Kuala Lumpur : Douceur et nonchal ance d’une petite capitale asiatique
Assez peu visitée des Français, cette ville connue sous le sobriquet de KL, est une cité fort appréciée des expatriés pour son climat et sa douceur de vie, malgré une pollution galopante. Résolument moderne et dynamique, Kuala Lumpur offre un grand nombre de sites et d’attractions qui en font l’une des villes les plus intéressantes d’Asie du Sud-Est. Cette ville agréa ble offre donc deux visages.
Par Christian Sorand
A l’instar de Singapour, sa voisine à trois cents kilomètres plus au sud, Kuala Lumpur a une histoire plutôt récente. Elle a été fondée en 1850 grâce à ses gisements d’étain. La péninsule malaise était alors une colonie britannique. Les architectes anglais de cette époque lui ont donné un style mauresque-indien, devenu sa caractéristique principale. Puis dans les années 80, sous l’impulsion d’un Premier ministre visionnaire, la capitale de Malaisie a connu un essor extraordinaire, la plaçant parmi les villes les plus dynamiques d’Asie.
Kuala Lumpur est une petite capitale multiculturelle, à l’image du pays. Elle compte 1.6 millions d’habitants intra muros. Toutefois, le « Grand KL » (aussi appelé « Vallée de Klang ») a une population d’environ 7.3 millions d’habitants. Les Malais se considèrent souvent comme les seuls natifs du pays (bumi putra, les fils de la terre). C’est oublier que la plupart d’entre eux sont originaires de Sumatra ou de Java. Car il existe en effet des ethnies originelles (orang asli, les aborigènes). Ces derniers sont aujourd’hui en petit nombre et souvent relégués dans des zones plus déshéritées. Pendant la colonisation, les Britanniques ont fait appel à une main d’oeuvre chinoise surtout, mais aussi indienne, qui a ensuite fait souche. La Malaisie, membre du Commonwealth, a donc deux langues officielles : le malais et l’anglais. Aux Malais de gérer l’organisation sociale et politique du pays, tandis que l’économie est contrôlée par les Chinois ; quant à la minorité indienne, elle constitue une main d’œuvre souvent déconsidérée.
Une croissance fulgurante
En malais, kuala lumpur veut dire « confluent vaseux ». Cette vallée est le point de rencontre de deux petits cours aux eaux vaseuses : le fleuve Klang et son confluent, le Gombak. Historiquement, c’est donc ici que débarquent en 1850 les migrants chinois venus exploiter les gisements d’étain situés dans le quartier d’Ampang, devenu aujourd’hui un faubourg résidentiel. C’est ici que l’on commence à bâtir la ville nouvelle. Un demi-siècle plus tard, en 1896, Kuala Lumpur devient la capitale des États malais fédérés. Pour asseoir son rang de capitale coloniale de sa gracieuse Majesté la reine Victoria (1819-1901), on fait venir des hommes dont la mission est de construire des bâtiments dignes de la colonie. Deux architectes militaires du gouvernement contribueront à marquer le style de la ville. D’abord A.C. Alfred Norman (1858-1944) qu’un précédent séjour en Inde poussa à créer un style colonial néo-moghol. L’establishment britannique de l’époque se devait d’avoir son club. Alfred Norman édifia donc d’abord le Royal Selangor Club (1884). Bien entendu, il fallait également un terrain de cricket : ce fut donc le Selangor Club Padang (padang, est un mot malais signifiant « un champ »). La pièce maîtresse de Norman demeure une magnifique construction, connue aujourd’hui sous le nom de Sultan Abdul Samad Building (1897). Il a longtemps été le point de repère principal de Kuala Lumpur. Ce bâtiment a d’abord été le siège du secrétariat de l’État de Selangor, puis celui de la Cour suprême. A.B. Hubback (1871-1948), successeur d’Alfred Norman, a adopté le style néo-moghol initial. C’est à lui que l’on doit la construction de l’hôtel de ville (1904), la très belle mosquée Jamek (1909) et surtout la célèbre gare de Kuala Lumpur (1910), autre chef d’œuvre architectural doté d’un vénérable hôtel colonial.
En fait, ce qui caractérisera Kuala Lumpur, au fil des ans sera une tendance immodérée à créer un style architectural original.
Un patrimoine culturel unique
Le 31 août 1957, la Malaisie devient un état indépendant. Depuis le 1er janvier 1990, l’immense padang, autrefois terrain de cricket, s’appelle Dataran Merdeka (place de l’Indépendance) et elle est surmontée d’un mât de 95m de haut où flotte le drapeau national. Le « Sultan Abdul Samad Building » est devenu le siège du ministère du Patrimoine, de la Culture et des Arts. La gare existe toujours, mais depuis 2011, elle a été supplantée par KL Sentral, une construction plus adaptée au monde moderne.
Le vieux centre de KL se situe à deux pas de la place de l’Indépendance et de la gare. Ici, les deux attractions majeures sont le marché central (Central Market) et Chinatown, localisé autour de Petaling Street.
Le visiteur se doit d’aller au marché central. Tissus, vêtements, vanneries, peintures, petits souvenirs malais, indiens ou chinois, s’y trouvent pêle-mêle. Il y a aussi des boutiques d’objets en étain, des cerfs-volants malais et même quelques antiquaires qui enchanteront les chineurs. On peut même y consulter des diseurs de bonne aventure et bien sûr s’asseoir dans un vieux café colonial. Chinatown conserve toujours un certain air d’exotisme, même si Petaling Street, aujourd’hui abrité sous un auvent, n’a plus le charme d’antan.
