Editorial

L’Asie-Pacifique sur un plateau d’argent ?

Janvier 2017, Donald Trump devient le président Trump. Après une campagne intense marquée par un besoin de rendre sa gloire à l’Amérique et par une volonté de bâtir des murs pour la protéger du reste du monde, la première mesure affichée (fin novembre) est de réduire le Trans-Pacific Partnership (TPP pour les intimes) à néant.

Par Dr Antoine Martin (The Political Economy Circle)

La décision fait écho à la volonté d’un peuple (parmi d’autres) de ne plus subir la mondialisation, pour autant celle-ci pourrait desservir les États-Unis d’un point de vue politique et commercial. En particulier, la politique du président Trump est à même de porter un coup majeur au leadership de Washington et pourrait redistribuer les cartes en présentant la région Asie-Pacifique sur un plateau d’argent au reste du monde.

TPP : opportunités politiques manquées

En raison de l’échec des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis quinze ans, le TPP représentait une triple opportunité.

D’abord il permettait à Washington d’influencer les règles commerciales mondiales en mettant en place la zone de libre-échange régionale (douze pays) la plus importante depuis la signature du traité NAFTA dans les années 90 (entre les États-Unis, le Canada et le Mexique).

Ensuite, compte tenu de l’incapacité de la diplomatie européenne à briller sur la scène internationale à l’heure actuelle, il plaçait les États-Unis au centre (politique et économique) d’un groupe dynamique représentant environ 40 % du PIB mondial.

Ce faisant, le TPP permettait enfin à Washington de se positionner en leader rassurant du commerce mondial, volant ainsi la vedette à une Chine omniprésente et redoutée pour sa politique commerciale agressive.

En annonçant ouvertement son projet d’interrompre le TPP et en mettant en avant un protectionnisme fier, Donald Trump envoie cependant un message clair : les États-Unis se retirent du jeu, renoncent à leur leadership et, en remplaçant le libre-échange par des murs, se privent de toute capacité à orienter politiques et normes au niveau mondial et régional.

L’Asie-Pacifique se démarque politiquement

Des initiatives pro-commerce se mettent en place progressivement avec le développement croissant de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) et de l’Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC). Hasard du calendrier, peu après l’élection de Donald Trump les vingt-et-un pays de l’organisation de coopération de l’Asie-Pacifique (APEC) – dont les États-Unis font partie – se rassemblait à Lima, Pérou. Parmi les grandes lignes, un rejet totale du protectionnisme sous toutes ses formes, une volonté clairement affichée de poursuivre un processus d’intégration régionale poussé (davantage de coopération)…  et un message envoyé haut et fort que la région Asie-Pacifique continuera à développer une politique de développement commerciale libérale, avec ou sans les Etats-Unis.

La Chine, par ailleurs, pousse d’autres initiatives au niveau régional, dont trois accords de libre-échange potentiellement importants, une banque internationale pour l’investissement dans les infrastructures mondiales capable de concurrencer le Fond monétaire international… Inutile de préciser, donc, qu’en se retirant Washington perd vraisemblablement tout légitimité à critiquer le manque de libéralisme de Pékin et à recadrer des ambitions chinoises très disputées en matière de commerce international.

L’Asie-Pacifique sur un plateau d’argent

L’Asie-Pacifique pourrait par conséquent sortir gagnante de ces évolutions, politiquement et commercialement.De fait, certains  leaders de l’APEC par ailleurs alliés de Washington dans le cadre du TPP (Chili, Mexique, Nouvelle-Zélande) ont déjà exprimé leur intention de poursuivre autrement, sans le TPP, sans les États-Unis. Le président chinois, quant à lui, a déjà entrepris de se positionner comme un rassembleur et fervent défenseur du libre-échange mondial, quitte à déclencher quelques sourires.

Autrement dit, alors que les acteurs politiques dominants réduisent la voilure du commerce international, l’Asie-Pacifique semble avoir le vent en poupe et pourrait dans un moyen terme devenir un outsider énergique, commercialement efficace et politiquement favorable. En voulant protéger l’Amérique du reste du monde, le président Trump pourrait donc redistribuer les cartes et donner au monde – investisseurs européens d’abord – de nouvelles perspectives, offrant par la même occasion l’Asie-Pacifique sur un plateau d’argent.