Jacques Godfrain : « la nouvelle route de la soie est un facteur de paix… »
A la suite de la signature de la convention de partenariat avec la China Europe International Business School à Shanghai le 13 juin dernier portant sur la création de la chaire « Charles de Gaulle : leadership global » au sein de l’école sino-européenne, Jacques Godfrain, ancien ministre et président de la fondation Charles de Gaulle, s’est rendu à Pékin, Shanghai et Xian accompagné d’une délégation de la fondation du 8 au 16 septembre derniers, à l’invitation de l’institut des Affaires étrangères du peuple chinois. Au programme, réunions de travail avec la direction de l’institut, entretien avec le directeur-adjoint « Europe » du ministère chinois des Affaires étrangères, échanges lors de tables rondes avec des centres de recherche et des universitaires chinois, conférence à la C.E.B.S. et lancement du club entreprise franco-chinois à D-Park à Shanghai. Des rencontres et des échanges qui ont permis d’une part de mieux comprendre les attentes et les positions politiques chinoises actuelles et d’autre part de constater, cinquante-quatre ans après la reconnaissance de la Chine par la France, l’importance dans la conscience nationale chinoise de cette décision diplomatique prise par le général de Gaulle.
Propos recueillis par Philippe Dova
Trait d’Union : Quel est l’objet de du programme « Charles de Gaulle : leadership global » à la CEIBS ?
Jacques Godfrain : Ce programme vise à développer une activité commune de recherche dans le domaine de l’art du commandement et de proposer de nouveaux schémas de formation au management à partir d’études de cas tirées de l’exemple du général de Gaulle : son parcours personnel, l’action qu’il a menée en tant que chef de l’État et chef militaire pour l’indépendance et la liberté des peuples, ses écrits et discours.
Quels ont été les points forts du voyage de votre délégation ?
Certainement les échanges pour une meilleure compréhension mutuelle. Les Chinois sortent d’une longue période de repliement sur eux-mêmes ; l’option qu’ils ont prise de s’ouvrir au reste du monde est récente, il nous faut leur faciliter cette connaissance du monde afin de leur faire mieux comprendre les réactions de l’Occident.
Nous ne sommes pas nous-mêmes de fins connaisseurs de la philosophie chinoise mais ces rapprochements, ces échanges nous permettent des explications très franches : qui sommes nous, qui sont-ils et que pouvons nous construire ensemble…
Parmi ces échanges, quelles ont-été les explications les plus marquantes ?
Ils insistent beaucoup sur le grand projet de « route de la soie » qui est certainement un vecteur de développement et de commerce dans les pays qu’ils traversent, à condition que les échanges, et nous avons bien insisté sur ce point, puissent se faire dans les deux sens. Ils considèrent qu’un commerce ouvert mondial s’appuyant sur les routes de la soie est un facteur de paix, c’est difficile d’être en contradiction avec ce point de vue car l’ouverture mondiale est en effet un facteur de paix et de compréhension.
Cela ne semble pas être l’avis des Américains…
Les Chinois ont en effet l’impression aujourd’hui que la politique américaine va à l’encontre de cette idée d’ouverture et de mondialisation. J’ai le sentiment qu’ils regrettent cette attitude. Ils sont à la recherche d’une réflexion alternative sur les échanges de capitaux, sur le commerce, les droits de douane ; ils aimeraient un autre monde, ce n’est pas facile.
La France est assez liée avec les Etats-Unis…
Nous sommes en effet liés à « l’Ouest » mais avec notre indépendance qui nous a été donnée par le général de Gaulle. Nous sommes donc sur cette ligne de crête entre notre propre indépendance et les partenariats que nous souhaitons avoir avec la Chine et notre appartenance au « bloc de l’Ouest »… Il nous faut jouer finement pour être utiles et peut-être même pouvoir assurer le jour venu, une compréhension, une médiation entre l’Asie et l’Amérique du Nord.