Rubrique Santé

Interview avec le docteur Vera Chung sur l’urologie féminine

Saviez-vous que l’urologie ne concerne pas uniquement les hommes ? Alors que la plupart des gens associent l’urologie aux hommes, peu savent que les urologues soignent également les femmes et que certains praticiens sont sous-spécialisés en urologie féminine. À Hong-Kong, il n’y a que deux femmes médecins urologues exerçant dans le secteur privé. AD MediLink a rencontré l’une d’elles, le docteur Vera Chung, qui a accepté de nous donner quelques informations sur l’urologie féminine.

Par Amélie Dionne-Charest

Trait d’Union : Qu’est-ce-que l’urologie féminine et pourquoi cette fausse idée que les urologues ne soignent que les hommes ?

Vera Chung : Les maladies des voies urinaires sont en effet plus fréquentes chez les hommes. Dans notre pratique, dans près de 70 % des cas, nous traitons des hommes, le plus généralement pour des calculs rénaux et des maladies liées à la prostate. Ceci dit les femmes peuvent également souffrir de problèmes similaires comme les calculs rénaux, les infections urinaires, les tumeurs du rein et de la vessie, etc. Outre les maladies communes aux deux sexes, l’urologie féminine concerne principalement la vessie et les fonctions pelviennes et il s’agit d’une discipline relativement récente en Asie pacifique.

Quels sont les problèmes urologiques les plus fréquents liés à la vessie et au vagin chez les femmes ?

Les maladies urologiques les plus fréquentes chez les femmes incluent l’incontinence urinaire, une suractivité de la vessie, des infections urinaires chroniques, et les descentes d’organes. Dans ma pratique quotidienne, la plupart des femmes viennent consulter pour des problèmes d’incontinence et des syndromes de suractivité de la vessie. La prédominance des questions d’incontinence urinaire peut atteindre jusqu’à 21 %, voire 50 à 60 % chez les personnes âgées. L’incontinence urinaire et le disfonctionnement de la vessie ont un impact significatif sur l’activité professionnelle, la vie familiale et sociale. Malheureusement, beaucoup de personnes qui en souffrent sont trop gênées pour en parler.

Quelles sont les causes de ces problèmes urologiques ? Et quelles sont les mesures préventives ?

On peut identifier deux types d’incontinence urinaire : l’incontinence à l’effort et l’incontinence impérieuse. Durant sa grossesse et l’accouchement, la femme enceinte subit une pression croissante sur le centre de gravité de son utérus. L’accouchement vaginal, et particulièrement l’accouchement traumatisant, entraîne des dommages supplémentaires au niveau de la zone pelvienne et des nerfs. Quand la ménopause approche, les tissus conjonctifs du sphincter se relâchent en raison d’une carence en oestrogènes. Une fois que la zone pelvienne et le sphincter urétral ne peuvent plus supporter l’urètre et la vessie, des fuites urinaires peuvent se produire notamment en cas de toux ou d’éternuement qui crée une pression abdominale plus forte.

L’incontinence involontaire/impérieuse est une maladie distincte avec une pathophysiologie complètement différente. Elle se manifeste souvent en cas de suractivité de la vessie. La vessie devient ultra-sensible et se contracte involontairement entraînant la sensation d’une « envie pressante » et une incontinence involontaire.

Quand une femme doit-elle consulter un urologue ?

De simples infections urinaires et une faible incontinence urinaire peuvent être facilement traitées par le médecin de famille et un physiothérapeute. Quand une femme a des infections urinaires persistantes ou des symptômes alarmant comme du sang dans les urines, des douleurs en urinant, des douleurs abdominales ou une incontinence sérieuse, elle devrait consulter un urologue pour écarter des maladies graves.

Quels traitements existent ?

L’incontinence urinaire modérée peut être soignée en opérant des changements dans le mode de vie, comme une consommation modérée de liquide (1.5-2 litres), une consommation limitée de boissons susceptibles d’irriter la vessie (thé, café, boissons gazeuses) et une perte de poids. Une rééducation vésicale et des exercices pelviens sont des options efficaces sous le contrôle d’un physiothérapeute. Des médicaments par voie orale sont disponibles pour la suractivité de la vessie et l’incontinence impérieuse. 5 à 10 % des patientes avec une suractivité de la vessie recourent à une injection de botox pour des incontinences sévères si les médicaments ne sont pas tolérés. En cas d’incontinence urinaire d’effort qui ne peut pas être traitée par des exercices pelviens, une chirurgie peu invasive avec l’insertion d’une bandelette mi-urétrale peut contribuer à renforcer la zone pelvienne et le sphincter urétral. La procédure peut être réalisée en ambulatoire avec une chance de réussite de plus de 90 %.

Le docteur Vera Chung est associée au sein de la Hong-Kong Urology Clinic. Diplômée en 2003 de l’Université de Hong-Kong elle a été formée en qualité d’urologue au Queen Elizabeth Hospital. Elle a notamment consolidé sa formation à Oxford en matière de gestion de continence et de problèmes de prolapsus au sein du département de gynécologie.