La Fondation de France à Hong Kong
Créée en 1969, voilà près de 55 ans, la Fondation de France, née de la volonté du général de Gaulle et de son ministre de la Culture de l’époque, André Malraux, est un organisme privé reconnu d’utilité publique. Son ambition : créer un modèle Français de philanthropie.
Axelle Davezac, Directrice générale de la Fondation, présente à Hong Kong pour l’ouverture d’un bureau, a accepté de répondre à nos questions. Après quinze ans de carrière dans la finance, Axelle Davezac éprouve le besoin de redonner du sens à son engagement professionnel. Elle devient alors la directrice générale de l’association pour la recherche sur le cancer durant plus de dix ans (2005-2016). Depuis 2016 elle a rejoint la Fondation de France.
Propos recueillis par Catya Martin
Trait d’union : Pourquoi cet engagement ?
Axelle Davezac : J’ai démarré effectivement dans le monde de la finance et j’ai sincèrement éprouvé, au bout d’une quinzaine d’années dans cet environnement privé lucratif dans lequel j’ai beaucoup appris, le besoin de me rapprocher de mes valeurs, de ce qui est important pour moi. C’est ainsi que j’ai décidé de mettre mes compétences, acquises au cours de ma carrière, au service de l’intérêt général. C’était bien ainsi que j’envisageais les années qui me restaient à travailler.
La Fondation de France explique vouloir créer un modèle Français de philanthropie, c’est-à-dire ?
Effectivement nous promouvons ce que nous appelons la philanthropie à la française. Si vous faites quelques comparaisons, notamment avec le monde anglo-saxon, la manière dont se développe aujourd’hui la philanthropie dans notre pays est très différente. La France est le pays de l’État providence avec une prise en charge naturelle, par les pouvoirs publics, de l’intérêt général.
Le général de Gaulle a créé cette institution, il y a un peu plus de 50 ans, pour qu’au-delà de l’action des pouvoirs publics, il y ait un outil permettant à chacun, à titre individuel, de s’engager pour les autres.
Ce n’était pas, à l’époque, une question d’argent, mais juste l’idée que l’engagement de chacun, encore une fois à titre individuel, est aussi ce qui contribue à cimenter la société. Faire attention à l’autre.
La générosité commence quand on aide quelqu’un à traverser la rue, c’est fondamentalement ce que dit le mot philanthropie, l’amour des autres.
Il y a une vraie différence dans la conception de la philanthropie dans le monde. En France la philanthropie part de l’idée que chacun doit contribuer à la cohésion de la société.
Ensuite, il y a le choix des causes. La Fondation de France a développé depuis un peu plus de 20 ans un observatoire de la philanthropie, rien n’existait dans notre pays pour mesurer et mieux connaître l’action des fondations.
Vous avez un spectre extrêmement large, santé mentale, aide aux victimes, soutien face aux catastrophes naturelles (tsunami en Indonésie, séisme en Turquie). Comment s’y retrouver ?
Souvent les gens connaissent « Fondation de France », ils connaissent notre nom. Ils savent que beaucoup de choses sont faites, mais derrière on peut, effectivement, être un peu perdu.
Quand j’ai pris mes fonctions, j’ai mis un peu de temps avant de comprendre comment cette maison fonctionnait.
Notre mission d’origine et l’ambition de départ, est de développer la philanthropie dans notre pays.
Pour développer la philanthropie, la Fondation a deux métiers principaux. D’abord accompagner tous ceux qui veulent donner, pour transformer leur envie de générosité en action d’intérêt général.
Quel que soit le sujet ?
Oui, c’est ce qui fait la beauté de la Fondation et aussi ses difficultés parce que vous avez raison quand il faut être capable de développer une expertise sur autant de sujets, l’éducation, les personnes âgées, le handicap, l’environnement, ou encore la culture, cela nécessite du temps et de l’expérience.
La première chose est donc d’accompagner tous ceux qui veulent s’engager, qu’ils aient ou pas choisi une cause.
Tous font confiance à la Fondation de France pour trouver les projets qui seront les plus efficaces.
