Et vous, qu’avez-vous fait pour la planète aujourd’hui ?
Obligations vertes, énergies renouvelables : un financement responsable
Résolument tourné vers le financement et l’accompagnement des énergies renouvelables, le groupe français Crédit Agricole CIB est aujourd’hui leader sur ce marché. Première banque française à avoir adhéré aux « Principes Equateur » (EP), référence d’un financement responsable en financement de projets, Crédit Agricole CIB a participé activement à la rédaction des « Principes » sur les obligations vertes (green bond). Conscient de l’enjeu que représente la lutte contre le réchauffement climatique, le groupe bancaire en fait un des axes majeurs de sa politique RSE. Rencontre avec François Martin, Senior Country Officer et Head of Structured Finance Asia pour Crédit Agricole CIB.
Propos recueillis par Catya Martin (avec Isabelle Chabrat)
Trait d’Union : Votre banque publie des politiques sectorielles RSE pour les secteurs où les enjeux citoyens apparaissent les plus forts. Quels sont ces secteurs en Asie ?
François Martin : Les politiques sectorielles sont faites au niveau du groupe. Elles s’appliquent à l’ensemble de nos activités à travers le monde, il n’y a pas de déclinaison en fonction des régions. Nous appliquons la totalité de ces politiques sectorielles de façon globale. Nous avons, notamment, commencé avec une partie des activités liées aux énergies (pétrole et gaz, gaz de schiste, centrales thermiques à charbon, énergie nucléaire…), au secteur de l’armement, aux transports (aéronautique, filière maritime, automobile) mais également aux infrastructures de transports ou encore aux forêts et huile de palme.
L’idée de ces politiques sectorielles est plus de fixer le cadre dans lequel nous voulons continuer à accompagner des projets pour autant qu’il y ait un focus et une mise en œuvre de développement de projets responsables sur le plan social et environnemental.
Pouvez-vous nous parler des « Principes Equateur » auxquels votre groupe a adhéré dès 2003 et participé à la rédaction sur les obligations vertes ?
Crédit Agricole CIB a été une des premières banques à adhérer et à participer à la rédaction sous l’égide de la Société financière internationale (SFI).
Cela a permis de définir les cadres dans lesquels nous intervenons en financement de projets. Le but principal est d’assurer un développement des infrastructures dans les pays à travers le monde, prenant en compte les enjeux environnementaux et sociaux. Nous mettons en place des études d’impact environnemental et social, en nous assurant qu’elles sont bien adaptées aux projets. Sur l’ensemble de nos transactions depuis 2003, il y a la mise en oeuvre de ce cadre, pour chaque projet,une étude d’impact est réalisée et est suivie de façon régulière permettant de s’assurer que ces projets sont lancés en prenant en compte la totalité de ces impacts environnementaux et sociaux.
Sur le réchauffement climatique. Cette lutte est-elle un vrai enjeu pour Crédit Agricole CIB ? Si oui comment adaptez-vous vos politiques par rapport à cet enjeu ?
Oui ça l’est forcément. Nous ne pouvons pas rester figés sur cette question. Les banques ont un rôle important pour accompagner les évolutions voire les anticiper. Nous essayons d’être en amont.
L’idée est de développer les activités de la banque et de trouver des relais. Si nous ne finançons plus les activités liées au charbon, nous devons trouver d’autres domaines. Cela peut passer par le gaz, plus propre que le charbon et qui peut être une phase de transition pour arriver au renouvelable.
Et concernant l’Asie ?
L’Asie, partait de loin sur ces sujets là, le charbon étant une des sources d’approvisionnement principales et il faut accompagner les pays vers un changement. Nous avons vu arriver plusieurs options, notamment l’énergie éolienne ou encore le solaire. Nous avons fait une opération l’année dernière avec deux groupes internationaux sur un premier projet d’acquisition de 27 fermes solaires au Japon. Cela peut paraître marginal par rapport au pays mais c’est un premier pas. Nous espérons en voir d’autres. De plus en plus de sociétés internationales s’intéressent à répliquer ce qui a été fait dans ce secteur notamment en Europe. Les grands projets à venir sur l’éolien pourraient venir de Taiwan.
Ce pays a des ambitions de développement d’une capacité éolienne off-shore importante à l’horizon 2025. Nous commençons donc à voir arriver les premiers projets sur l’accompagnement de leur financement. Ce sera le sujet important de cette année. Au Vietnam, par exemple, c’est plus compliqué car le pays a des moyens plus modestes pour pouvoir organiser une transition rapide et basculer sur d’autres modes d’énergie. Il y a des discussions avancées sur le lancement de filières éoliennes et solaires mais aussi sur la conversion du charbon vers le gaz pour la production électrique.
Qu’en est-il de la Chine ?
