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L’AEFE : servir et promouvoir un réseau scolaire unique au monde

9ème directeur de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) depuis sa création en 1990, Christophe Bouchard effectue actuellement une visite à Hong-Kong, à l’occasion de l’inauguration du nouveau campus du Lycée Français, à Tseung Kwan O. Plusieurs rencontres avec les équipes du lycée Victor Segalen sont au programme, membres du comité de gestion, direction, personnels enseignants et non enseignants, mais également avec les équipes du Consulat général de France. Nous avons souhaité en savoir plus sur le fonctionnement de l’Agence et sur sa relation avec l’établissement de Hong-Kong. Interview.

Propos recueillis par Catya Martin

 

Trait d’Union : Après avoir occupé le poste de directeur des Français à l’étranger et de l’administration consulaire en 2014, vous avez succédé à Hélène Farnaud-Defromont à la tête de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) en 2016. Quel regard portez-vous sur cet enseignement français à l’étranger et quelles sont les actions menées?

Christophe Bouchard : C’est un réseau d’une grande richesse, d’une grande diversité et qui existe justement parce qu’il est divers et capable de s’adapter à des pays, des demandes et des publics très différents.

C’est ce qui constitue la force de ce réseau, sa capacité à adapter ses structures, son mode de fonctionnement et y compris son offre pédagogique, tout en restant dans le cadre de l’homologation et de l’Education nationale française. Notre travail est, avant tout, de maintenir cette qualité.

Le Président de la République a fixé un objectif qui est de doubler le nombre d’élèves dans le réseau français à l’étranger d’ici 2030, et donc passer de 350.000 à 700.000 élèves. Nous devons travailler pour susciter une demande supplémentaire notamment de la part de public qui, aujourd’hui, ne pense pas forcément à un lycée français comme une possibilité pour leurs enfants. A nous de leur donner envie d’aller vers cet enseignement en montrant toutes ses spécificités et ses qualités.

 

L’AEFE représente aujourd’hui près de 500 établissements scolaires homologués, repartis sur 137 pays, scolarisant plus de 350.000 élèves. Ce réseau, unique au monde, est-il aujourd’hui toujours un levier pour l’influence de la France dans le monde?

Oui tout à fait. C’est, aujourd’hui, le réseau le plus important au monde qui existe sous cette forme. Un réseau unique d’écoles qui suivent le même programme même si il est, à chaque fois, adapté au contexte nationale. Près des deux tiers des élèves, qui sont scolarisés dans nos établissements, sont étrangers et souvent, à leur arrivée, non francophones.

Notre réseau est un formidable outil pour accueillir des enfants qui, au départ, ne parlent pas français et à l’issue de leur scolarité parlent parfaitement notre langue. Mais, au-delà de l’aspect linguistique, ils ont bénéficié d’une éducation à la française. Ils deviennent ensuite les meilleurs ambassadeurs pour promouvoir la France et la francophonie.

Pour la France, pays de diplomatie d’influence et culturelle de niveau mondial, c’est essentiel.

 

Tous les établissements du réseau sont homologués. 72 sont en gestion directe (EGD), 155 sont conventionnés et 269 partenaires. Pouvez-vous nous expliquer la différence ?

Chaque établissement a sa propre histoire. Pour les établissements en gestion directe, il s’agit principalement de ceux qui ont été créés par l’Etat, par une initiative publique. Avant la création de l’Agence, ces établissements étaient gérés directement par le Ministère des Affaires étrangères. Il s’agit là de lycées historiques, les plus anciens. Ensuite, des établissements scolaires ont été créés, sur des initiatives privées, dans des villes où il n’y avait pas de lycée français et où, au fur et à mesure de l’augmentation de la communauté française, le besoin d’une école française s’est fait ressentir.

Ces écoles privées, qui représentent la grande majorité des écoles françaises à l’étranger, peuvent choisir entre deux modes d’association avec la France.

Il y a les établissements conventionnés, comme c’est le cas à Hong-Kong, qui choisissent de signer une convention administrative, financière et pédagogique avec l’AEFE, qui les associe au service public de l’enseignement à l’étranger. Cela signifie que la France met à leur disposition un certain nombre de moyens, notamment humains (personnel d’encadrement, enseignants), en échange d’une contre partie financière.

Ensuite il y a les établissements qui choisissent de rester entièrement autonomes et indépendants financièrement. Ils recrutent eux-mêmes tous les personnels, les financent mais restent associés au réseau pour l’animation pédagogique car homologués. C’est que nous appelons les établissements partenaires.

Chaque modèle est pertinent et notre réseau est là pour répondre à des situations différentes. D’abord, selon les pays et leur législation on ne peut pas forcément faire les mêmes choses, puis selon l’histoire des établissements, les rapports sont différents, et enfin tous les établissements ne souhaitent pas être dans la même relation avec l’AEFE et au delà, avec l’administration française.

L’essentiel pour nous est que tous ces établissements proposent l’offre la plus riche possible avec un enseignement français d’excellence.

Notre mission principale reste l’intérêt supérieur des enfants. C’est notre devoir de leur offrir le parcours scolaire le plus adapté et qui leur permet d’avoir un bagage pédagogique de grande qualité et reconnu, leur ouvrant les perspectives les plus larges  pour leurs études universitaires et leurs carrières professionnelles.

Au delà de l’aspect des diplômes, des études et de l’avenir professionnel, une école est aussi un lieu pour s’épanouir dans un environnement pluriculturel. Dans nos établissements les élèves sont de nationalités multiples avec un enseignement de langues étrangères et une connaissance de l’autre qui est essentielle. C’est aussi cela le modèle de l’éducation à la française.

