Infos Régionales

Mais oui, mais oui, l’école a repris !

L’année 2020 aura été marquée par l’épidémie de Covid-19, obligeant entreprises et écoles à revoir leur façon de travailler. C’est le cas du lycée français international de Hong-Kong qui, comme l’ensemble des établissements scolaires de la région administrative spéciale, a mis en place des cours en ligne pour l’ensemble de ses élèves. Une anxiété pour les étudiants, pour les parents mais aussi pour les enseignants qui ont dû inventer un nouveau métier. La transition pour le lycée, qui passe de statut d’établissement conventionné à partenaire cette année, est donc beaucoup plus complexe compte tenu du contexte. La rentrée en présentiel est maintenant effective et l’ensemble des élèves a rejoint les campus. Découverte pour certains, retrouvailles pour d’autres, tous semblent désormais heureux de pouvoir à nouveau avoir un contact humain avec leurs amis et leurs enseignants. François-Xavier Gabet*, nouveau chef d’établissement a bien voulu répondre à nos questions et nous parle de cette rentrée 2020 assez spéciale pour tous. 

Propos recueillis par Catya Martin

Trait d’union : Une fin d’année scolaire et une rentrée particulière pour tous. Y-a-t-il un stress au sein des personnels du LFI ?

François-Xavier Gabet : Oui bien sûr et c’est normal. Avant d’être des collaborateurs, nos personnels sont des citoyens qui comme tous les citoyens du monde subissent cette période compliquée et anxiogène. Nombreux sont ceux qui n’ont pas pu partir cet été et n’ont donc pas pu voir leurs proches. Cela peut engendrer de la tristesse et le mal du pays. A cela s’est ajoutée l’obligation pour l’établissement d’organiser une rentrée en distanciel. Chose inédite. Pour les enseignants, cela a constitué un important défi. Entamer une année scolaire en n’ayant qu’un contact virtuel avec ses élèves est forcément compliqué surtout pour les enseignants qui ont la charge de jeunes enfants. Même si la majorité d’entre eux avaient depuis l’an dernier l’expérience de l’enseignement à distance, penser leur rentrée des classes de cette manière a constitué une étape supplémentaire dans cette réinvention de leur métier. 

J’ai été enseignant moi-même, et je sais combien les liens affectifs et les relations interpersonnelles entre élèves et entre élèves et enseignants sont importantes dans la construction et la gestion des activités pédagogiques. L’énergie essentielle aux activités d’apprentissage provient bien souvent de ces relations. Or là, les enseignants étaient face à un écran et ils ont échangé avec des élèves dont certains faisaient leur rentrée pour la première fois au LFI. Ça a été forcément difficile de créer une relation, un esprit de classe et de mettre en place une pédagogie efficace à distance, surtout pour des jeunes élèves. 

 

La communauté des parents a-t-elle été exigeante face à cet enseignement à distance ?

La communauté parentale est toujours exigeante mais elle l’est peut-être davantage durant cette période d’incertitude. Certains parents se sont inquiétés de la pertinence ou de la performance des enseignements proposés en ligne. Cela a pu parfois se ressentir à travers la manière dont certains parents se sont adressés à l’établissement ou aux enseignants. Mais l’engagement et le professionnalisme de nos équipes, ont réussi à convaincre et à rassurer nos parents d’élèves dont beaucoup nous ont fait part de leur satisfaction et de leur soutien. Ils ont parfaitement compris les défis pédagogiques et logistiques et les limites que peut avoir l’enseignement à distance. Nous avons reçu de nombreux messages d’encouragements et de remerciements.

 

Est-ce lié avec cette volonté de « sanctuariser » l’établissement ?

Par le passé, nous avons tous été témoins d’actions ou de paroles extérieures à l’établissement, qui ont nui au climat scolaire tout comme au bien-être de la communauté dans son ensemble. Sanctuariser l’établissement c’est permettre à l’ensemble de ses usagers de bénéficier d’un environnement serein et bienveillant, propice aux enseignements et à l’épanouissement de chacun. C’est la raison qui nous amène aujourd’hui, avec l’ensemble des équipes de direction, à réfléchir à toutes le actions à entreprendre pour protéger l’établissement, ses élèves, et ses personnels. Il faut ressouder la communauté et lui redonner l’envie de se solidariser avec son école. Particulièrement dans ces moments difficiles. Mais je suis confiant. Nous y arriverons grâce à l’énergie et à la bonne volonté de tous ! 

 

Pourquoi avoir accepté de venir à Hong-Kong ?

Je suis venu trois jours en décembre 2019 à l’invitation des membres du Conseil d’administration qui souhaitaient me faire rencontrer les représentants de la communauté et partager l’expérience du passage au partenariat du CFBL dont j’étais Chef d’établissement. La communauté était en pleine réflexion sur la question du changement de statut et d’un éventuel passage en partenariat. J’ai rencontré les représentants de parents, des professeurs, les membres du consulat et du Conseil d’administration, le proviseur et son adjointe, les directeurs des écoles primaires. 

