L’Olympe existe-t-il vraiment ?
C’est dans la province du Yunnan, aux portes du Tibet, que Constantin de Slizewicz, son épouse Phoebe et leurs acolytes, Guillaume et Franck, vous invitent à aller à la rencontre de l’inédit. La découverte d’un monde que l’on pensait disparu, empreint de spiritualité, de nature à l’état sauvage, est aujourd’hui possible.
Les caravanes Liotard vous entraînent vers des sommets jusque là réservés à des explorateurs avertis et vous ouvrent les portes d’un Tibet hors normes. Cet ancien photo-journaliste français de 39 ans a trouvé son « moi intérieur » au cœur de cette province du Yunnan, Shangri-la. « En découvrant le Yunnan à la fin des année 90, j’ai tout de suite aimé cette vie et cette population qui vivait à la vitesse du yak et du buffle. Lorsque j’habitais à Kunming, après mes reportages dans ces régions rurales, les retours à la vie normale, était assez violents. Je passais d’une vie de marcheur avec sac à dos dans les montagnes à une vie urbaine moins mature », explique Constantin.
« La vie dans ces campagnes était totalement adaptée à mon état d’esprit. Quand j’ai quitté le lac Lugu en 2007 pour la publication de mon premier livre, j’avais le souhait de revenir dans le Yunnan de manière plus autonome et le projet a pris forme. A partir de 2010, je me suis lancée dans l’aventure de la mission Liotard qui a donc commencé avec les caravanes ».
Constantin de Slizewicz a retrouvé les termes de la définition de l’Olympe. « J’ai immédiatement ressenti des liens affectifs, aimé le côté traditionnel. Le monde tibétain me parle avec une définition de l’humanité qui me correspond totalement comme s’il y avait un lien fraternel direct », tient-il à ajouter.
Rencontre avec un explorateur des temps modernes.
Propos recueillis par Catya Martin (photos ©Thomas Goisque)
Trait d’Union : « Les chiens aboient, la caravane passe ». Ce proverbe arabe du Moyen-âge qui parlait de groupes de marchands est-il une inspiration de vos caravanes ?
Constantin de Slizewicz : Oui, l’idée de la caravane Liotard est exactement là. Durant ces quatre jours et trois nuits, en suivant les sentiers de la Route du thé et des chevaux, à travers la beauté sauvage des montagnes des marches tibétaines, pouvoir se déconnecter de la spirale cannibale des mégalopoles. Ne plus écouter les brouhahas inutiles du monde, oublier ses addictions aux technologies, être à rebours de cette modernité qui chaque jours aggrave le sort de notre planète… Oui, ici, dans les montagnes de Shangri-La, le temps s’est arrêté. Si demain, par hasard, ce groupe de marchands arabes du Moyen-âge venait à croiser notre caravane, je crois que rien ne les surprendrait : chevaux, tentes, feu … une tasse chaude de thé Pu’er et sans poser de questions, ils prendraient place avec nous pour admirer les plus belles nuits d’étoiles.
En 1940, Liotard a été tué dans une embuscade sur le col du Kham, vos caravanes sont-elles une sorte d’hommage ?
Louis Liotard est mort en 1940 dans une embuscade des Golock’s dans le Sichuan tibétain. Son compagnon de route, André Guibaut a laissé l’empreinte de deux livres racontant les expéditions en terre tibétaine. J’ai découvert ces récits dans le début des années 2000, lorsque je débutais mes explorations dans le Yunnan et la Tibet La rencontre de ces ouvrages, “Missions perdues au Tibet “et “Noglo Setas” fut comme un testament qui ont profondément marqué mon ancrage ici, et l’écriture de mon premier livre “Les peuples oubliés du Tibet”.
Vous rappelez l’histoire de Joseph Rock, décédé en 1962, explorateur austro-américain du National Géographic, qui se déplaçait avec une importante intendance chargée sur une caravane de 26 mules et 17 hommes, les hommes de main sont des bandits, et qui ne voyageait jamais sans sa baignoire, sa vaisselle, sa bibliothèque et son mobilier, type d’expédition inspirée de l’époque victorienne. Cherchez-vous à faire revivre le « chic » de ces expéditions passées ?
Joseph Rock, contemporain de Liotard de Guibaut ne lésinait pas sur l’intendance de ses caravanes. Dans ma jeunesse, moi qui voyageait en montagne de manière ultra légère, secrètement je jalousais ces voyageurs de grande classe qui partaient avec caisses de vins, littérature et instruments d’astronomie afin de profiter de toute la quintessence de ces paysages. Nos campements, sont comme des mandalas bouddhistes, ces peintures religieuses faites de sable qui d’un souffle disparaissent. Ainsi, nous voulons célébrer la beauté de ces montagnes et ces forêts, le temps d’un « mouillage », pour le lendemain repartir sans laisser la trace de notre passage.
Vous vivez dans le Yunan depuis plus de dix ans, pourquoi avoir choisi Shangri-La comme base ?