 

Comment obtient-on l’homologation ? Est-ce automatique pour tous les établissements décidant de suivre le programme le français ?

Non ce n’est pas automatique. L’homologation c’est la certification par le gouvernement Français que l’enseignement proposé au sein d’un établissement est conforme au programme de l’Education national, qu’il prépare aux diplômes français, brevet et baccalauréat, mais aussi qu’il soit conforme aux valeurs et à la qualité de l’Education française. Un établissement qui demande l’homologation, fait le choix de s’inscrire dans le cadre de l’éducation à la française. C’est ensuite notre rôle de regarder, avec l’administration, les inspecteurs, l’éducation nationale, quelle est l’offre proposée. Mais aussi la façon dont les études sont structurées, s’assurer que les personnels qui y travaillent, sont qualifiés. Il n’y a donc rien d’automatique. Ce « label qualité », que représente l’homologation, doit être préservé.

Dans le même temps, nous savons faire preuve de la souplesse nécessaire. Tous les projets ne sont pas les mêmes. Nous n’exigeons pas la même chose d’une petite école ou d’un grand lycée et nous nous adaptons à chaque contexte local.

Il est important de maintenir cette qualité, c’est la raison pour laquelle nous renouvelons ces homologations tous les cinq ans.

 

Comment travaillez-vous avec le Lycée français de Hong-Kong et quelle est sa spécificité?

C’est un lycée très important pour nous. En effectif, le Lycée Victor Segalen est le deuxième lycée d’Asie. Il a une place essentielle dans un territoire qui lui même est très important, avec une communauté française en forte croissance.

Cette visite que j’effectue cette semaine, à l’occasion de l’inauguration du nouveau campus de Tseung Kwan O, me permet de discuter avec l’ensemble des équipes, (direction, enseignants, comité de gestion), de la situation actuelle du lycée, de son avenir, et de la façon dont nous devons travailler tous ensemble, y compris avec le Consulat général de France qui est un soutien décisif dans notre relation étroite et privilégiée avec les autorités gouvernementales locales. Preuve en est, la présence de la Cheffe de l’Exécutif, Carrie Lam, à l’inauguration du nouveau campus de Tseung Kwan O, au côté du Secrétaire d’Etat français, Jean-Baptiste Lemoyne.

Le contexte de Hong-Kong est un contexte très concurrentiel, à la fois anglophone et sinophone. Il faut réussir à mettre en avant, pour ce public, l’intérêt de venir dans un établissement français. Les enfants en sortent avec une culture diverse et plurielle. 

C’est un travail passionnant que le lycée réussit très bien. La réputation de qualité du lycée est aujourd’hui bien installée. Mais, rien n’est acquis et il faut donc savoir en permanence faire évoluer l’offre et répondre le mieux possible aux souhaits des enfants.

 

Certains parents d’élèves craignent une suppression du bilinguisme à parité. Est-ce la réalité et si oui, est-ce une volonté de l’AEFE ?

La volonté de l’agence est de renforcer le plus possible, partout et pour tous les élèves, la place des langues étrangères. C’est une chose essentielle et surtout une marque de fabrique de nos établissements à l’étranger.

Donc au Lycée de Hong-Kong, comme dans les autres lycées, ce que nous voulons c’est améliorer et renforcer cette offre linguistique pour tous, pour répondre aux besoins de tous. Le premier point pour nous est de la renforcer, notamment dans ce que nous appelons le parcours classique. C’est l’objet de la formule du bilingue immersif. Il faut qu’en anglais mais aussi en chinois, l’offre soit plus importante que ce qu’elle est aujourd’hui dans ce parcours classique.

Ensuite il y a l’anglais renforcé. Là il faut arriver à dédramatiser le débat et à le dépasser en sortant de cette vision uniquement arithmétique autour de la parité horaire. Ce n’est pas le nombre d’heure qui compte mais le résultat final et la qualité de l’enseignement.

Le débat que nous avons déjà commencé et que nous continuons à avoir avec l’ensemble des équipes, est de voir comment renforcer cette offre pour que l’élève ait une parfaite maitrise de la langue française, de la langue anglaise et des autres langues enseignées.

Permettre l’accès à l’OIB, qui est très reconnu par les universités étrangères et qui bien sur est maintenu, est une formule plus riche, plus sophistiquée que la simple conception arithmétique d’une parité horaire.

Avoir une parfaite maitrise des langues étrangères est très bien mais attention à ne pas délaisser le français. Or, on s’aperçoit que pour certains enfants si vous allez trop vite dans l’enseignement des langues étrangères, cela peut se faire au détriment du français.

Du coup il y a des faiblesses en grammaire, orthographe, syntaxe, et automatiquement en maitrise des autres matières qui sont enseignées en français. Attention à ne pas oublier qu’à la fin de la scolarité, le baccalauréat est passé en français.

Il y a un moyen de trouver le bon équilibre, je suis confiant. Il suffit de bien mettre l’ensemble des éléments sur la table, écouter ce que disent les pédagogues et les spécialistes de l’enseignement, tout en dépassionnant le débat.

 

Vous avez intégré le Quai d’Orsay en 1989 et avez occupé des postes sur l’ensemble des continents sauf l’Asie, est-ce dans vos souhaits futurs ?

C’est vrai. Ma carrière n’est pas encore tout fait terminée et l’Asie est un continent qui me passionne beaucoup. Donc il faudra remonter la suggestion à nos autorités…