Le delta d’Okavango et les réserves animalières d’Afrique australe
Quelque part au centre de l’Afrique australe, entre deux fleuves, l’Okavango et le Zambèze, une vaste zone inondée s’étale en formant des marécages, générant ainsi une formidable réserve animalière. L’incongruité de cette zone unique la classe comme l’une des sept merveilles naturelles d’Afrique.
Par Christian Sorand
L’Okavango, long de 1,600km, prend sa source en Angola. En atteignant les hauts plateaux, à une altitude variante entre 900 et 1,000 mètres, un creux tectonique oblige le fleuve à déverser ses eaux à la surface d’une vaste étendue plane, transformée alors en zone marécageuse.
L’Okavango est donc le seul fleuve à ne jamais atteindre une mer ou un océan. Cette particularité topographique se double d’un phénomène climatique. La masse d’eau apportée à la saison humide (de décembre à avril) s’évapore considérablement à la saison sèche (de mai à novembre) mettant fin abruptement à son cours.
En outre, ce grand delta à l’intérieur des terres offre une particularité géographique inhabituelle. Pas moins de quatre pays sont inondés par l’Okavango : l’Angola, la Namibie (la bande de Caprivi), le Botswana et le Zimbabwe.
L’abondance de l’eau est un bienfait pour la vie de l’homme. Car le delta d’Okavango est un véritable paradis animalier, fort heureusement protégé. L’Unesco l’a classé comme l’un des sites naturels de l’humanité en 2016.
Il est aisé de s’y rendre par la route à partir des célèbres chutes Victoria, frontière naturelle entre la Zambie et le Zimbabwe (ancienne Rhodésie britannique).
Le parc national de Chobe (Botswana)
Le poste frontière de Kazungula est l’unique passage entre la Zambie et le Botswana, à environ une heure de route de Livingstone. Ici, la rivière Chobe se mêle aux eaux du Zambèze. Cet endroit est à la croisée de quatre États. La Namibie et le Zimbabwe sont de chaque côté du tout nouveau poste frontière (ouvert en mai 2021) entre la Zambie et le Botswana. Les Sud-Coréens ont construit le pont sur le Zambèze en remplacement du bac d’autrefois.
Autre pays anglophone, le Botswana (ancien Bechuanaland) est un pays certes enclavé, mais moderne et progressiste dans cette partie de l’Afrique australe. Il est devenu indépendant en 1966. Le désert de Kalahari se trouve au sud. C’est avec la Namibie l’un des berceaux africains de l’humanité, particulièrement pour Homo Sapiens.
Le parc national de Chobe est situé dans la partie nord du pays, celle du delta d’Okavango, entre le Chobe et le Zambèze. La réserve offre deux facettes : un bush intérieur et une ouverture aquatique sur les marais d’Okavango, où la rivière Chobe sert de frontière avec la Namibie.
Le Botswana est actuellement le pays d’Afrique où la population des éléphants est le plus en hausse. Le parc de Chobe en est une parfaite illustration. On y voit une quantité phénoménale d’éléphants. C’estt, sans conteste, la principale curiosité animalière du territoire. Le pachyderme affiche un sens aigu d’une vie en communauté.
En cas de danger les adultes protègent les éléphanteaux à l’intérieur d’un cercle formé par la harde. De même, lorsqu’ils traversent une voie d’eau fréquentée par les crocodiles, les jeunes éléphants sont entourés par un groupe d’adultes venant les protéger. Les éléphants sont bien trop lourds pour être en mesure de nager. Mais leur masse leur permet de traverser à gué la plupart des rivières. L’eau est une nécessité pour eux. En effet, le soleil africain a tendance à dessécher dangereusement leur peau, qui en se craquelant, peut entraîner la mort de l’animal. On les voit donc migrer inlassablement vers les points d’eau où, visiblement, ils prennent plaisir à se baigner. D’ailleurs, ils recherchent aussi les endroits boueux où ils ont coutume de se prélasser. En réalité, la boue amassée sur leur peau fait l’effet d’une crème anti-solaire naturelle ! On les voit également se réfugier aux heures les plus chaudes à l’ombre des arbres et des buissons d’épineux pour échapper aux dards solaires.
La partie terrestre du parc est une zone forestière abritant de nombreuses espèces. Des oiseaux bien sûr, mais aussi beaucoup de troupeaux de gazelles ou d’impalas. Ces derniers ne sont en général pas effrayés par les voitures de safari, qui, de toute évidence, ne sont pas un danger pour eux. Mais lorsqu’un impala détale et saute un obstacle, on assiste à l’un des plus beaux et des plus gracieux spectacles qu’il est permis de voir en brousse. Les phacochères sont nombreux dans cette partie du parc où l’on aperçoit aussi des écureuils dans les arbres. Évidemment la population du parc change selon l’heure de la journée. On croise parfois les empreintes d’un félin qui a coutume de chasser plutôt la nuit.