J’ai intégré les équipes du LFI en septembre 2019. La mission qui m’a d’abord été confiée par le Conseil d’administration a été d’accompagner les équipes du lycée sur le chemin du partenariat avec l’AEFE en préparant la rentrée 2020-2021. Préparer cette rentrée a consisté principalement à réorganiser les instances et les services du LFI et à recruter à la fois des enseignants, des personnels d’administration et des équipes de direction. Toutes ces actions sont des éléments constitutifs importants de la période de transition. Elles sont la base nécessaire à la réalisation d’un projet d’établissement, un projet partagé par la communauté pour la communauté. J’ai donc accepté d’accompagner cette transition qui prendra fin le jour où nous aurons établi tous ensemble un projet commun et que ce projet sera implémenté.

 

 

Vous avez pris vos fonctions et êtes allé à la rencontre des personnels. Quel regard portez-vous sur l’établissement et ses personnels ?

Je pense sincèrement que ce qui caractérise le mieux le LFI c’est le professionnalisme et l’engagement de ses équipes. J’ai découvert ici des personnes extrêmement impliquées et responsables. Très attachées au LFI, débordantes d’idées et d’énergie et qui souhaitent apporter le mieux aux élèves dont ils parlent souvent en termes élogieux. Des personnes formidables avec lesquelles c’est un privilège d’échanger et de travailler. L’établissement quant à lui est une structure complexe. Lors de sa venue au LFI à l’automne dernier, Monsieur Olivier Brochet, directeur de l’AEFE le qualifiait lui-même « d’établissement le plus complexe du réseau ».  Complexe du fait des quatre sites, complexe du fait de sa taille, et du fait aussi de la présence de la filière internationale. Une cohabitation riche d’opportunités mais qui nécessite une attention particulière.  Le LFI est un établissement important, par son histoire, par sa situation géographique aussi et qui garde une place particulière dans le réseau des lycées français du monde. C’est un établissement prestigieux. Il ne faut pas s’en cacher. 

 

Vous parlez de ressouder la communauté qui s’est déchirée sur le changement de statut, comment souhaitez-vous faire ?

J’ai bien entendu pu constater durant ces derniers mois combien certains membres de la communauté parentale pouvaient ne pas se reconnaître dans l’orientation décidée l’an dernier. Je l’ai constaté à travers des courriers reçus, et à travers des contenus parfois violents postés sur les réseaux sociaux. 

Je pense avant tout qu’il s’agit de l’expression d’une inquiétude et que la première de mes tâches est de rassurer les personnes qui ont besoin de l’être. La manière dont nous avons repensé l’organisation des instances doit nous permettre d’être au plus proche des membres de notre communauté afin de mieux comprendre ses attentes et de mieux pouvoir y répondre. Bientôt les parents d’élèves vont être invités à présenter leur candidature aux élections des représentants des parents d’élèves. Ces élections “nouvelle formule” permettront à ceux qui le souhaitent de s’engager dans une action collective en partenariat avec les représentants des personnels, des élèves et de la direction. 

Pour cela, je souhaite mettre en place pour chacun des campus des ateliers de réflexion collective qui réfléchiront et proposeront des solutions aux problèmes de la vie des campus, mais qui alimenteront aussi les orientations du futur projet d’établissement.

Le LFI entame une nouvelle page de son histoire. Pour cela il a besoin des compétences, de la bonne volonté et du soutien de sa communauté. L’établissement est un bien collectif et c’est à chacun de veiller à son avenir. 

 

Quelles sont les nouvelles mesures mises en place ?

Comme je vous le disais, nous avons fait le choix de mettre le lycée au plus près de sa communauté. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix d’une direction décentralisée et d’organes de gouvernance propres à chacun des campus. Cela ne sous-entend pas du tout une indépendance des campus. BPR, JL, CW et TKO restent les constituants indissociables du LFI, et les quatre campus travaillent et partagent une vision commune. Chacun des campus est confié à une équipe de direction pédagogique spécifique et toutes les équipes de direction se rassemblent chaque semaine pour réfléchir ensemble à des problématiques collectives. Ce fonctionnement est aussi une interprétation de la notion de partenariat qui est déclinée à tous les niveaux de l’établissement et entre les campus bien sûr. 

Cette nouvelle organisation doit permettre une plus grande flexibilité, une meilleure écoute, et la possibilité pour les équipes de prendre plus facilement les initiatives nécessaires. En bref une plus grande créativité. 

Nous avons aussi souhaité développer le partenariat fort entre les deux filières internationale et française. La nomination de Ian Clayton au poste d’adjoint au chef d’établissement, au-delà de sa dimension symbolique nous amène à collaborer quotidiennement et à penser les problèmes et les défis des deux filières comme des sujets communs. 

L’idée principale est vraiment de faire que les deux familles, française et internationale, se regroupent pour n’en former qu’une. Je suis très serein et j’ai une confiance absolue en Ian Clayton. 

 

Avez-vous une diminution des effectifs cette année ?