Récemment, les autorités ont fait un gros effort pour promouvoir la restauration des anciennes maisons chinoises (townhouses) de tout ce quartier. Certaines d’entre elles sont véritablement superbes et prennent des airs de fête grâce à leurs couleurs. Il semble donc qu’il y ait une volonté délibérée de préserver le patrimoine historique de toute cette partie de la ville.
Le climat équatorial de KL se prête aux espaces verts. La colline boisée surplombant la place de l’Indépendance et l’ancienne gare arborent plusieurs attractions à ne pas manquer. Le haut de cette vaste colline est occupé par un très beau parc aménagé autour d’un grand lac (Taman Tasik Perdana). Cet espace vert recèle plusieurs autres attractions : un jardin aux papillons, un jardin d’orchidées ou encore un parc aux oiseaux. On y trouve aussi un remarquable musée des arts islamiques dont l’intérêt et la richesse des collections est à signaler.
Kuala Lumpur est un lieu bien connu pour la variété de ses spécialités culinaires. La petite rue de Jalan Alor dans le quartier moderne de Bukit Bintang est un haut lieu de la cuisine asiatique de rue, ouverte du soir au petit matin. Ici, la plupart des commerces sont chinois, mais on y vient pour la qualité et la variété de sa cuisine qui n’a d’égal nulle part ailleurs !
Une architecture d’avant-garde
La Malaisie est une fédération d’états. Kuala Lumpur a le statut de territoire fédéral au milieu de l’État de Selangor. Depuis les années 80, la ville est devenue l’une des plus fortes croissances urbaines et économiques d’Asie du Sud-est. Cet essor est dû principalement à la politique d’un personnage emblématique, Mahathir bin Mohamad. Quatrième Premier ministre, il a officié d’une main ferme aux commandes du pays pendant vingt-deux années, de 1981 à 2003. Il a su donner à la Malaisie une place prépondérante sur l’échiquier international. La ville s’est alors enrichie d’une nouvelle vague d’édifices. Cela a fait le bonheur créatif d’une génération d’architectes malais et étrangers.
C’est ainsi que le quartier de Bukit Bintang (« la colline aux étoiles ») est devenu une vitrine des affaires et du tourisme (Golden Triangle). La ville a donc commencé à ériger une nouvelle vague d’édifices d’avant-garde. La mosquée nationale (Masjid Negara), voisine de la gare et construite en 1965, avec la forme d’un parapluie déployé pouvant abriter 15.000 fidèles, alors que le minaret haut de 73m, adopte la forme d’un parapluie replié. Haute de 244m, la tour de la Maybank est apparue en 1987, à côté de la gare routière de Puduraya. Toutefois, l’ère Mahathir donne le ton à une véritable frénésie de constructions visiblement destinées à faire parler de Kuala Lumpur dans la presse du monde entier. Les travaux de la tour de télévision Menara Kuala Lumpur (menara, signifie ‘tour’ en malais) se terminent en 1995. Avec ses 421m, elle se classe au 7ème rang mondial. Puis en 1998, le monde découvre alors les deux tours Petronas, hautes de 452m, qui battront le record mondial jusqu’en 2004. Elles sont l’œuvre de César Pelli, un architecte argentin. Elles seront mises en scène l’année suivante par Hollywood dans un film avec Sean Connery « Haute Voltige ». Le voltigeur français Alain Robert, surnommé « l’homme aux mains nues », a pu arriver au sommet d’une des tours, le 1er septembre 2009. Les tours Petronas sont ainsi devenues le nouvel emblème de la ville. Elles surplombent un magnifique parc et un luxueux centre commercial dont le point de convergence central a des allures de gigantesque vaisseau spatial. En 1998 également, le nouvel aéroport international de Kuala Lumpur est inauguré à 45 km au sud de la ville. Un an plus tard, le circuit international de Sepang, œuvre de l’Allemand Herman Tilke, est lui aussi inauguré pour le Grand Prix de Formule 1 de Malaisie.
On pourrait aussi mentionner deux autres constructions notoires qui symbolisent deux époques. L’hôtel « Palace of the Golden Horses », construit dans le style néo-mauresque original labellisé comme l’hôtel le plus extraordinaire d’Asie, et la tour Telekom (2003) perpétrant l’avant-gardisme latent par un édifice épousant la forme d’une pousse de bambou géante haute de 310m.
En définitive, il est troublant de constater que la Malaisie fonctionne de manière binaire. L’état est constitué de deux zones géographiques : la Malaisie péninsulaire à l’ouest et la Malaisie orientale dans la partie nord de Bornéo. Cette dernière partie est elle-même constituée de deux provinces : le Sarawak et le Sabah. Deux communautés majeures se partagent les rênes du pouvoir : les Malais en politique, les Chinois pour l’économie. On a évoqué les deux styles architecturaux de Kuala Lumpur. Or, là aussi, il y a une certaine équivoque. En 1999, la toute nouvelle ville de Putrajaya, devient la capitale administrative du pays à l’instar de Canberra ou de Brasilia. Paradoxalement, ni les ambassades étrangères, ni les écoles internationales, n’ont voulu changer d’emplacement. Kuala Lumpur reste donc le cœur industriel, financier et culturel du pays. Si elle a du mal à rivaliser avec Singapour, elle conserve à l’inverse un charme propre. Celui d’une Asie propulsée dans le 21ème siècle et qui a su, malgré tout, garder son authenticité culturelle. Les expatriés seront d’accord pour dire qu’il fait bon vivre à KL.
Bibliographie
– wikipedia
– www.palaceofthegoldenhorses.com.my
– articles.latimes.com/1993-08-15/travel/tr-24030_1_kuala-lumpur