« Le graffiti reste un acte interdit »
En Chine depuis plus de 12 ans, Fouad Ceet partage son temps entre Hong-Kong et Shenzhen. Artiste connu et reconnu, Fouad a commencé à s’initier au graffiti dès l’âge de 15 ans pour en faire aujourd’hui, à près de 45 ans, son métier. Dès la fin des années 80, le graffiti devient son unique activité, variant les techniques entre le dessin et la calligraphie. Invité à de nombreuses expositions, quelques unes de ses œuvres ont notamment été acquises par le Musée d’Art et Traditions Populaires de Paris. Présent sur toute la planète, invité du French May il y a plusieurs années, c’est en Chine et particulièrement à Shenzhen que l’artiste a décidé de promouvoir son art mais aussi d’aider des artistes en devenir. Un gigantesque projet est en train de voir le jour, avec 12 immeubles de 25m de haut chacun, une résidence pour artistes et une galerie, le tout avec une première phase prévue pour le 25 juin. Rencontre avec un artiste hors du commun.
Propos recueillis par Catya Martin.
Trait d’Union : Qu’est-ce qui vous a fait venir en Chine ?
Fouad Ceet : Un Américain qui a vu mon travail sur internet et m’a contacté pour venir décorer sa boutique. Il s’agissait d’un « concept shop », moitié mode, moitié lounge. Il voulait une décoration urbaine à l’intérieur. Son concept a ensuite été vendu à des Chinois qui ont depuis ouvert 49 boutiques. Ils ont également fait appel à mes services.
On vous cite comme une référence internationale pour le street art. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Je suis vraiment content. Je n’arrive pas vraiment à réaliser encore. Je n’ai pas changé mais c’est vrai que ça me fait plaisir. Je suis invité dans plusieurs festivals et retrouve mes œuvres dans des endroits que je n’aurais jamais imaginés il y a 20 ans.
J’ai un état d’esprit simple. Je ne suis ni un modèle, ni un maître. Lorsqu’un éditeur est venu me voir pour faire un livre sur mes amis et moi, je n’y croyais pas et en fait ça marche. Je suis toujours étonné de ce succès.
Aujourd’hui le street art rentre dans les galeries, sur des toiles. Vous avez commencé avec les graffitis de rue. Faut-il toujours passer par la rue ?
Oui il faut cette expérience, il y a pas mal d’opportunistes qui n’ont pas ce vécu de rue. Les collectionneurs font la différence. Pour moi c’est obligatoire.
Autodidacte puis en 2002 vous décidez de prendre des cours de peinture et de sculpture, pourquoi ?
Quand je suis arrivé en Chine, le graffiti n’existait pas du tout. Il a fallu que je côtoie des artistes qui eux, peignaient à l’huile. Or je ne connaissais pas cette technique, ni la sculpture. J’ai donc décidé d’apprendre pour mieux comprendre. Je suis ouvert à toutes les techniques, je ne suis pas fermé. En tant qu’artiste il faut tout prendre.
Street art, graffitis, comment cette passion devenue profession vous est-elle venue ?
Comme tous les gamins de 15 ans on se cherche et on cherche des jeux, des endroits pour s’amuser. C’est souvent un sport ou de la musique. Moi je faisais beaucoup de sport, du foot. La peinture est venue plus tard et naturellement avec des bombes que nous utilisions dans des terrains vagues. Je trouvais la bombe beaucoup plus facile. On commence dans la rue, sauvagement mettant nos noms un peu partout dans des endroits pas forcément autorisés. C’est comme ça que tout a commencé.
Comment réussir le street art en Asie ?
Quand je suis arrivé j’ai été immédiatement considéré comme un artiste et pas comme un vandale. Je cherchais des murs en permanence en demandant systématiquement l’autorisation. Cela s’est toujours très bien passé. Il ne faut pas arriver avec ses bombes et commencer à peindre n’importe quel mur. Il faut s’organiser.
C’est un art qui beaucoup évolué depuis cinq ans. Toutes les galeries s’arrachent les meilleurs graffeurs.
Comment est venu votre projet de Shenzhen ?
J’ai rencontré des financeurs chinois qui m’ont proposé une collaboration, après avoir vu mon travail. Ils voulaient que je peigne une grande façade de mur. Tout s’est emballé, rapidement, ils ont souhaité travailler avec moi. J’ai donc décidé de mettre en place cette galerie avec une résidence d’artiste, le jardin orange, en référence à un travail similaire fait au Maroc, le jardin Rouge. L’idée est de faire de ce lieu, un endroit privé, ouvert aux collectionneurs et passionnés d’art. La galerie située au rez-de-chaussée sera ouverte au public.
C’est un concept qui permet de mettre en relation des artistes et des amateurs d’art. Le but est de partager en laissant à l’artiste le choix de l’isolement s’il le souhaite.
C’est le même système que la Villa Médicis.
Oui, je n’ai rien inventé si ce n’est qu’à Shenzhen ça n’existait pas.