L’Algarve : un sud de couleurs et de lumières

La partie méridionale du Portugal est l’une de ces contrées mythiques de l’Europe du sud telles que l’Andalousie, la Provence ou la Toscane. Ces régions célèbres bénéficient non seulement d’un climat doux, mais préservent aussi un passé historique et culturel important, des sites naturels d’une grande beauté et un art de la table renommé, où les mets s’harmonisent aux vins. L’Algarve, dont le nom renferme déjà une sonorité suave, ne déroge pas à cette règle d’or.
Par Christian Sorand

Cette belle province portugaise est avant tout un brassage historique et géographique. Cet extrême sud-ouest du continent européen est le fruit d’une union de la Méditerranée avec l’océan Atlantique. Le phare du cap de Saint-Vincent [Cabo de Sao Vicente] délimite l’extrémité occidentale de l’Europe. Pourtant, quelques kilomètres avant, le fort de la péninsule de Sagres, révèle déjà le partage des eaux entre la platitude méditerranéenne et la puissante ondulation de l’océan. D’ailleurs les amateurs de surf ne s’y trompent pas. Le climat est lui-même contrasté: plus méditerranéen, le long de la côte sud, plus atlantique sur le versant océanique. Cette spécificité s’applique aussi à la proximité de la rive nord-africaine, celle du pays des Maures. Tant et si bien que le terme “Algarve” a lui-même une origine arabe [الغرب ,al-gharb] signifiant “l’ouest”. En réalité, bien avant les Maures, les navigateurs phéniciens avaient déjà répertorié les échancrures de la côte. Rien d’étonnant quand on sait que deux de leurs plus anciennes colonies étaient Cadix, côté méditerranéen, fondée en 1104 av. J.-C. et Lixus (aujourd’hui Larache) sur la côte atlantique marocaine. Fondée à la fin du XIIe siècle avant notre ère, Lixus est plus ancienne encore que Cadix ou même Carthage (fondée en 814 av. J.-C.). Bien évidemment, l’empire romain s’étendait jusqu’à l’Algarve comme le site archéologique de Vilamoura l’atteste. Si la géographie et l’histoire demeurent des éléments caractéristiques des lieux, l’Algarve reste avant tout une terre de rencontres.

L’impact historique

Ce sont peut-être les Phéniciens, grands aventuriers-navigateurs de l’Antiquité, qui ont marqué le formidable destin des épopées maritimes du Portugal. L’Algarve, point de rencontre des eaux, à l’ouest des colonnes d’Hercule va tout naturellement prolonger leur engouement pour l’exploration des mers. Le détroit d’Héraclès demeurait un seuil à ne pas franchir pour les Hellènes. Par contre, il était une porte ouverte pour les Phéniciens. Leurs ports de Cadix et de Lixus permettaient de naviguer le long des côtes, au nord, jusqu’à la Cornouaille, au sud, vers le golfe de Guinée (1).

La grande aventure maritime des découvertes commence à la Renaissance. Cette initiative restera longtemps le monopole du royaume portugais. Le port méridional de Lagos jouera un rôle important, car il est naturellement tourné vers l’Atlantique et l’hémisphère sud. Pour contourner le commerce terrestre vénitien de la route de la soie et la flotte arabique du commerce oriental, il fallait donc trouver une nouvelle voie commerciale. L’alternative était celle du continent africain, au sud de l’Algarve. C’est ce que le prince Henri a su initier depuis le port de Lagos. C’est ainsi qu’une longue liste de navigateurs portugais va marquer définitivement l’histoire des grandes découvertes: Diego de Silves, les Açores (1427) – Dinis Dias (père), les îles du Cap-Vert (1444) – Pedro de Sintra, la Sierra Leone [Serra Leoa, en portugais] (1462) ou encore Bartolomeu Dias (fils de Dinis Dias,), le cap de Bonne-Espérance (1488) et Vasco de Gama, l’Inde (1497).

L’ouvrage du Britannique Lewis Dartnell (2) analyse très bien cette lente exploration progressive autour de l’Afrique. Cette aventure conduira les Portugais jusqu’en Chine et au Japon, en passant par la péninsule malaise et les îles de la Sonde. L’ancien nom de l’île de Taïwan était Formose, un mot portugais [formosa] signifiant “belle”. On dit aussi que l’infant Dom Henri avait créé une école à Sagres pour enseigner l’art de la navigation. En l’occurence, on doit aux navigateurs portugais la technique du “volta do mar” (littéralement “le contour de la mer”), une technique qui permettait de faire avancer plus vite les “caravelles” en utilisant les courants et les alizés. Il n’est pas impossible d’ailleurs que les Phéniciens, qui avaient déjà fait le tour du continent noir pour le compte des Egyptiens, en soient les instigateurs (3).

Certains historiens contestent la véracité de cet épisode en fonction des vents et des courants contraires. Or, les navigateurs portugais nous ont montré comment on pouvait déjouer un tel handicap.

