Culture

Lieu mythique à Singapour, le Raffles rouvre ses portes

Amorcée en février 2017, sa rénovation s’achève aujourd’hui. Si les réservations sont ouvertes depuis le 1er août, l’inauguration officielle de l’hôtel somptueusement rénové n’est prévue que courant octobre. D’ici-là, Trait d’Union vous propose une visite guidée dans les arcanes du luxe.

Par Fabienne Caparros

 

«Raffles est synonyme de toutes les fables de l’Orient exotique », écrivait l’écrivain anglais, William Somerset Maugham qui, chaque matin, se faisait installer une table à l’ombre d’un frangipanier pour s’imprégner du lieu et trouver l’inspiration. Un siècle plus tard, l’écrivain n’est plus.

Mais sont restés ses écrits comme l’esprit colonial et sophistiqué de cet hôtel d’exception, devenu emblème national.

« Peu d’hôtels au monde deviennent pour ainsi dire le synonyme des villes qui les accueillent. Aucun ne l’est autant que l’hôtel Raffles pour Singapour », rappelle fièrement Christian Westbeld, son directeur général.

Depuis sa création en 1887 par les frères Sarkies, le temps a passé mais rien n’a changé. Le Raffles a traversé les siècles en sachant se conserver, en se sublimant d’année en année, de rénovations en remises à neuf. La dernière, qui s’est achevée cet été, est l’œuvre subtile et minutieuse d’Alexandra Champalimaud.

L’univers hôtelier du luxe doit notamment les aménagements somptueux du Bel Air à Los Angeles, du Saint Régis à Pékin, du Berkeley à Londres ou encore du Pierre à New York, à cette célèbre décoratrice d’intérieur

Mélange irrésistible de culture, d’esthétique et de noblesse

Oasis de style colonial au cœur du Singapour moderne, le Raffles revisité par Alexandra Champalimaud et le cabinet d’architecture Aedas, ouvre un nouveau chapitre de son histoire placé entre excellence renouvelée et tradition perpétuée. Ainsi, comme en 1887, le Raffles déploie le tapis rouge à ses clients et visiteurs, accueillis comme au temps de l’empire britannique, par des concierges vêtus de leur traditionnelle tunique et intemporel turban blanc.

Ce qui n’était à l’origine qu’un vaste bungalow — propriété d’un descendant de l’écrivain anglais Walter Scott qui accueillait alors les nageurs de la colonie britannique de Singapour —, le Raffles d’aujourd’hui propose neuf catégories différentes de suites, dont trois nouvelles (résidence, promenade et studio) et compte désormais 115 suites, soit douze de plus qu’en 2017. Comme au temps de Charlie Chaplin ou de Joseph Conrad, les majordomes stylés sont au service d’une clientèle choyée à qui le Raffles veut laisser un souvenir impérissable.

Et pour cela, le palace s’est donné les moyens de son ambition : prestations très haut de gamme, boutiques de luxe et restaurants gastronomiques conduits par des chefs multi-étoilés comme Alain Ducasse, Anne-Sophie Pic et Jereme Leung connu pour sa cuisine chinoise innovante. Les restaurants s’appellent BBR, La dame de Pic, Yi mais aussi Tiflin Room, The Grand Lobby, Raffles Courtyard, Ah Teng’s Café et bien sûr, le Long Bar qui, en 1915, inventa le fameux Singapour Sling, devenu depuis cocktail national.

Côté jardin, colonnades, arcades, escaliers en marbre blanc, patios, fontaine, plantes et arbres se veulent enchanteurs. Le tout baigné dans une douce musique classique. Dans ce raffinement sensoriel, on devinerait presque William Somerset sous son frangipanier, la reine Elisabeth II sur son balcon en bois de teck ou Jean-Paul Belmondo sifflotant sous les colonnades.

Les plus craintifs iront même jusqu’à scruter l’entremêlement des plantes pour voir si comme en 1902, un tigre ne se cache pas. Mais très vite ils seront rassurés, car du fauve, il n’est resté qu’une version moulée et inoffensive exposée dans la boutique de l’hôtel qui fait aussi office de musée. On y apprend notamment que le 14 juillet 1917, la Marseillaise s’est répandue sous les arcades ; que le 40ème anniversaire du débarquement de Normandie y a été fêté, ou encore que Mr Lee Kuan Yew y a célébré ses noces, neuf ans avant de devenir le premier Premier ministre de l’histoire de Singapour. Preuve, s’il en fallait, qu’au-delà du luxe et de sa fonction hôtelière, le Raffles, véritable trésor national, se veut aussi la mémoire glorieuse et le futur rayonnant de Singapour.