Francis Joyon sur IDEC SPORT : à l’assaut du record Hong Kong-Londres
Samedi 19 janvier, le maxi-trimaran IDEC SPORT a pris le départ à Hong Kong pour tenter de battre le record de «la Route du Thé», soit rallier Londres en moins de 36 jours, 2 heures et 37 minutes. Cette course remonte au temps des clippers anglais, qui régataient entre eux pour acheminer le plus vite possible les cargaisons de thé entre la colonie britannique et la capitale de l’Empire. Le record est détenu depuis février 2018 par Giovanni Saldini sur le multi 70 Maseratti. Le navigateur Français, Francis Joyon, multiple vainqueur en solitaire ou en équipage des plus grandes courses à la voile (dont la Route du Rhum 2018 et le Trophée Jules Vernes 2017) va tenter d’ajouter une nouvelle victoire à son palmarès.
Rencontre avec l’équipe IDEC SPORT, réunie au Royal Hong Kong Yacht Club, en présence notamment du Commodore et du Consul Général de France.
Par Isabelle Chabrat
Fabrice Thomazeau, représentant le groupe IDEC a rappelé l’engagement qui lie son groupe à Francis Joyon : «Cela fait 18 ans que l’on travaille ensemble, une des histoires les plus longues ! Francis est détenteur de toutes sortes de record : deux fois record du tour du monde en solitaire, record atlantique, record de 24h, il est aujourd’hui également détenteur avec ce bateau du record du tour du monde en équipage, en 40 jours. Il se lance sur un des 5 records les plus importants aujourd’hui, à la fois pour sa difficulté et pour sa longueur. »
IDEC SPORT est actuellement sur son “Asian Tour”, dont la première étape était d’effectuer en solitaire Port Louis en Bretagne – Port Louis à l’ile Maurice. Puis deux autres étapes, en équipage cette fois, ont permis à IDEC SPORT de relier Ho Chi Minh, puis Shenzhen.
« Un des points clés de cette course est de tout planifier, car c’est très long. Il n’y a pas d’escale, pas d’approvisionnement, pas d’assistance ; les règles sont très strictes », a expliqué Francis Joyon. L’équipage a même eu à cœur d’embarquer un peu de thé, pour respecter la tradition.
Quant à savoir sur quoi va se jouer le record, il précise : «Par rapport à Mazeratti, IDEC SPORT est plus rapide sous les vents forts, et va moins vite dans les vents faibles. La difficulté de ce record : traverser les zones de calme plat autour du détroit de la Sonde pour raccorder au Nord de l’Océan Indien, puis le Sud du Cap de Bonne Espérance »
Grand connaisseur de l’Atlantique et des mers du Sud, il a également évoqué les difficultés de navigation en mer de Chine : «C’est la première fois que je navigue en course ici, c’est une découverte. Il y a énormément d’obstacles, on a du déjà éviter des milliers de bateaux de pêche en remontant le long des côtes du Viet Nam en particulier, et il y en a même au large. On s’est pris dans des filets. On a aussi dû traverser un véritable village nautique construit sur la mer avec des petites maisons en bambous. On a été surpris de trouver cela dans des fonds assez importants, au large. Voilà les surprise à l’aller, on s’attend à quelques surprises au retour aussi »
Quant à savoir ce qu’il se passerait si le bateau venait à percuter un container :
« Il faut beaucoup anticiper pour éviter les accidents. On a sur ce bateau des cloisons étanches qui permettent de faire face à des avaries importantes. Bien sûr la course serait compromise dans ce cas-là, mais le plus important c’est la sécurité de l’équipage et le bateau. J’ai déjà eu tous les accidents possibles : chavirage, démâtage, heurter des containers … mais pas avec ce bateau là pour le moment ! »
Trait d’Union : Quand on navigue sur un tel bateau, peut-on à nouveau naviguer sur un bateau normal ?
Francis Joyon : La réponse est toute trouvée, chacun de nous navigue sur d’autres bateaux, donc nous ne sommes pas blasés ! C’est vrai que l’on a des sensations exceptionnelles, mais sur un bateau normal on a aussi le plaisir de la simplicité que l’on a un peu perdu sur ce bateau malgré tout très complexe.
Vous naviguez soit en solitaire soit en équipe sur ce même bateau, qu’est-ce que vous préférez ? Qu’est ce qui est le plus facile ?
Quand je suis avec une bonne équipe comme celle-là je préfère naviguer en équipage !
Mais on va prendre un exemple précis : s’il fallait que je fasse le trajet en solitaire entre Hong Kong et Londres, ce serait pratiquement impossible, ne serait-ce qu’au niveau veille vis à vis des bateaux de pêche, vis à vis des filets, des obstacles, c’est un plan d’eau trop petit, trop fermé pour naviguer en solitaire. Au large on peut se poser la question, mais là on n’a pas le choix : ce n’est pas possible en solitaire, il faut faire ce trajet en équipage si on veut assurer la sécurité .
Vous évoquiez les filets de pêche, en avez-vous beaucoup croisés ?
On en croise des centaines de km peut-être, pour ne pas dire des milliers : ce sont des filets posés en surface sur des distances très importantes, qui barrent le passage pour les thons par exemple. De même on croise des lignes de pêche au large sur des km, on en a pris une, on a vu la ligne se tendre et casser alors qu’on était à 30 nœuds, bien sûr cela abime le bateau, mais surtout cela abime la vie marine, cela détruit tout. Les lignes de pêche avec hameçon, c’est également très destructeur, les poissons sont pris, et les albatros qui viennent chercher les poissons sont piégés, s’étranglent. J’étais étonné quand je suis passé par 40 degrés Sud, je n’ai vu que 4 ou 5 albatros, alors que normalement à cette latitude là j’aurai dû en voir 40 ou 50. Donc, rien que visuellement, le nombre d’albatros rencontré en une semaine était très nettement inférieur cette année.
Quel message vous aimeriez envoyer a ceux qui sont inquiets, jeunes ou moins jeunes ?
Le message de Greta c’est bien, elle a réussi à motiver énormément, cela m’a fait chaud au cœur de voir tous les jeunes dans la rue, ils ont une bonne prise de conscience. Après il faut que le film soit accéléré, quand on voit qu’en quelques années on arrive à détruire des coraux qui sont là depuis des millénaires …
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