Le génie du pinot noir
Si un cépage fait rêver le monde du vin à travers la planète, c’est bien le pinot noir. Arriver à traduire dans le vin toute la saveur du raisin définit pour des milliers de viticulteurs une quête permanente du Graal.
Par Michel Bettane
Qu’est-ce que le pinot noir a de plus que le reste des cépages fins pour incarner ainsi la culture du vin aussi bien dans les nations historiques qui l’ont vu naître et se développer que dans les nouveaux mondes ? Ce ne sont pas à l’évidence, les caractéristiques globales de ses raisins (richesse potentielle en alcool, intensité de couleur, densité de tanin).
On se situe à un autre niveau, celui du parfum, du goût, de la texture et de la diversité incroyable avec laquelle ils enregistrent les moindres informations données par le microclimat et le sol. Cette diversité tient aussi à son instabilité génétique, vraiment unique, qui en fait un véritable « cultivar », une variété-population comprenant des centaines d’individus. Dans les vieilles plantations historiques, c’est cette riche diversité qui contribue à toutes les micro-différences de maturité et de saveur qui caractérisent un vin complexe.
La conservation de cette diversité reste donc un enjeu majeur. S’y attaquer est le principal crime commis par une génération irresponsable d’agronomes dans les années 70 et 80. Croyant au miracle de la sélection et à l’illusion d’un être sain et parfait, ils ont certes repéré, observé et étudié des centaines d’individus différents, mais pour les réduire à cinq ou six clones recommandés dont l’affaiblissement par la multiplication à l’identique n’est que trop dangereuse aujourd’hui. Heureusement qu’une jeune génération de vignerons, inspirée par quelques vétérans, reconstitue patiemment par sélection dite massale la famille nombreuse de notre « cultivar ».
Mais la complexité de saveur des meilleurs vins de pinot noir ne serait rien sans la finesse et, depuis trente ans que je cherche à comprendre le mystère de cette finesse, j’ai bien une hypothèse d’explication. Revenons à la génétique du cépage : pour le moment, on ne connaît pas son passé. En revanche dans sa descendance, à l’exception du gamay, on ne compte que des cépages blancs, aligoté, melon, pinot meunier ou gris, chardonnay. Et l’on sait que certains pieds ont muté naturellement pour donner un pinot blanc.
Difficile de ne pas penser que ce cépage rouge est en fait au plus profond de lui-même un cépage blanc, avec l’essentiel de la saveur contenu dans le jus et seulement un apport annexe (mais évidemment heureux) donné par les matières colorantes venues des peaux et les précurseurs d’arôme qui vont avec.
On ne peut pas produire du bon vin à partir de ce cépage en grand volume, ni mécaniser sa culture ou standardiser sa saveur sans le transformer en un produit insipide à la commercialisation sans avenir à long terme. Il faut être à l’écoute de sa vigne, de son microclimat, selon le modèle donné par la Bourgogne, et conserver la souplesse d’adaptation qui reste la qualité fondamentale de l’empirisme bourguignon. Noble programme et quand la réussite est là, c’est une grande satisfaction pour tous, du producteur au consommateur.
Notes de dégustation
de la soirée du 16 janvier
Par Cristina Carranco
IGP Pays d’Oc, Luc Pirlet, pinot noir Réserve, 2018
Avec une robe grenat brillante, ce vin révèle un nez charmant, ouvert aux fruits rouges frais et œillet. Texture légère en bouche avec des tanins délicats. A boire maintenant. (Summum Wines).
Mclaren Vale, Maxwell Wines Four Roads, grenache 2018
Vin issu de vieilles vignes de grenache, 90 ans ! Il s’exprime sur des notes de prune, de garrigue et d’épices fines, un milieu de bouche charnu et rond. Finale gourmande avec des notes légèrement chocolatées. (WIne n’things).
DOC Langue, Barbera, Poderi Luigi Einaudi, 2016
Il se pare d’une robe rubis, éclatante, avec un nez marqué par les fruits noirs mûrs, la cerise et de notes légèrement fumées, en bouche des tanins intenses mais nobles. Ce vin combine élégance, puissance et fraîcheur. (Wine discovery).
Stellenbosch, Anwilka, 2014
Vin issu de la coopération de Bruno Prats (ancien propriétaire de Cos d’ Estournel) et Hubert de Boüard, (copropriétaire d’Angelus). Un vin de grande concentration aromatique : fleurs sèches, herbes et bois noble, bouche riche et soyeuse, finale longue et persistante. (Northeast).
AOC Limoux, « La Butiniére », Anne de Joyeuse, 2018
Issu des meilleures parcelles du domaine, cette cuvée présente une robe pourpre aux reflets grenats, avec des notes de violette et des fruits des bois, milieu de bouche onctueux avec des tanins jeunes mais polis. Finale juteuse. (Summun Wines).