois et pouvant offrir une cuisine française, ce qui s’est fait assez rapidement.

“Les trois premières années ont été compliquées. La presse locale est restée sur le créneau du Gweilo qui fait des dim sums. La clientèle locale est venue un peu au début puis plus du tout. Mes goûts n’étaient pas aussi adaptés et ils ne souhaitaient pas trouver à la carte des propositions de leur culture mais des plats occidentaux, il y a donc eu une confusion face au concept”, raconte-t-il. “Puis les expatriés ont commencé à découvrir l’endroit et là, le succès était au rendez-vous”.

Très vite les Français vont s’approprier le lieu, parlant même de “dim sums français”, ce qui ne dérange en rien le jeune Suisse. Aménagé pour pouvoir accueillir des expositions de jeunes artistes, le Man Mo Café est vite devenu une référence à la mode et surtout avec des oeuvres de qualité. “Nous avions des clients qui venaient, certes pour le restaurant, mais aussi pour les œuvres exposée, certains clients souhaitait acheter les œuvres avant de s’asseoir pour le déjeuner ou le dîner”, raconte Nicolas.

En 2016, l’entrepreneur décide de revoir la décoration de l’établissement pour y installer du permanent. “J’ai choisi des objets plus locaux, des assiettes aux murs, des statues, des photos de Hong-Kong, mais aussi de vieilles affiches achetés auprès des brocanteurs de la rue”, indique-t-il.

Tout était parfait sauf qu’il manquait encore quelque chose pour Nicolas, la maîtrise parfaite de la confection des dim sum. Sans hésiter il demande à son maître de lui apprendre. Réticent au départ, il va accepter et le faire travailler comme un apprenti. “Il a accepté à une condition, que j’apprenne la méthode traditionnelle. Il fallait apprendre d’abord à faire la pâte donc pendant des semaines je ne faisais que la pâte. Ensuite il fallait apprendre à rouler cette pâte, puis réussir à prendre ce serpentin de pâte roulée et le couper à 10 grammes de façon précise. J’ai donc appris et pendant un mois je me suis appliqué pour en faire un dim sum parfait”, explique t-il.

Aujourd’hui Man Mo café est classé parmi les dix meilleurs dim sum de Hong-Kong. 

Nicolas Elalouf a le sentiment d’avoir réussi son pari, celui d’un Suisse qui arrive à Hong-Kong pour y monter un restaurant de dim sums, dans la ville considérée, et c’est ancestral, comme le temple du dim sum, dans une ruelle déserte.

Fort du succès à Hong-Kong, en octobre 2019 il ouvre Man Mo à Bordeaux. “Cela m’a permis d’exporter cet art et ce savoir faire. J’étais confiant dans mon expertise”, confie-t-il.

Malgré une situation compliquée pour les restaurants en période de Covid-19, Nicolas ne baisse pas les bras et envisage l’ouverture prochaine d’un restaurant dans le même quartier de Sheung Wan. “L’impact de la crise sanitaire a été, comme pour tous, catastrophique, nous avons subi une baisse importante de la fréquentation, une perte de chiffre d’affaires assez critique, j’ai du me séparer d’employés et ce, malgré les aides de l’Etat. Man Mo est un restaurant qui fonctionne surtout le soir, donc nous étions pleinement frappés”, explique-t-il. “Malgré les mesures strictes de distanciation nous avons réussi à relever le défi. J’ai engagé un nouveau manager pour le restaurant, puis une personne pour le bar et mon équipe en cuisine n’a rien lâché, là je me suis dis je n’ai pas le droit de les laisser tomber et j’ai travaillé en cuisine pour élaborer de nouvelles recettes et proposer des choses différentes mais toujours avec le même concept”.

Même si les plats signatures du Man Mo ont encore de beaux jours devant eux, Nicolas Elaouf commencer à retravailler sur des nouveaux goûts en incluant des saveurs plus locales. “Je discute beaucoup avec les chefs de restaurants locaux pour savoir ce qu’il est possible de faire et surtout ce qui plaît”, indique-t-il. “Le dumpling au Brie et à la truffe, c’est toute l’histoire du Man Mo, comme celui tomate mozarella qui est là depuis toujours et surtout c’est le premier que j’ai créé. Ils seront toujours présents”, ajoute-t-il.

Rendez-vous est pris pour découvrir la nouvelle aventure de Nicolas et ce nouveau lieu. A suivre…

 

Man Mo Café 

40 Upper Lascar Row, Sheung Wan