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L’économie en ASEAN avant et après COVID

Les pays de la région ASEAN ont été parmi les premières nations touchées par la pandémie, en raison de leur proximité géographique et de leurs relations commerciales avec la Chine. Cet article présente les impacts sociaux et économiques de la région à la suite de l’épidémie de COVID 19.

Par Alice Jouclas

Créée en 1967 pour favoriser la coopération régionale en matière d’économie, de sécurité et de culture, l’ASEAN a joué un rôle central dans l’intégration économique asiatique. Avant le COVID, l’ASEAN avait réussi à créer un accord de libre-échange entre ses pays membres, ainsi qu’un pacte antiterroriste assurant la sécurité de la zone.
Dès janvier 2020, le virus du COVID 19 s’est propagé à certains pays de l’ASEAN, qui ont mis en place des mesures de prévention parfois strictes pour faire face à la pandémie.

Plus de deux ans après le début de la pandémie, les dix États membres de l’ASEAN continuent de gérer les retombées de la crise. En effet, l’épidémie a remis en question et modifié le rôle de l’association, en mettant en avant la santé dans les stratégies d’intégration économique. De plus, l’ASEAN doit mettre en œuvre ces changements stratégiques dans un contexte tendu, entre la guerre en Ukraine et l’intensification de la rivalité entre les États-Unis et la Chine.
Cependant, les interventions de l’ASEAN pourraient aider à relever certains des défis actuels et à saisir les opportunités de croissance disponibles dans la région sud-asiatique. Dans cet article, nous verrons comment l’économie a évolué en ASEAN depuis la pandémie de COVID 19.

Le COVID 19 est venu stopper la croissance économique des pays d’Asie du Sud-Est
Le COVID 19 a entraîné des conséquences sanitaires, sociales, économiques et financières dévastatrices dans les pays membres de l’ASEAN. Les mesures d’éloignement social et les fermetures de frontières ont décimé la demande, intérieure comme extérieure, pour les secteurs de la consommation : le retail, la grande distribution et le tourisme. La baisse de la demande et la perturbation des chaînes d’approvisionnement ont également contribué directement à la décélération rapide des industries manufacturières. Les taux de chômage record ont augmenté les taux de pauvreté et creusé les inégalités.
La Banque asiatique de développement (BAD) a constaté que le COVID 19 a supprimé 9,3 millions d’emplois rien qu’en 2021, et fait basculer 4,7 millions de personnes en Asie du Sud-Est dans l’extrême pauvreté. La BAD a prévu une perte de 0,8 point de pourcentage sur le produit intérieur brut (PIB) de la région en 2022 et une baisse de la production de plus de 10 % par rapport au scénario de base sans COVID.
Pour terminer sur une note positive, cette pandémie a accru l’urgence pour les gouvernements à introduire des réformes structurelles pour soutenir une reprise économique durable. Ainsi, le renforcement de la coopération régionale en Asie du Sud-Est est important pour aider les pays à faire face aux crises futures de manière plus efficace. C’est là qu’intervient l’ASEAN, qui peut jouer un rôle dans le soutien à un environnement commercial favorable et l’amélioration des infrastructures de la région.


Source : https://www.aseaneducationgroup.com/

ACRF : un plan de relance initié par l’ASEAN

L’ampleur des dommages causés par le COVID 19 a incité l’ASEAN à modifier son approche de l’intégration économique régionale. La pandémie a galvanisé l’action collective des membres de l’association pour concevoir et entreprendre un plan de relance économique, toujours à l’échelle de la région sud-asiatique. Lors du sommet de l’ASEAN en 2020, les pays membres ont adopté le cadre global de relance de l’ASEAN (ACRF, pour ASEAN Comprehensive Recovery Framework). Ils ont rédigé le plan de mise en œuvre, comme stratégie de sortie des conséquences dévastatrices du COVID 19.
L’ACRF se compose de cinq grandes stratégies :
• améliorer les systèmes de santé
• renforcer la sécurité
• maximiser le potentiel de l’intégration économique intra-ASEAN
• amorcer une transformation numérique inclusive
• accroître la résilience et la durabilité de la région
Le COVID 19 a fait prendre conscience à l’ASEAN du lien entre croissance économique et intégration d’une part, et de la santé et la sécurité d’autre part. Les gouvernements de l’ASEAN considèrent dorénavant que les questions de santé et d’économie sont indissociables. La pandémie a également permis aux membres de l’ASEAN de comprendre que la croissance et le développement économique régional doivent être capables de résister aux crises.

