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Hong-Kong/Shanghai, les destins liés

Ayant vécu sept ans dans le Paris de l’Orient avant d’arriver dans le Port des Parfums, j’aimerais retracer l’histoire de la relation entre les villes de Shanghai et de Hong-Kong. A l’heure où Hong-Kong est sur le point d’être reliée à Pékin en quelques heures seulement par le train rapide, la question se pose du devenir de cette relation.

Par Didier Pujol *

1841-1914: Premier âge d’or de Hong-Hong

En 1841, à l’issue de la première guerre de l’opium, les Anglais s’installent militairement à Hong-Kong, déclenchant un processus d’échanges commerciaux et culturels sans précédent dans l’histoire du monde. Le vieil empire chinois, fermé pendant plus de deux cents ans suite aux décisions des dernières dynasties, se trouve tout à coup confronté à des idées nouvelles et la soudaine domination économique de l’Occident. L’auteur de ce cataclysme culturel est un certain William Jardine, surnommé par les chinois « Vieux Rat Tête de Fer », qui de contrebandier notoire accède au statut de « prince des marchands » grâce à l’intervention des britanniques pour imposer le commerce, ô combien inéquitable mais si lucratif, de l’opium. Rapidement après cette victoire, les « Treaty Ports » ouvrent en Chine, dont le principal est Shanghai. Pourtant, la fin de siècle connaissant des révoltes à répétition, dont la principale est celle des Taiping, le commerce sur le continent se trouve endigué. Cette situation profite à Hong-Kong dont les marchands anglais mais également chinois venus de Canton, créent des guides de extrêmement efficaces. Le front de mer se développe sous la forme d’entrepôts, tandis que le Peak accueille déjà les résidences de riches Européens. Outre Jardine et ses descendants, ces magnats se nomment Chater, Kadoorie ou encore Sassoon, Juifs Sépharades venus de Bombay pour ces deux derniers. Shanghai, quant à elle, se limite à des « concessions » comprenant quelques rues, souvent situées sur d’anciennes zones marécageuses et où l’on installe des filiales.

1914-1937: L’explosion de Shanghai

Avec la première guerre mondiale, cette situation bascule. Les dernières révoltes sont matées dès 1900 et l’empereur destitué en 1912. L’impossibilité d’importer depuis l’Europe en guerre conduit à produire sur place tout ce dont on a besoin : textile, équipements industriels, cigarettes ou encore armes pour l’Europe ! Les terrains plats disponibles à Shanghai et l’afflux soudain en ville d’une main d’œuvre ruinée par les guerres fait que les entreprises de Shanghai prospèrent. L’arrivée des Russes Blancs (20000 à partir de 1921) complète le tableau. Ils vont transformer la ville en centre culturel majeur et en particulier la Concession Française où s’installent cabarets dansants et autres tripots. Venu des Etats-Unis, le cinéma développe aussi une production locale, installant définitivement le « haipai » ou « style de Shanghai ». Les chinoises fument alors des Chesterfield, s’habillent en qipao et dansent le jazz. Côté architecture, les bénéfices des marchands sont réinvestis dans un tout nouveau style, l’Art Déco qui couvre en quelques années toute la ville (encore 5000 bâtiments aujourd’hui) qui cherche à rivaliser avec New York. Hong-Kong de plus en plus reléguée au rang de station balnéaire, comme l’indique la création en 1920 du Repulse Bay Hotel sur la plage du même nom.

1937-1992: La seconde chance de Hong-Kong

Les changements politiques liés à l’invasion japonaise de 1937 en Chine suivie de la prise de pouvoir par Mao en 1949 vont sonner le coup d’arrêt à l’euphorie shanghaienne. En 1937, un premier afflux de réfugiés, bourgeois et artistes favorables à la Chine nationalistes, arrive à Hong-Kong. Acteurs poursuivant un premier temps la lutte par le cinéma militant, ils s’installent définitivement au moment où la Chine devient communiste. Les nantis venus de Shanghai déversent alors à Hong-Kong une manne inespérée de capitaux qui favorisent le redécollage de l’industrie. Kowloon et les Nouveaux Territoires voient fleurir dans un premier temps l’industrie textile puis le plastique, suivi enfin par l’électronique. L’afflux des populations chinoises venues du continent constitue l’autre moteur de l’économie. Dans le cinéma, la saga des frères Shaw illustre aussi le transfert de la culture des loisirs de Shanghai vers Hong-Kong. Beaucoup de stars comme Nancy Chan ou Li Chin viennent alors de Shanghai ! Les orchestres de jazz constitueront aussi à Hong-Kong le terreau de la musique pop chinoise. Enfin, les architectes Shanghaiens tels Robert Fan, autrefois champion de l’Art-Déco, profitent du boom immobilier du début des années 1960 pour reloger les habitants des taudis dans des grands ensembles.

1992 à aujourd’hui :

Vers un rééquilibrage

En 1992, Deng Xiao Ping effectue son célèbre « « voyage dans le Sud ». La création de Shenzhen, atelier des entreprises étrangères basées à Hong-Kong ou Singapour confère alors un nouveau rôle à la Chine. Même si Pudong, à l’Est de Shanghai est encore peu développée, les plus grands groupes mondiaux, séduits par les avantages fiscaux et sociaux, y installent des bureaux. Ce mouvement d’ouverture de la Chine s’accentue encore avec la rétrocession en 1997 et les investisseurs hongkongais trouvent à Shanghai un nouveau moyen de se développer (groupe Shui On Land par exemple avec Xintiandi), y compris dans le domaine du cinéma pour toucher en Chine un public élargi. La consécration du nouveau rôle de Shanghai vient avec l’Expo Universelle en 2010 qui redonne à la métropole un sentiment de fierté perdu pendant les années de mise au banc par le régime. Au-delà des considérations culturelles et identitaires, le projet de réunir Canton, Shenzhen et Hong-Kong dans un bassin économique cohérent devrait dans le même temps apporter le nouveau souffle dont la ville du sud semble manquer. La maîtrise des standards internationaux et le réseau d’influence des hongkongais deviendront alors des atouts de poids dans le développement interconnecté des deux villes !

Pour en savoir plus sur le Shanghai des années 1930, lire l’excellent livre de Paul French présenté au FCC de Hong-Kong (basé à Shanghai jusqu’en 1949 d’ailleurs), City of Devils

Pour plus d’information sur l’histoire croisée de

Hong-Kong et de Shanghai, lire mon blog www.shanghaitours.canalblog.com et rejoignez un de mes tours en me contactant au didier.pujol@chinaworldexplorers.com

*historien et guide-conférencier