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La province thaïlandaise de Chanthaburi – Entre Cambodge et golfe de Thaïlande

À l’est de Bangkok, cette province est bien connue des Thaïlandais mais reste à l’écart des grands circuits touristiques du pays. La géolocalisation de Chanthaburi a permis de préserver localement une forte identité culturelle. Son histoire offre quelques liens avec l’Indochine française. Par ailleurs, les mines régionales de rubis et de saphirs lui ont donné une réputation internationale dont l’influence peu connue fait toujours le bonheur des spécialistes.

Par Christian Sorand

La ville de Chanthaburi, capitale régionale, située à environ 250km à l’est de Bangkok, est traversée par un fleuve éponyme qui se jette dans le golfe de Thaïlande, à une vingtaine de kilomètres plus au sud. La partie septentrionale de la province est composée de montagnes servant aujourd’hui de frontière avec le Cambodge. Cette région est peuplée par les Môns et recèle un grand nombre de mines d’où l’on extrait le saphir et le célèbre rubis siamois. Ce commerce est à l’origine d’une ancienne immigration chinoise caractérisant encore la vie culturelle de la région. Or, la façade maritime a aussi favorisé une main d’œuvre vietnamienne qui s’est d’ailleurs renforcée par l’apport des “boat people” à la chute de Saïgon. En outre, la proximité de l’Indochine et les velléités coloniales françaises vis à vis du royaume siamois ont provoqué quelques escarmouches menant Chanthaburi à être occupée momentanément par l’armée française.

Entre Môns, Chinois, Vietnamiens, Thaïs, Français et Khmers issus de l’immigration, cette paisible région d’aujourd’hui a donc connu une forte mixité ethnique.

Une culture régionale marquée par la mixité.

En thaï, le mot “buri” signifie ville ou village. Un grand nombre de villes du pays sont composées de ce mot : Thonburi, Saraburi, Nonthaburi, Kanchanaburi, etc. Par ailleurs, “chantha” est un terme sanskrit signifiant “la lune”. C’est pourquoi Chanthaburi porte le surnom de  “la ville de la lune”.

La partie septentrionale de la province est montagneuse. Depuis le XIVe siècle, elle a été le refuge de l’ethnie Chong, liée aux Khmers. Cette proximité frontalière avec le Cambodge est à l’origine des récents incidents entre les deux pays, sachant d’ailleurs que le tracé des lignes de séparation a été réalisé par les Français.

Dans l’histoire de la Thaïlande, la ville de Chanthaburi tient une place importante. Au XVIIIe siècle, quand l’armée birmane a entièrement détruit le royaume siamois à Ayutthaya, le nouveau roi Taksin est venu se réfugier ici pour organiser la résistance et lutter contre l’envahisseur birman.

Ces deux épisodes historiques éclairent les velléités toujours existantes entre le Cambodge d’une part et le Myanmar, d’autre part.

Le commerce avec la Chine existe depuis fort longtemps et l’émigration chinoise est une constante non seulement en Thaïlande, mais également dans tout le sud-est asiatique. Beaucoup se sont installés définitivement dans le pays, surtout à proximité des côtes. Mais comme il s’agissait toujours d’une préoccupation commerciale, toute cette ancienne communauté s’est intégrée pacifiquement dans la vie siamoise ; beaucoup aujourd’hui sont devenus des citoyens du pays, toit en conservant des liens avec leur langue et leur culture.

Quant à l’émigration vietnamienne, elle a commencé très tôt et s’est poursuivie jusqu’au XXe siècle. Ces vagues migratoires se sont effectuées surtout par voie maritime, le long des côtes. Pendant la période du régime communiste au Vietnam, la communauté catholique Annamite de Cochinchine a commencé à venir se réfugier dans la région pour des raisons politiques et religieuses à la fin du XIXe et dans les années trente et quarante du siècle dernier.
La chute de Saïgon a ensuite généré le mouvement des “boat people” venu grossir la population locale et étayer l’existence d’une forte implantation catholique à Chanthaburi.

Les Français ont alors joué un rôle local important. Pendant la période indochinoise, la France avait signé un traité avec le royaume du Siam en 1856. Or, en juillet 1893, une violation accidentelle provoquée par la flotte française a initié un bref incident belliqueux provoquant la mort de trois Français et de seize soldats siamois. Le 3 octobre de la même année, un traité de fin d’hostilité a alors été signé entre les deux États, acceptant une occupation française du port de Chanthaburi, qui a duré jusqu’en 1905.

