« Essaye de trouver dans ta vie quotidienne
Des moments de tranquillité voués à la réflexion
Cela aide à tenir à distance
La perplexité du monde. »

Précepte chinois

Par Anne Suquet

 

Le chat

J’ai découvert tout récemment que j’étais voisine d’une célébrité à fourrure, une véritable star ! Et, pour cause ! « Tiotio » ne sort jamais sans son nœud papillon !

Il choisit chaque matin la même place, au sommet des cartons alignés sur les étagères. Place de choix qui lui permet de s’allonger confortablement pendant que les humains autour de lui font leur travail. Toujours zen, il passe son temps à regarder s’affairer le monde dans son magasin typique de ceux que l’on peut encore trouver dans cet ancien quartier de Hong-Kong.

Chaque matin, à Sheung Wan, les petits commerces de produits secs s’animent pour alimenter leurs étagères de produits traditionnels. Les odeurs et les couleurs se mêlent au bal incessant des trolleys transportant les cartons remplis de produits de la mer séchés ou de plantes médicinales. Il faut savoir, alors, se frayer un chemin entre les paniers de bambou débordants et posés à même le sol sur le trottoir afin de faciliter le séchage.

Au milieu de cette agitation, « Tiotio » et ses congénères, les chats, se prélassent et somnolent comme de petits empereurs dans leur royaume du commerce de détail. Ces félins participent à la culture locale dans tout son chaos exigu, coloré et parfumé. Tantôt, un chat est assis près de son propriétaire, tantôt un autre regarde d’un air endormi son maître qui sommeille derrière lui. Ils sont généralement très amicaux avec les clients et apprécient souvent l’attention et un peu de caresses.

N’écoutant que ma curiosité, je suis allée à la rencontre de « Tiotio » dans sa petite échoppe spécialisée dans la vente de plantes médicinales. Je voulais comprendre l’importance de la présence de ce chat dans son commerce car il n’était pas un cas isolé dans la rue. J’imaginais déjà l’histoire du chat « porte bonheur » qui accueille les clients comme la figurine bien connue du chat qui balance son bras en signe de bienvenue…

 

La réalité est toute autre !

Amusé par ma question, et flatté de mon intérêt pour son chat, son maître m’a expliqué la véritable raison plus pragmatique que philanthropique. Les chats ont une fonction bien précise dans le magasin. En effet, ils sont un formidable remède contre les rats, les cafards, et toute possible bestiole pouvant abîmer la marchandise. Leur présence suffit car leur odeur éloigne les nuisibles. Une mission simplissime qui leur laisse le temps de dormir à souhait.

Cependant, la plupart des propriétaires aiment vraiment leurs chats. Ils représentent plus pour eux qu’un simple répulsif. Ce sont de véritables compagnons et sont accueillis avec beaucoup de soin par leurs maîtres.

 

L’orchidée

Le magasin de « Tiotio » et son maître regorge de tiges séchées d’orchidée Dendrobium officinale sous différentes formes.

« Dendrobium » vient du grec «dendro» pour arbre et «bios» pour vie. Autrement dit, « qui vit dans les arbres ». Cette orchidée pousse souvent sur les branches et les troncs d’arbres et parfois sur les rochers. Elle ne constitue pas un parasite car elle ne soutire aucune nourriture à son hôte, mais capte des minéraux de l’air ambiant grâce à ses racines aériennes.

Les espèces de Dendrobium sont utilisées depuis mille ans comme plantes médicinales de premier ordre en médecine traditionnelle chinoise. Elles présentent des avantages uniques pour nourrir le yin, évacuer la chaleur, reconstituer l’estomac et favoriser les fluides. Les Chinois considèrent le Dendrobium comme l’une des cinquante herbes fondamentales utilisées pour traiter toutes sortes de maux et l’utilisent pour la longévité.

Médusée par ces explications, j’ai souhaité gouter quelques petites granules que j’ai laissé fondre dans ma bouche. Expérience ni agréable ni désagréable…comme un médicament ! Cependant, j’ai vite pris conscience que j’avais de « l’or » en bouche lorsque le commerçant m’a annoncé le prix.

Le chat et l’orchidée, deux nouvelles rencontres sur mon chemin de découvertes insolites à Hong-Kong, vestiges d’un monde qui cède lentement le pas à une modernisation galopante mais qui existe encore bel et bien.

Pour qui aime les chats et les orchidées, je souhaite citer deux ouvrages très intéressants et agréables à parcourir. L’ouvrage « Shops cats of Hong-Kong » du photographe néerlandais Marcel Heijnen qui recueille le portrait de dizaines de félins habitants de magasins en tout genre. « Le chat à l’orchidée » de Kwong Kuen Shan dont le choix pertinent des citations reflète bien la sagesse chinoise et la zénitude qui en découle.

 

Enfin ! Petit clin d’œil à mon fils, qui, lors de son confinement en France, a choisi d’adopter deux magnifiques frère et sœur félins, devenus depuis ses fidèles compagnons !