La Personne en Médecine
Thème du colloque organisé par le Service de Coopération et d’Action Culturelle du consulat général de France à Shanghai et l’Université de Tong Ji dans le cadre du Festival Croisements, « la Personne en Médecine » a réuni le 15 mai dernier devant un public d’étudiants et de médecins, dix experts français et chinois spécialistes des liens entre médecine et sciences humaines. Invité d’honneur, le Professeur Bernard Debré, professeur conseiller à l’Université de Tong Ji, président d’honneur de l’Hôpital de l’Est de Shanghai et directeur du département franco-chinois d’urologie a répondu aux questions de Trait d’Union à l’issue du colloque.
Propos recueillis par Philippe Dova
Trait d’Union : Comment s’est déroulée cette journée, quels ont été les thèmes abordés ?
Professeur Bernard Debré : C’est un colloque très particulier avec plusieurs tables rondes thématiques. Le premier thème concernait la médecine et l’art. Il y avait des artistes médecins, des médecins qui connaissaient l’art et c’était très intéressant car nous avons pu constater la proximité qui existait entre les deux. L’art a toujours été en relation avec la médecine parce par exemple au XVIIIème siècle existaient déjà des peintures, des schémas d’écorchés et puis nous avions aussi, puisqu’il n’y avait pas d’autres techniques d’illustration, des artistes qui peignaient les maladies. Il y a eu également dans l’histoire des malades assez célèbres qui étaient aussi de très grands artistes comme Toulouse Lautrec !
La seconde table ronde concernait l’homme et la santé mentale : l’homme est la personne humaine qui peut être atteinte par une maladie mentale. Cela existe et pose un certain nombre de problèmes d’insertion dans la communauté sociale mais c’est aussi le médecin face à la santé mentale, un sujet très important. La troisième table ronde était consacrée à la révolution numérique au cœur de la médecine. C’était peut-être l’axe le plus important de cette conférence parce qu’effectivement la révolution numérique est fondamentale et pose un certain nombre de problèmes.
Qu’est-ce que cette révolution numérique en médecine ?
C’est le scanner, l’IRM mais également les robots opérateurs, les transmissions de données du patient vers le médecin et du médecin vers le patient. Ces ont aussi les consultations par internet des patients avec tout ce que cela peut comporter de risques et de troubles lorsque le patient consulte n’importe quel forum ou n’importe quel site. L’autre partie de la révolution numérique, ce sont les données que l’on peut récupérer soit même : les dosages de glycémie par exemple. Nous avons des appareils portables qui vont doser quasiment en continue le sucre et qui vont donner des informations au médecin ou au malade. Il y a aussi les pacemakers, la prise de tension, le pouls en permanence grace à des matériels de plus en plus sophistiqués.
En dernier ressort, il y a l’intelligence artificielle qui va poser des problèmes parce que le médecin va être obligé de s’effacer devant l’intelligence artificielle. Cela peut être dangereux : l’intelligence artificielle est par définition artificielle et cela peut couper la relation entre le médecin et le malade.
Quels ont été les points de convergences ou de divergence avec vos confrères Chinois ?
Il y a une différence d’approche sur la médecine traditionnelle et la médecine moderne. Certains confrères chinois ont été plus critiques vis à vis de la médecine traditionnelle chinoise que les Français eux-mêmes ! J’ai été forcé de leur rappeler que la médecine traditionnelle chinoise à base de plantes avait permis des progrès considérables !
C’est à dire ?
La médecine traditionnelle chinoise a 4000 ans d’existence. Elle repose sur des bases qui sont peut-être plus difficiles à comprendre mais qui sont fondamentales parce que notre médecine occidentale dite moderne, tous les médicaments sont issus eux-mêmes des plantes.
Par exemple ?
L’aspirine. Ce médicament qui a été une véritable révolution est issu de la feuille de saule. Par ailleurs, Madame Tu Youyou a été la douzième femme et la première Chinoise à être récompensé en 2015 par le prix Nobel de médecine depuis sa création, pour sa découverte de l’Artémisinine, le traitement le plus efficace contre le paludisme, grâce à l’extrait de la plante Artemisia annua.
Quelle a été la question posée la plus intéressante ?
C’était sur la médecine numérique et justement sur le fait de savoir si la médecine numérique allait un jour remplacer le médecin.
Votre réponse ?
Pour l’instant non mais on peut craindre que la médecine numérique soit une facilité donnée au médecin comme au malade et rompe les liens entre les deux. Il faut être très vigilant. Elle ne doit pas empêcher les rapports personnels entre le médecin et le malade. C’est tout à fait fondamental.