Nous créons alors des “fondations abritées”, nous en avons un peu moins de 1.000 aujourd’hui et nous accompagnons les responsables au quotidien dans la construction de leur stratégie philanthropique et de l’organisation de leur gouvernance.
Ce ne sont pas des entités juridiques indépendantes il n’y a qu’une seule entité juridique, la Fondation de France.
Nous vivons ce compagnonnage au quotidien, au service de l’intérêt général.
L’abri de fondations est le métier majeur et le plus connu de la Fondation de France.
Et puis notre deuxième métier est, pour pouvoir accompagner efficacement toutes ces envies de philanthropie, de développer cette expertise sur l’ensemble des causes, causes qui évoluent au fil du temps.
Pour cela, nous travaillons avec des comités bénévoles composés de 10 à 15 personnes qui donnent du temps pour la Fondation.
Toutes ces personnes apportent une connaissance et un point de vue sur une question donnée. Elles font ensuite l’expertise des projets qui sont soutenus.
Pourquoi Hong Kong ?
Nous abordons là le troisième métier de la Fondation, métier qui s’est beaucoup développé depuis une dizaine d’années.
Très vite la Fondation de France a commencé à développer les collaborations à l’international. La première a été au niveau européen où nous avons été à l’origine de la création du centre européen des fondations. Ce fut la première étape.
La deuxième c’était il y un peu plus de 20 ans avec la création d’une
ONG Américaine « Friends of Fondation de France », et maintenant nous avons décidé de nous tourner vers l’Asie.
Aujourd’hui on ne fait pas toute sa carrière en France, les donateurs vivent aussi dans une économie globalisée. Il faut donc savoir accompagner ces donateurs, ces philanthropes, qui ont des vies à l’étranger, qui veulent s’engager et qui ont des envies de générosité en France et à l’étranger.
Notre conviction, là aussi, c’est que l’on apprend beaucoup des autres et que la philanthropie devient plus efficace quand elle sait partager ses pratiques, apprendre des autres, c’est quelque chose que nous développons.
Vous avez ouvert, et c’est une première en Asie, un bureau à Hong Kong
Nous venons effectivement de créer une “charity” officielle avec l’ensemble des dispositifs fiscaux et avons nommé un directeur général, Julien-Loïc Garin. Notre objectif est à la fois de favoriser la générosité transnationale entre l’Asie, la France et l’Europe, et de partager notre expérience de savoir-faire philanthropique ici à Hong Kong.
Nous pensons que mettre à disposition nos expériences, notre savoir- faire, pourront être utile puisqu’encore une fois la Fondation en France a été créée pour développer la philanthropie, donc plus elle est efficace où qu’elle soit dans le monde, plus nous réalisons des actions positives.
Vous avez aussi eu des interventions à l’international, notamment en Ukraine. Comment faites-vous vos choix pour réussir à garder une crédibilité, une neutralité et rester dans cette empathie, dans cette philanthropie.
La Fondation France reste toujours très solide sur sa ligne de conduite qui est d’accompagner tous ceux qui veulent être généreux.
Nous avons décidé de nous mobiliser pour l’Ukraine, ce qui était assez atypique pour la Fondation France, et nous l’avons fait pour deux raisons, la première a été suite à de nombreuses sollicitations des donateurs, c’est à dire qu’aujourd’hui en France dès lors qu’il y a une crise ou une catastrophe, quelle qu’elle soit, les personnes qui vivent en
France ou à l’étranger savent qu’en donnant à la Fondation France, nous aurons la capacité de mettre en œuvre des programmes rapides et efficaces qui répondent aux besoins des personnes qui se retrouvent dans des situations catastrophiques. Vous avez parlé de l’Ukraine mais nous sommes aussi intervenus en Turquie, en Syrie et récemment, à la suite du séisme, au Maroc, un peu plus avant pour Notre-Dame, ou encore avant pour des ouragans aux Antilles.
Vous êtes aussi intervenu en France
Oui bien sûr ça a été moins visible mais la Fondation de France s’est mobilisée après les fortes crues en France.
Nous sommes mobilisés, chaque fois, à la demande de donateurs.
Il y a une attente de nos donateurs, donc notre métier est de répondre le plus rapidement et le plus efficacement à cette demande.