Nos effectifs sont restés stables par rapport à l’année dernière. Nous avons cependant dû faire face à une situation inédite : l’arrivée tardive de certains élèves qui, à cause de la situation sanitaire mondiale, étaient coincés à l’étranger ou rencontraient des difficultés à rejoindre Hong-Kong.  497 nouveaux élèves ont rejoint le LFI cette année et aucun élève n’est resté en liste d’attente pour la filière française. 

Nous avons accueilli 38 nouveaux enseignants dont plus d’une vingtaine arrivant de l’étranger. Pour eux, l’équipe des ressources humaines est parvenue à développer un formidable programme d’intégration à distance. Pendant deux semaines, nos nouveaux collaborateurs ont bénéficié d’une série d’activités, de formations, de rencontres par visioconférences. Un vrai défi ! Mais aussi une vraie réussite. Nous avons réussi à les préparer à la vie à Hong-Kong et à la préparation à la mission dans l’établissement, et le tout à distance en raison de la quarantaine qui leur a été imposée à leur arrivée.

Nous avons repensé le programme sachant que pour certains, notamment ceux avec des enfants, c’était une épreuve d’être enfermés deux semaines dans une chambre d’hôtel.

Nous avons mis en place des formations, notamment aux outils numériques, sachant que l’on aurait une rentrée en distanciel et il fallait que tout le monde soit opérationnel dès la rentrée, ce qui a été le cas.

 

Vous appuyez-vous sur votre expérience à Londres ?

Oui, absolument. Si l’AEFE m’avait confié la mission de création du CFBL dans le cadre d’un conventionnement en 2010, le conseil d’administration, sept ans plus tard, a pris la décision d’un passage en partenariat. Cela m’a obligé à repenser entièrement le fonctionnement de l’établissement et à traduire cette nouvelle autonomie de gestion en flexibilité et en créativité. 

En cela, ma mission ici est un peu la même et il est normal que mon expérience londonienne nourrisse ma réflexion et les orientations que je propose. 

 

Quelles missions vous donnez-vous pour les années à venir ?

Tout d’abord, la durée de ma mission est à ce jour d’une année. C’est court mais c’est peut-être suffisant pour engager l’établissement dans un nouvel élan. Je pense que si je devais résumer en quelques mots les objectifs que je me donne, ils se déclineraient autour du mot « partenariat ». C’est un mot important, riche de sens. Il sous-entend des ambitions communes et des actions partagées. Il sous-entend aussi l’adhésion et le rassemblement. Je suis sûr qu’il est possible de renforcer la communauté scolaire autour d’un projet commun. Ce fameux projet d’établissement dont j’accompagnerai la création et la mise en place dans les mois qui viennent. J’insiste sur le mot « accompagnerai » car il devra lui aussi être le fruit d’un travail en partenariat avec les représentants de la communauté. Ce projet devra couvrir des ambitions pédagogiques en enrichissant l’offre, la cohérence et l’organisation des enseignements, mais aussi des ambitions stratégiques afin de renforcer la place et l’image du LFI à Hongkong. 

 

Comment souhaitez-vous travailler avec les représentants de parents élus ?

Tout simplement en partenariat. Comme celui développé depuis un an avec les membres du conseil d’administration. Comme je le disais, dès le lendemain des élections, nous organiserons sur chacun des campus des groupes de réflexion et de travail qui devront à la fois proposer des réponses aux problématiques quotidiennes de la vie des campus mais aussi réfléchir à l’avenir du LFI et définir les stratégies dont l’établissement et nos élèves d’aujourd’hui et de demain auront besoin. 

Il est important de pouvoir faire évoluer la mission des représentants de parents d’élèves en les rendant plus acteurs de la vie de l’établissement, en leur permettant de mieux comprendre le fonctionnement de cette structure complexe, et de toutes ses contraintes.

J’ai pu durant les derniers mois me rendre compte de l’énorme pression que subissent les représentants des parents d’élèves de la part de la communauté parentale. Il est important que nous trouvions le moyen de les soulager de cela. Sans doute en revoyant certaines de nos pratiques de communication.  Nous devrons mettre fin à la spirale revendicative qui peut fatiguer et décourager nos équipes en étant plus transparents et plus pédagogues. Il faut permettre à tous de mieux comprendre le fonctionnement de l’établissement et donc les décisions que les équipes de direction et le conseil d’administration sont amenées à prendre. 

 

Rendez-vous à la fin de l’année pour faire un point du premier trimestre ?

Avec plaisir. 

_______

* François-Xavier Gabet a fait sa rentrée lundi 16 septembre au lycée français international de Hong-Kong. En tant que Head of Transition, sa mission est d’accompagner le passage du LFI d’établissement conventionné à établissement partenaire de l’AEFE. Arrivé de Londres où il exerçait en tant que chef d’établissement du Collège Français Bilingue de Londres (CFBL), il a dédié sa vie professionnelle à l’Education. Après un début de carrière à Lille comme instituteur, François-Xavier Gabet est parti à Jeddah, puis aux Etats-Unis où il élabore des programmes d’enseignements de langue française pour une institution publique américaine, puis à Melbourne, avant d’arriver, en 2010, à Londres, nommé par l’AEFE avec la mission de créer un nouvel établissement afin de désengorger le lycée Charles de Gaulle.