Malgré tout, l’histoire n’explique pas pourquoi l’Algarve continue à avoir le vent en poupe ! Les surfeurs d’aujourd’hui nous diront que les vagues de la côte atlantique, de Sagres à Aljezur, en sont une raison nouvelle !

 

L’attrait d’un environnement naturel exceptionnel

Certes, située entre mer et océan, cette région bénéficie d’une position unique en Europe, d’autant plus que la douceur du climat et l’ensoleillement exceptionnel attirent un grand nombre de retraités. Il s’agit d’ailleurs d’une autre forme de rencontre sociale et communautaire: le sport et la vague pour les jeunes, le farniente et la plage pour les seniors.

Que l’on soit sur la côte sud, plutôt méditerranéenne, ou la côte occidentale atlantique, les falaises et les rochers ont créé un paysage absolument stupéfiant. Les hautes falaises de la façade océane sont propices au surf, tandis que la crête de ces mêmes falaises abrite une flore unique et exceptionnelle, hautement protégée. L’environnement côtier offre un grand nombre de sentiers
balisés permettant aux promeneurs et aux naturalistes de faire des randonnées pédestres. A proximité de Carrapatheira, un chemin permet d’admirer le relief tourmenté des rochers entre deux grandes plages de sable: Praia da Bordeira et Praia do Amado. Et à quelques kilomètres de Lagos, la péninsule rocheuse de Ponta da Piedade (la pointe de la Piété) offre un spectacle naturel. Un sentier permet de découvrir en toute sécurité les échancrures polychromes de grès s’élevant au-dessus d’une eau turquoise. Un peu plus loin, vers Sagres, le petit village de pêcheurs de Burgau est un lieu idyllique où on retrouve encore l’âme profonde de l’Algarve. Toute la côte sud de Lagos à Faro consiste en une suite de criques et de longues plages dorées qui attirent une foule de touristes européens pendant les vacances estivales. Portimao possède une immense marina. Mais l’une des plus belles villégiatures de la côte est sans conteste le site superbe d’Albufeira. Son charme en fait un peu le Saint-Tropez ou le Portofino de l’Algarve. La ville de Faro, capitale régionale propose un aéroport international et une vieille ville (cidade velha) à proximité du port. La cathédrale (Sé) du XIIIe siècle a l’apparence d’un château médiéval. Au nord de Faro, la charmante petite bourgade d’Estoi possède un palais rococo du XVIIIe, transformé en “pousada” (Pousada do Palacio de Estoi) qu’il est possible de visiter. L’arrière-pays se compose de collines où poussent des arbres fruitiers. On y trouve quelques jolies villes historiques, comme Silvès, à l’ouest ou Loulé, plus à l’est. Cette dernière bourgade possède une section ancienne typique et également un magnifique marché couvert de style néo- mauresque.

L’Algarve est donc une province particulièrement originale en fonction de son relief, de ses sites et de sa culture. Si la pêche tend parfois a être remplacée par l’industrie touristique, les produits de la mer demeurent tout de même le socle de l’alimentation locale. Les agrumes abondent, particulièrement l’orange et le citron. La table se compose de produits naturels frais.

De plus, au Portugal, les petits crûs locaux sont toujours une heureuse découverte gustative. L’une des spécialités vinicoles, demeure le vino verde. A vrai dire, l’héritage romain est moins flagrant que dans d’autres contrées. Certes les Maures ont contribué à l’architecture de certaines citadelles massives, mais ont surtout influencé l’art local grâce à une belle faïence bleue et blanche. L’adhésion à l’Union européenne et à la zone euro a largement profité à l’économie qui, en peu de temps, a pu se moderniser à l’instar des autres pays du continent européen. Malgré la manne des vacanciers, l’industrie hôtelière et immobilière a su conserver un style adapté au paysage et à l’environnement, évitant le type de constructions sauvages du voisin hispanique. Une inhérente diversité caractérise donc cette jolie province du sud, où assurément l’éclat du soleil, la blancheur des édifices et le bleu de la mer se côtoient dans une douceur ambiante à laquelle il est difficile de rester insensible.

Bibliographie :
• DARTNELL, Lewis – Origins, Vintage, London 2020,ISBN: 978-1-784-70543-5
• Guide Vert, Michelin – Le Portugal.
• LE NEVEZ, Catherine – Algarve en quelques jours, Lonely Planet, ISBN: 978-2-81618-415-0
• SORAND, Christian – Puniques et Numides, Les Phéniciens en Afrique du Nord,
SORAND, Christian – Les Phéniciens et l’Amérique avant Colomb.
Liens :
https://www.visitportugal.com/
https://www.travel-in-portugal.com/

1. C.Sorand, Puniques et Numides, Les Phéniciens en Afrique du Nord,
https://www.academia.edu/37419248/Puniques_et_Numides_Les_Phéniciens_en_Afrique_du_Nord
2. Lewis Dartnell, Origins, Vintage, London 2020, ISBN: 978-1-784-70543-5
3. C.Sorand, Les Phéniciens et l’Amérique avant Colomb,
https://www.academia.edu/41835112/Les_Phéniciens_et_lAmérique_avant_Colomb.