Depuis déjà 1711, il y avait une église à Chanthaburi. Mais l’occupation française obtint  la construction d’une cathédrale dont la fin des travaux a duré jusqu’en 1906, soit une année après le départ des Français. Aujourd’hui, N-D de l’Immaculée Conception, de style néo-gothique, avec ses 20m de haut et ses 60m de long est le plus vaste édifice catholique du pays.

Quant à la communauté vietnamienne, elle s’est fixée à proximité dans des maisons sur pilotis, le long de la rivière.

Or, c’est dans ce vieux quartier, ponctué de quelques édifices coloniaux, que l’on trouve le marché des pierres précieuses qui fait aujourd’hui la réputation internationale de Chanthaburi.

Le grand marché des pierres précieuses.

L’une des caractéristiques de la province de Chanthaburi est d’avoir eu un grand nombre de mines de pierres précieuses. L’existence de cette industrie explique en partie la mixité ethnique de la région. Ces mines sont aujourd’hui épuisées. Mais la Thaïlande reste le principal marché du rubis. D’ailleurs, Bangkok est le centre mondial du commerce des pierres précieuses. La grande foire annuelle de la capitale attire des milliers d’acheteurs internationaux. Même si le commerce et la taille s’effectuent à Londres, ou surtout à Anvers, Bangkok reste un des principaux marchés du commerce des gemmes. Dans certains quartiers de la capitale, les boutiques des marchands de pierres se succèdent les unes aux autres. Elles sont surtout tenues par des Afghans ou des Indiens. À Pathum Wan, en plein cœur de la ville moderne, il existe un vaste ensemble de boutiques de pierres précieuses, au sous-sol d’un centre-commercial !

Le marché mondial des gemmes est entre les mains des Indiens, en ce qui concerne l’achat et la commercialisation, mais la prospection reste une spécialité thaïlandaise dans ce domaine. Certains Thaïs résident à Chanthaburi.

Un quartier de la vieille ville de Chanthaburi a été presque entièrement investi par le commerce des pierres précieuses. À la fin de chaque semaine, de nombreux visiteurs viennent voir ce marché, qui s’étale le long de quelques rues du quartier. Aujourd’hui, la plupart des spécimens exposés viennent du continent africain. Beaucoup de spécialistes locaux ont des représentants thaïs en Afrique et font souvent des voyages de prospection vers cette destination.

Plages et aventures locales.

Les touristes étrangers ont tendance à privilégier des sites et des régions bien connus : Pattaya, Hua Hin, Koh Samui, Pukhet, certaines îles de la mer d’Andaman, la rivière Kwaï, ou encore les villes historiques d’Ayuthaya, de Sukhothaï, de Chiang Mai, de Chiang Rai et du Triangle d’Or. Or, la Thaïlande regorge de coins idylliques ou sauvages encore largement ignorés du reste du monde. Les Thaïs fréquentent évidemment une multitude de ces lieux leur permettant de se retrouver au cœur d’une nature sauvage ou de sites naturels encore ignorés du surtourisme existant.

C’est le cas de la province de Chanthaburi, d’ailleurs fort connue dans le pays pour la culture du durian, considéré comme le “roi des fruits”, ou du ramboutan, ce délicieux petit fruit rouge chevelu. “Rambut” est un terme malais désignant justement le cheveu !

À quelques kilomètres de Chanthaburi, la plage de Chao Lao est très prisée des Bangkokois ! Elle offre d’ailleurs une excellente infrastructure hôtelière et une cuisine tournée vers la mer, où crabes et langoustes, font partie des mets locaux recherchés.

Quant à l’arrière-pays, il regorge littéralement de séjours chez l’habitant très fréquentés par la population urbaine du pays. Entre le littoral et les rizières, on peut également évoquer l’existence de safaris aquatiques à bord de radeaux de bambous, sur une rivière où niche une importante colonie d’éperviers noirs attirant le week-end un flot continu de visiteurs locaux, une attraction totalement inconnue des touristes étrangers !

La région de Chanthaburi est donc encore une région fort originale, peu connue du grand tourisme. Elle constitue une étape routière originale pour ceux qui décident de partir explorer la côte  orientale du pays jusqu’aux îles de Koh Chang et de Koh Kood, à la frontière maritime du Cambodge.


Sources et bibliographie :
Wikipedia
thailande-et-asie.com
tourismthailand.org
tripadvisor