La zone aquatique d’Okavango est plus animée dans la journée. Le bateau remplace alors la voiture-safari. On s’approche mieux des hippopotames ou des crocodiles du Nil. L’hippopotame est l’un des animaux les plus dangereux. Il n’aime pas être dérangé et peut alors charger les intrus. Dans les zones marécageuses, on voit aussi beaucoup d’échassiers : des aigrettes, des hérons ainsi que des marabouts africains.
Quelques îles herbeuses ponctuent les marécages entre le Botswana et la Namibie. C’est un domaine privilégié pour les troupeaux de buffles, à l’apparence paisibles. Ils vous fixent du regard, mais en réalité ce sont aussi des animaux extrêmement dangereux vivant toujours en troupeaux. Mais il faut aussi se méfier des rhinocéros et des hippopotames.
Le soir venu, les couchers de soleil sont une véritable féérie dans ces aires aquatiques planes, aux reflets chatoyants.
Le parc national de Mosi-oa-Tunya (Zambie)
Les chutes du Zambèze marquent, en amont, la rupture géologique du delta d’Okavango. Pour rappel, le nom local des chutes Victoria est “Mosi-oa-Tunya” signifiant “la fumée qui gronde”. La partie haute du Zambèze, est le domaine d’un autre parc situé en territoire zambien cette fois.
Ce parc national, de dimension modeste, abrite une grande variété d’espèces d’animaux. Les singes y sont nombreux, particulièrement les babouins, mais il y a aussi des colonies de phacochères ou de pintades africaines. Les rives du Zambèze sont le lieu favori des crocodiles et des hippopotames. La brousse intérieure est riche en animaux de toute sorte mais est dépourvue de félins prédateurs. On croise quelques girafes, le plus souvent isolées. La famille des antilopes y est largement représentée : gazelles, impalas, koudous, élands du Cap et aussi des troupeaux de gnous venus de la lointaine Tanzanie. Ces derniers vivent souvent en compagnie des zèbres, fort nombreux dans cette région.
La végétation de la brousse est plus clairsemée et plus sèche que dans le delta d’Okavango ou aux abords des chutes du Zambèze. Au parc de Mosi-oa-Tunya la véritable curiosité réside dans sa population hautement protégée de rhinocéros blancs. En Afrique australe, il y a deux espèces de rhinocéros : le noir et le blanc. Le rhinocéros noir est légèrement plus petit et surtout plus farouche. Ils sont nombreux en Namibie. En revanche, la Zambie essaye de protéger sa population de rhinocéros blancs. Ils sont essentiellement décimés par les braconniers en raison du commerce de leurs cornes réputées aphrodisiaques en Chine.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire les deux espèces ont la même couleur grise. Le rhinocéros blanc est plus massif et dépourvu de poils, hormis au-dessus des oreilles et à la queue. C’est le deuxième plus gros mammifère après l’éléphant, au même rang que l’hippopotame. Le rhinocéros blanc est aussi plus social que le rhinocéros noir. Il se laisse approcher, ce qui est impossible avec le rhinocéros noir qui chargerait aussitôt. La population des rhinocéros blancs du parc n’excède pas une dizaine, mais s’est accrue depuis qu’elle est protégée.
Le parc national de Chobe, au Botswana, comme celui de Mosi-oa-Tunya, en Zambie, sont tous deux inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Leur visite respective offre une belle complémentarité puisque celui de Chobe enferme les “Big Five” (l’éléphant, le buffle, le rhino, le lion et le léopard), alors que le second en est dépourvu, offrant ainsi une plus grande diversité d’animaux n’ayant aucun prédateur.
Le seul fait de pouvoir observer ces animaux dans leur environnement naturel procure une joie immense. En fait, tous ces animaux ne semblent éprouver aucune gêne vis à vis des visiteurs dont ils partagent la même curiosité. Leurs regards, souvent hautains comme celui de la girafe, daignent parfois se poser sur l’humain emprisonné dans une jeep et qui leur offre un spectacle… inversé pour une fois !
- Trait d’Union Magazine – janvier 2022,
- Trait d’Union Magazine – mars 2019,
https://www.traitdunionmag.com/la-namibie-paysage-et-vie-sauvage-de-lafrique-australe/
Bibliographie :
Guide de Zambie – Petit Futé, Paris, ISBN: 9-782305-022918
Namibie – Carnet de voyage, Petit Futé, Paris, ISNB: 9-782746-993853
Liens :
Wikipedia
Okavango Wilderness Project:
National Geographic
Rhinocéros blanc: www.thoiry.net
UNESCO – Okavango Delta: https://whc.unesco.org