Tranche de vie

Les amis

Quand on décide de s’expatrier, on sait qu’il va falloir se créer un nouveau cercle d’amis. Derrière quelques traits d’humour, je cache ma timidité ou plutôt mon introversion (c’est le mot employé quand on est adulte), alors les amis, je n’en ai jamais eu beaucoup. A vrai dire, mes amis ne datent pas d’hier et je peux les compter sur les doigts d’une main. Alors, quand il a fallu recréer des liens sociaux à Hong-Kong, la tâche s’est avérée ardue…
Par Perrine Tavernier

 

A notre arrivée, nous ne connaissions personne. Les premiers mois ont été réservés à l’installation de la maison et très vite, j’ai compris que malgré mon introversion, comme tout le monde, j’avais besoin d’amis.

Les premières rencontres ont été, comment dire, refroidissantes. Je me souviens avoir croisé des personnes me regardant de bas en haut afin d’évaluer le revenu fiscal de mon foyer… De véritables radars à bijoux et marque de luxe qui fonctionnaient à plein tube. Une fois, on m’a carrément demandé le poste de mon mari avant même de savoir mon prénom.

Je sais que ces anecdotes arrivent à beaucoup d’entre nous et que beaucoup s’en moque.
Moi, je n’y arrive pas. Les bras m’en tombent à chaque fois.
Et dans ces moments là, je l’aime ma timidité. Elle est mon rempart car face à ces personnes là, je n’ai aucune répartie. Je reste silencieuse, le regard vide, l’air niais et automatiquement, ces personnes s’en vont.
Il n’en reste pas moins que ce genre de rencontre m’écœurait et quand je les débriefais à mes amis de France, ils pouffaient de rire mais pas moi.
Ils m’ont tous dit qu’avec le temps, j’allais bien finir par rencontrer quelqu’un de sympa mais que je n’avais pas le choix, il fallait quand même un peu aller vers les autres.

Et je me suis souvenue de la façon dont nous avions rencontré nos derniers amis à Paris. Nous vivions dans une rue où l’immeuble d’en face était tellement près que je ne sais même pas si le terme « vis à vis » était approprié. Je n’aime pas les rideaux et nos voisins d’en face ne les aimaient pas non plus.

Quand ils ont emménagé, je venais d’accoucher, j’étais à la maison et, je scrutais leur emménagement (il ne me manquait que la blouse et je prenais le poste de concierge de l’immeuble). J’avais remarqué que la femme était enceinte et donc un jour, elle a accouché. Un soir, j ‘ai décidé d’accrocher un mot à notre fenêtre du salon avec inscrit « Félicitation pour votre bébé ». Ce jour-là, couvert de honte, mon mari m’a dit : « si après cela, ils n’installent pas des rideaux… ». Ils ont répondu en accrochant aussi un mot à leur fenêtre pour nous féliciter à leur tour de la naissance de
notre enfant. A cet instant, j’ai compris que je voyais chez eux mais que la réciproque était aussi vraie ! C’est ainsi que notre amitié a démarré, avec un mot accroché à nos fenêtres.

A Hong-Kong, j’avais tiré un trait sur tous les cafés « nouveaux arrivants » qui sont utiles mais qui ne me correspondent pas.

La première personne avec qui j’ai sympathisé, je l’ai connu en passant une commande chez le boucher. Les autres, je les ai rencontrés un peu par hasard. Essentiellement, à l’école des enfants
où je croisais aussi les « radars » sur leur 31 faut-il le préciser… De façon générale, je n’ai rien en commun avec mes nouvelles connaissances hormis le fait de ne pas vivre dans notre pays d’origine. Avec certaines, nous avons grandi sur des continents différents, d’autre n’était pas très loin de moi à Paris mais vivait en banlieue i.e. bout du monde pour les intra-muros.

Je reste persuadée que si je les avais croisés dans ma vie d’avant, je ne leur aurais jamais parlé.
Qu’est-ce que j’aurai loupé !

Je ne sais pas si ces amitiés faites à Hong-Kong perdureront car nous sommes, dans la majorité des cas, tous sujet au départ. Mais elles ont une place importante encore plus maintenant, où rentrer en France pour les fêtes et voir notre famille et nos amis s’avère compliqué depuis Hong-Kong.

Alors aujourd’hui, je crois pouvoir dire que mes amies, je les compte sur les doigts de mes deux mains.