L’ASEAN appuie une digitalisation post covid accrue
Le COVID 19 a également incité les membres de l’ASEAN à adopter une digitalisation économique plus rapide et plus complète. Les technologies numériques sont depuis longtemps intégrées dans les chaînes d’approvisionnement et les opérations commerciales régionales. Par exemple, avec le e-commerce qui permet de résoudre des formalités douanières en ligne.
Cependant, la crise a renforcé leur importance parmi les membres de l’ASEAN et dans les efforts d’intégration économique régionale de l’association. Pendant la pandémie, les technologies numériques ont facilité d’importantes activités économiques et commerciales, notamment les programmes de travail à domicile et les téléconférences. La fracture numérique s’est également révélée plus présente que jamais. Par conséquent, l’ACRF reflète le besoin de l’ASEAN d’une plus grande numérisation économique.

Des impacts disparates, selon les secteurs et le profil des employés
L’Asie du Sud-Est comprend plusieurs économies aux particularités qui leur sont propres, et qui déterminent la manière dont elles ont été affectées par la pandémie. Parmi la main-d’œuvre, ce sont les employés qui étaient déjà précaires qui ont été les plus touchés : les administratifs de bureau peu qualifiés, les salariés dans la vente ou les employés dont les missions ne permettaient pas le travail à distance.
En ce qui concerne les établissements commerciaux, les petites entreprises, qui fournissent des services ne pouvant pas être digitalisés, ont été sévèrement touchées. Les personnes les plus démunies qui, pour la plupart, ne sont pas assurées, travaillent dans le secteur informel et n’ont pas d’économies dans lesquelles puiser en cas d’urgence.
Ainsi, la voie de la reprise économique dépendra également de la réponse sanitaire et économique de chaque pays à la pandémie, notamment de sa situation budgétaire, de sa résilience et des compétences de sa main-d’œuvre. Les entreprises devront prouver leur capacité à adopter des procédés de production changeants, de nouveaux modes de fourniture de biens et de services, ainsi que d’autres aspects de l’économie importants pour faire face à ces nouveaux marchés.

Le tourisme en ASEAN, un secteur complètement chamboulé par la crise
Les restrictions imposées aux voyages à l’échelle mondiale ont dévasté le secteur du tourisme en Asie du Sud-Est. Les pays de l’ASEAN ont subi une chute de 75 à 80 % de leurs arrivées de touristes internationaux en 2020. C’est le secteur le plus touché par cette crise, il représentait 20 % du PIB de la région.
Avant le COVID, la région était en fort développement de l’industrie touristique et hôtelière. Les enjeux de l’ASEAN étaient alors tournés autour de l’amélioration des infrastructures, de la réduction du taux d’emplois informels, ou encore de l’augmentation du panier moyen des dépenses par touriste.
Depuis la crise du COVID 19, le marché s’est complètement transformé. Les aspects de santé et d’hygiène sont dorénavant essentiels, et la demande pour un tourisme écologique et responsable a augmenté. L’ASEAN se tourne alors vers 3 domaines d’action stratégique : retrouver la demande pré crise en créant de nouvelles opportunités, renforcer les moyens pour répondre à la future demande, et améliorer la résilience du marché.

Quelles perspectives l’ère post covid en ASEAN ?
Pour 2022, la croissance en ASEAN devrait s’accélérer pour atteindre 5,1 %. 400 millions de personnes, soit 59 % de la population de la région, seront entièrement vaccinées, ce qui permettra de rouvrir de nombreuses économies. Les indicateurs de mobilité dans les zones commerciales de la région se sont améliorés de 161 % en février 2022 par rapport au creux de la vague en 2020.

Certains moteurs traditionnels de la croissance, tels que comme l’hôtellerie, le tourisme, les transports et les services aux particuliers ne devraient pas se rétablir de sitôt. Le niveau de production en ASEAN en 2022 devrait rester inférieur d’au moins 10 % au scénario de référence sans COVID 19, malgré l’amélioration des perspectives de reprise.
Toutefois, deux scénarios de croissance divergents se dessinent : une croissance plus soutenue attendue pour Singapour, les Philippines, la Malaisie et l’Indonésie, et des prévisions de croissance moins optimistes pour la Thaïlande, le Vietnam, le Brunei, le Cambodge et le Laos.

Conclusion
La pandémie a causé des dommages importants aux économies de l’Asie du Sud-Est. L’ASEAN a dû procéder à des changements stratégiques dans ses efforts pour faire progresser le commerce, les investissements et la croissance économique parmi ses membres. Ces changements consistent notamment à accorder plus d’importance au renforcement des systèmes de santé et à soutenir l’intégration économique régionale dans ce nouveau contexte.

Toutefois, le désir de l’ASEAN de se remettre des impacts de la pandémie et de renforcer sa résilience aux crises futures se heurte à de nouveaux événements sans rapport avec le COVID 19 et échappant à son contrôle. Il s’agit du contexte de conflit international, notamment l’escalade de la rivalité entre les États-Unis et la Chine et la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Alors, ces défis géopolitiques vont-ils menacer les aspects sanitaires de la nouvelle orientation stratégique de l’ASEAN ?