Economie

Formations gratuites pour les helpers

 

Créée en mars 2018 par une Française, Marie Kretz Di Meglio, l’ONG Uplifters propose des formations gratuites en ligne pour les employées de maison (domestic helper). Bien qu’installée à Hong-Kong, Uplifters propose des formations sur l’ensemble de l’Asie du Sud-Est ainsi que le Moyen-Orient. C’est à Singapour que Marie décide de s’investir auprès d’une organisation, Aidha qui vient en soutien aux employées de maison. Deux ans plus tard, en 2016, elle arrive à Hong-Kong et regarde si elle peut mettre en place une organisation similaire. Après plusieurs mois d’enquête et de recherches, elle décide de franchir le pas et Uplifters était né.

Propos recueillis par Isabelle Chabrat

Spécialiste de la formation en ligne, Marie n’a pas eu de grandes difficultés à trouver les modules adaptés aux « domestic helpers ». « Notre programme gratuit de gestion de son argent et de développement personnel qui comprend trois modules, leur permet d’apprendre à faire les comptes, les motive à épargner et les alerte sur les personnes mal intentionnées qui cherchent à profiter de leur ignorance », indique la jeune femme. « Nous proposons aussi bien de l’alphabétisation financière ou du développement personnel que la gestion d’un budget ou encore comment développer un état d’esprit positif », ajoute-t-elle.

Un rapport de 2016* indique que seulement 6 % d’entre elles rentrent dans leur pays avec le sentiment d’avoir mis assez d’argent de côté. Ce programme les aide à se prendre en main, à préparer leur avenir en les responsabilisant. « Un plus pour beaucoup d’employeurs qui se plaignent souvent des comportements naïfs de leurs employées et doivent régulièrement les sortir de situations difficiles », précise Marie Kretz Di Meglio. Le nom Uplifters est justement un clin d’œil à cette volonté de voir s’élever cette communauté composée de Philippines, Indonésiennes, Népalaises, Sri-lankaises, Indiennes ou encore de femmes originaires du Myanmar.

Seule organisation proposant des formations uniquement en ligne, Uplifters a testé son programme auprès de 150 élèves. « Elles peuvent suivre leur formation à partir de leur téléphone portable sans aucune difficulté », explique la fondatrice. « Nous avons tout organisé à partir de Facebook qu’elles utilisent beaucoup », précise Marie. Consciente de l’importance du réseau social Facebook auprès des helpers, Marie a également organisé des forums de discussion sur messenger pour qu’elles puissent avoir un soutien tout au long de leur formation. Elles sont regroupées par pays et par nationalité au sein de ces forums et c’est une ancienne élève, formée pour cela, qui est en charge de l’animation de ces groupes de discussion. « C’est plus concret pour elles d’avoir quelqu’un de leur communauté », explique Marie. « On leur envoie un lien de e-learning qui leur permet d’avoir tout le contenu des cours avec les vidéos, les quizz sans avoir à quitter Facebook, donc très facile pour elles. Elles ont accès au contenu, ont un challenge et un quizz en ligne à faire avec les réponses immédiates », souligne la jeune femme. A la fin de ces formations un certificat leur est remis. « Cela permet notamment à leurs employeurs de voir qu’elles sont sérieuses, préparent l’avenir et ont la tête sur les épaules », précise Marie. Une fois leur diplôme obtenu, les helpers peuvent, si elles le souhaitent, suivre un programme de coaching d’un an avec des petits rappels sur leurs objectifs et le suivi de leur budget et objectifs personnels.

Tout est prêt maintenant pour passer à l’étape suivante qui est d’en former plus de 10.000 dans l’année à venir. Une campagne de crowdfunding devrait être lancée prochainement avec l’ambition de pouvoir lever suffisamment de fonds pour développer ce programme. Elles sont deux à travailler à temps plein pour l’organisation, Marie Kretz Di Meglio et Marion Déchy, aidées par une bénévole pour la partie communication, digitale en particulier.

En plus des formations proposées gratuitement, une série de formations professionnelles payantes sont à l’étude, permettant de financer les cours gratuits. « Cela permettra d’augmenter leurs compétences professionnelles avec des cours de cuisine mais aussi comment s’occuper d’un bébé ou encore savoir tenir un intérieur », explique-t-elle.

Après un an de mise en place, ce sont plus de 150 employées de maison qui ont bénéficié de ces formations gratuites. Plus de 80 % terminent le programme et la jeune ONG recueille 100 % de satisfaction auprès de ses utilisatrices et 100 % estiment qu’elles ont les outils nécessaires à une bonne gestion de leur budget et se sentent plus heureuses. Plus de 20 anciennes élèves se proposent aujourd’hui pour venir en soutien bénévole auprès des nouvelles étudiantes. L’ONG Help for domestic workers apporte son soutien à Uplifters et propose de son côté un accompagnement sur les questions juridiques.

Le suivi des employeurs est également une préoccupation de cette jeune ONG. « En discutant avec les organisations qui aident les employées de maison nous avons constaté qu’il n’y avait pas beaucoup de ressources pour les employeurs, pour les aider quand ça ne se passe pas bien », indique Marie. Marion Déchy a écrit un guide avec des conseils en management pour les employeurs que téléchargeable sur leur site. Toujours sur ce thème, un atelier est organisé avec l’association HK Accueil, le 14 novembre prochain, pour répondre aux questions des employeurs.

Quelques témoignages :

– “Cette formation est un défi pour nous et nous devons le relever. Elle nous apprend à changer nos pratiques du quotidien. J’aime les défis.” H., domestique indonésienne.

– “J’ai travaillé à l’étranger pendant sept ans et j’admets ne pas avoir dépensé mon salaire raisonnablement. C’est la première fois que j’apprends à gérer un budget. Ca change ma vie. Je suis si reconnaissante à Uplifters.” M., Filipina domestique.

– “J’ai trouvé que ces formations nous amènent vers une attitude positive et déterminée pour atteindre nos buts” N., ex-domestique Sri lankaise.

– “Je constate que je suis plus intelligente et plus instruite qu’auparavant.” K., domestique du Myanmar.

– “J’ai plus de connaissance. J’ai appris à améliorer mes investissements, à penser aux risques, éviter des prêts parce qu’ils vous apportent trop de fardeau, gérer mes finances et faire un budget.” W., Filipina domestique.

* seefar.org, 2016 Report

Uplifters : www.uplifters-edu.org