La première fois que je suis venu à Shangri-La c’était en 1999, j’avais 22 ans. J’ai lors de cette première rencontre, su que ma vie allait un jour se diriger vers ce monde tibétain qui me semblait étrangement si familier. Telle une plante, la graine était en terre, le temps et la providence l’ont faite germer. Aujourd’hui l’arbre porte ses fruits. Tel un port, Shangri-la est l’endroit parfait pour lancer des appareillages et entreprises vers cet océan de montagnes qu’est l’univers tibétain.
Comment l’entreprise caravanes Liotard s’intègre-t-elle dans la population locale ? Quels sont vos liens avec les villageois ?
Nos liens sont forts et empreints d’honnêteté. Depuis 2010 notre volonté est, avec les caravanes, de proposer, dans une zone rurale de Shangri-La vallée de Ringha, une entreprise permettant de faire perdurer la culture muletière.
Notre souhait est de proposer un plus dans ce monde agricole. L’idée de la caravane était de pouvoir offrir un art commun à ces tibétains et de pouvoir le faire perdurer. Les jeunes avaient oublié ou ne savaient pas faire les nœuds des bâts, diriger les chevaux en montagnes, toutes ces choses que les anciens savaient. Je voulais aussi que ces jeunes puissent se réapproprier ces territoires en alpage. Grâce aux caravanes, les Tibétains nous offrent leurs montagnes, leurs chevaux nous accompagnent. Il y a une sorte de fraternité. Ce sont mes voisins, mes amis dont je partage les joies mais aussi les peines quotidiennes. Nos hôtes ressentent tous cela et découvrent quelque chose de spontané, de naturel, de réel !
Qui sont vos clients ?
Des expatriés, des décideurs, majoritairement des Français expatriés résidents à Hong-Kong, Singapour ou encore Shanghai, Wuhan, Chengdu… mais aussi des Chinois.
Que viennent-ils rechercher ?
La coupure, pouvoir découvrir en Chine un lieu sauvage et originel. Mais aussi pouvoir approcher une nature sauvage. En ajoutant une connexion réelle avec les populations locales, le tout avec une touche d’élégance, les chevaux, un univers tibétain et surtout notre présence. Partir spontanément vers ces montagnes avec une boussole n’est pas quelque chose que tout le monde peut faire.
Chez Liotard nous bannissons ces mots usurpés ces dernières décennies comme durable, authentique, équitable, bio, luxe et préférons traditionnel, réel, communautaire, naturel, élégant. Nos hôtes viennent aussi chercher des moments intenses et uniques. Ils ont jusqu’au premier col pour faire leur dernier appel téléphonique et après ils sont déconnectés de leur quotidien. Là, il ne leur reste plus qu’à apprécier durant quatre jours et trois nuits. Les gens arrivent comme clients et très souvent, grâce à cette promiscuité et cette intimité, repartent comme amis.
Faut-il une bonne condition physique pour accéder à vos expéditions ?
Pas spécialement, si ce n’est supporter l’altitude. Il n’y a jamais eu d’accident. S’il y a le moindre problème nous essayons toujours de trouver des solutions. Le premier camp est à 3.760 mètres et le deuxième camp est un peu plus bas. En six ans, nous n’avons eu qu’une personne qui a arrêté en route pour un souci lié à l’altitude.
Quels sont vos projets futurs ?
D’abord la ferme Liotard. Avec mon épouse, Phoebe et mon fils Konrad, nous vivons à 30 minutes de Shangri-La. Nous avons acheté il y a quatre ans une ferme traditionnelle tibétaine, à 3.350m, que nous avons restaurée pendant un an et que nous habitons depuis trois ans. L’idée de cette ferme est de développer une maison d’hôte, avec des chambres d’hôtes et les tentes du camp fixe situées dans le jardin qui entoure la ferme. Nous souhaitons surtout proposer une belle table d’hôte de campagne, comme on en trouve en Angleterre ou en France, en y proposant des produits du terroir que nous allons développer, tels des charcuteries et fromages issus de l’agriculture locale.
Ensuite, l’année prochaine débutera « The Tea Road », une agence de voyage que je monte avec Franck. Il s’agit d’une agence pour une clientèle plus jeune et spontanée, permettant de partir en montagne de façon plus sobre que nos caravanes – mode trekkings avec guides tibétains -, mais aussi organisant des voyages découvertes dans le Yunnan.
Puis, nous avons depuis plus d’un an le « Flying Tigers Café ». C’est un restaurant situé dans la vieille ville, je vous invite d’ailleurs à aller regarder les avis sur Tripadvisor. C’est Guillaume qui est à la tête de ce restaurant avec son épouse Qi Lian.
Et enfin, j’ai toujours des projets d’écriture de livres sur le thème de la Route du thé et chevaux, mais je vous en parlerai plus en détail une prochaine fois.
www.caravane-liotard.com
notre adresse de contact : info@caravane-liotard.com et tel si besoin : +86 – 158 94 36 70 94
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