Nous avons les partenaires, nous les connaissons et nous intervenons une fois que nous avons l’assurance d’être en capacité d’utiliser l’argent à la fois efficacement, rapidement et de manière sécurisée. C’est quelque chose qui est très important.
Vous avez mené une action à la suite de la pandémie auprès des jeunes étudiants. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Bien que la pandémie soit derrière nous, malheureusement en France la situation des étudiants ne s’est pas améliorée.
C’est assez dramatique, la pandémie de Covid a effectivement généré un décrochage des conditions de vie des étudiants avec une grande précarité financière. Quand on voit tant d’étudiants qui vont chercher des repas et de l’aide alimentaire, c’est difficile. Et la deuxième conséquence de la pandémie a été sur la santé mentale de ces étudiants qui s’est considérablement dégradée et, de manière pérenne. Il ne suffit pas d’arrêter le confinement pour qu’instantanément ils repartent tous comme avant.
Ces périodes de confinement ont généré un isolement extrêmement fort.
C’est pourquoi nous avons donc décidé de maintenir, dans le temps, le programme d’aide pour les étudiants, à la fois à travers l’aide alimentaire et les soutiens financiers et avec aussi l’augmentation significativement notre soutien auprès d’associations qui accompagnent ces jeunes.
Nous les soutenons autant que nous pouvons. Ils effectuent un travail remarquable. Rappelons que ce sont des étudiants qui sont à l’origine de ces associations que nous soutenons et qui se mobilisent pour d’autres étudiants.
Qu’attendez-vous aujourd’hui avec ce bureau à Hong Kong, une ouverture sur la Chine et sur l’Asie en général ?
La Fondation de France s’est construite jusqu’à aujourd’hui en un peu plus de 50 ans, notre approche est toujours la même. Je dis toujours que nous sommes une Fondation, il faut retenir le sens de ce nom, nous construisons “pierre après pierre”, “brique après brique” et l’essentiel est que nous soyons solides. À aujourd’hui nous avons fait la démonstration que nos constructions étaient solides.
Donc notre ambition aujourd’hui en Asie est rigoureusement identique.
Nous démarrons modestement à Hong Kong.
D’abord le plus important était que Julien-Loïc Garin soit là, parce que nous savons qu’il est essentiel de construire dans le respect de la culture et des enjeux locaux. Ce n’est certainement pas la Fondation de France ou moi de Paris qui allons expliquer ce qu’il faut faire ici.
En revanche je me mets au service des personnes qui sont sur le terrain, où qu’elles soient, pour d’abord comprendre et ensuite partager mes suggestions.
Nous souhaitons donc démarrer ici à Hong Kong et développer cette générosité.
J’ai cette conviction très forte que, où que ce soit dans le monde et face aux défis que sont les nôtres, la générosité et l’action philanthropique apportent quelque chose de très spécifique. Nous sommes dans un geste désintéressé. C’est la raison pour laquelle j’ai rejoint la Fondation de France, je suis en adéquation complète avec l’ADN de cette Maison qui est de dire que tout le monde doit trouver sa place, et pour cela il faut que chacun s’engage pour les autres.
Je crois que c’est notre devoir de développer cette générosité partout pour la transformer, pour contribuer.
Donc aujourd’hui, oui, c’est Hong Kong. Nous allons commencer par construire, développer et aider au développement de cette action philanthropique ici, pour bien sûr ensuite, comme nous l’avons fait dans le passé, petit à petit, nous développer et rayonner mais comme toujours pas dans une ambition hégémonique ou de pouvoir.
L’expérience de la Fondation France est assez unique, relativement reconnue dans les pays dans lesquels nous intervenons.
Notre idéal, et c’est notre mission, c’est avant tout de contribuer et de partager pour que cette générosité s’épanouisse.
En savoir plus sur la Fondation de France :
Stratégiquement situé dans le hub philanthropique de l’Asie, la Fondation de France a établi en 2023 une structure à Hong-Kong en tant que fondation locale. Fondation de France Asia permet alors aux particuliers et aux entreprises de bénéficier des exonérations fiscales sur leurs dons, en accord avec la loi hongkongaise.
Contact : jlgarin@fdf-asia.org