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« Lo, le taxi…c’est sa vie… »

« Are we going to the airport, Ma’am ?», me dit Lo en sautant de sa voiture pour ouvrir son coffre afin d’y hisser ma machine à coudre astucieusement logée dans une petite valise à roulettes. Et non, à regret, cette fois-ci, je ne pars pas en voyage, COVID oblige ! Mais je me rends à mon atelier de couture solidaire du mercredi matin…

Par Anne Suquet

 

Je suis agréablement surprise par la bonne humeur de cet homme qui gentiment m’ouvre la porte afin que je prenne place dans sa voiture d’un rouge écarlate, à croire qu’il l’a nettoyée juste avant, avec son chiffon, comme le font tous les chauffeurs de taxi dès qu’ils ont une minute pour s’arrêter. Avec leur couleur rouge, ces milliers de voitures si familières font partie intégrante du look et de la dynamique de la ville et puis, semblent disparaître dans l’arrière-plan de notre quotidien comme « prises pour acquis ».

 

Le taxi joue un rôle dans la culture visuelle et identitaire de Hong-Kong

Hong-Kong est, par nature, la ville où l’on peut vivre sans voiture grâce à la qualité des transports en commun et aux taxis. A l’exception de quelques lieux vraiment isolés, les taxis sont partout et relativement bon marché. Ils coûtent moins cher qu’une course en véhicule de tourisme avec chauffeur !

Avec environ un taxi pour 396 habitants, c’est une des villes les plus denses en taxis au monde et sa flotte a aussi la particularité d’être uniforme. Non seulement ils partagent la même couleur (rouge dans les zones urbaines, vert dans les Nouveaux Territoires et bleue à Lantau), mais plus de 99  % des taxis sont des Toyota Crown Comfort, un modèle de voiture typiquement conçu exclusivement pour l’usage des taxis.

 

Mais qui donc est au volant ?

Lo est un retraité qui a oublié de l’être ! Simple jeu de mots pour indiquer son âge avancé. Il fait partie de la vaste communauté des taxi-drivers comptant plus de 200.000 personnes autorisées à conduire un taxi. Comme lui, environ la moitié des titulaires de permis ont atteint l’âge de plus de 60 ans, tandis que moins de 5  % ont moins de 40 ans (statistiques de 2018). La profession de chauffeur de taxi est encore souvent perçue comme celle qui s’adresse aux semi-retraités ou aux travailleurs à temps partiel. L’âge minimum des chauffeurs de taxi à Hong-Kong est de 21 ans et il n’y a pas d’âge de départ à la retraite. L’âge moyen des chauffeurs de taxi de la ville est de 58,4 ans, alors que les données officielles montrent que les automobilistes de plus de 60 ans sont le plus souvent impliqués dans des accidents. Le vieillissement des chauffeurs n’est donc pas qu’une perception !

La réalité est aussi qu’un chauffeur doit travailler dur et plus, pour gagner sa vie et obtenir un salaire correct ! En effet, la concurrence accrue des autres services de transport public ou l’émergence de services de covoiturage impliquant le transport de passagers à titre onéreux sont autant de menaces pour cette profession mal rémunérée. Selon une enquête internationale réalisée en 2015, le tarif des taxis à Hong-Kong était parmi les plus bas des grandes villes. Par rapport à Londres et à New York, le tarif nominal de Hong-Kong est respectivement d’environ 60  % et 40 % moins cher (pour un trajet de 5 km). 

La baisse des niveaux de service et le manque de jeunes dans la population active des chauffeurs de taxi serait probablement un sujet de gestion des ressources humaines passionnant.

 

Fan de Mireille Mathieu !

Pendant que nous discutions, mon taxi rouge arrive à destination. J’ai voyagé avec grand plaisir en compagnie de Lo. « Cerise sur le gâteau », ce dernier aime les chansons françaises et il chante par cœur notre Marseillaise alors qu’il ne comprend pas le français. C’est donc un peu de France qui voyageait avec moi dans ce taxi en écoutant Mireille Mathieu ou Anne Sylvestre, sa compilation préférée ! Je lui ai conseillé d’écouter le succès « Joe le taxi » de Vanessa Paradis qu’il ne connaissait pas et si bien approprié à sa situation et personnalité. Décidément, Hong-Kong m’étonnera toujours !

« Enjoy your day ! Ma’am ! » me lance-t-il en ouvrant ma porte sans quitter son volant et en actionnant sa poignée magique. La prochaine fois, Lo me conduira sans doute à l’aéroport…