La Chine est assez paradoxale. C’est surement le pays dans le monde où la conscience de la pollution est la plus forte avec un besoin réel de faire évoluer la situation. Les masses sont telles que le résultat ne se voit pas immédiatement, même si les actions commencent. Le potentiel de développement des énergies éoliennes et solaires en Chine est très conséquent. Les autorités chinoises sont sensibilisées à ces questions et mettent des moyens importants pour accompagner les transitions. Cela reste relativement marginal si l’on se réfère à l’ensemble des besoins du pays mais la capacité électrique générée par l’éolien et le solaire est déjà significative par rapport à d’autres pays dans le monde.
Vous affirmez dans votre communication inclure des critères sociaux et environnementaux dans les politiques de financements de projets. Comment le mettez-vous en pratique ici en Asie ? Est-ce une politique mondiale ?
Oui les politiques sont mondiales. Ensuite nous travaillons projet par projet. Dans nos études d’impact social et environnemental, la partie sociale est importante notamment lorsqu’il y a des
réappropriations de terrains et donc des déplacements de populations. Nous sommes attentifs aux relocalisations pour que tout soit fait dans le respect des règles. Nos partenaires s’engagent par contrat sur ces règles afin de s’assurer un accompagnement des populations concernées en termes de « compensation », « resettlement » et de « livelihood restoration ».
Ce sont des choses que vous suivez de près ?
Oui absolument, sans différenciation quelles que soient les zones. Nous suivons l’ensemble des projets avec une réelle évaluation. Les grandes sociétés avec qui nous travaillons et qui développent ces projets sont totalement en lien avec notre charte d’étude d’impact environnemental et social. De plus l’accompagnement sur le financement se fait sur plusieurs années, nous sommes donc liés et très proches.
Vous avez annoncé fin 2015 lors de la COP21 avoir atteint les quatre objectifs climat fixés par la conférence du l’ONU sur le climat. Vous avez ensuite pris des engagements à l’horizon 2018 avec l’annonce par votre Président de 60 milliards d’USD de nouveaux financements climat d’ici 2018. Où en êtes-vous ?
Concernant les énergies renouvelables, les efforts se font sur l’ensemble du groupe incluant les caisses régionales en France. Je peux vous dire que les délais sont tenus. Notre groupe est très prégnant sur ces sujets et les engagements sont toujours suivis. La volonté est réelle et déclinée sur l’ensemble des entités du groupe Crédit Agricole et sur l’ensemble de nos pays d’intervention.
Sur l’Asie par exemple, l’équipe en charge des financements de projets sur le secteur de l’énergie réalise une étude approfondie, pays par pays, pour voir comment identifier et accompagner les premiers développements sur les différentes énergies renouvelables. Au-delà des sujets précédemment cités sur le solaire au Japon et l’éolien à Taiwan, nous avons entrepris une étude importante sur la géothermie afin de s’assurer que cela répond vraiment aux problématiques environnementales.
Cette question de géothermie est plus présente en Asie que dans d’autres pays. L’année dernière un état des lieux a été fait sur ce sujet en Indonésie afin de voir comment accompagner le mieux possible ce pays vers une véritable transition en matière d’énergie.
Il faut aussi parler des obligations vertes « green bonds ».
Oui, il s’agit d’émissions obligataires, comme n’importe quelle émission obligataire en terme de structure, avec comme différence que là, il y a un objet bien précis. Un « green bond » a un objet qui est défini à l’avance, autour de la transition énergétique, des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique, avec une évaluation environnementale et une surveillance données par un institut dédié. Crédit Agricole CIB a été un des précurseurs sur ces sujets afin de permettre aux investisseurs avec des objectifs responsables de placer leurs fonds dans les activités « vertes ». Au départ, tout le monde regardait cela comme un gadget mais aujourd’hui les obligations vertes se sont vraiment développées, jusqu’à devenir depuis un an un marché extrêmement important.
Notre banque est depuis les débuts dans les premières banques mondiales sur ce secteur et l’année dernière nous avons eu de très bons développement sur le sujet en Asie avec trois émissions importantes, une pour Bank of China et deux autres pour des banques indienne et coréenne qui ont émis des émissions obligataires vertes avec un label donné par une agence d’évaluation spécialisée.
Comment vous situez-vous par rapport à vos concurrents ?
Nous sommes numéro 1 mondial en tant que chef de file des émissions de « green bonds » L’année dernière nous avons reçu de l’organisme Global capital sept awards sur les huit donnés dans ce domaine, qui est l’un de ceux pour lesquels nous sommes fiers et en pointe.
Etes-vous confiant sur l’avenir ? Voyez-vous une évolution à moyen ou long terme sur ces sujets en Asie ?
Même à court terme, les prises de conscience sont très fortes.
Le marché des obligations vertes dites « domestiques » en Chine s’est beaucoup développé récemment avec des émissions en RMB auprès d’investisseurs chinois, par des sociétés chinoises. Ce n’est pas encore énorme mais c’est un début très prometteur. Les Chinois ont pris les choses sérieusement et s’y intéressent. C’est vrai aussi de l’Inde et d’une vaste majorité des pays d’Asie.
Si vous deviez définir en une phrase ce que vous estimez faire aujourd’hui pour la planète, ce serait ?
Accompagner nos clients vers la transition énergétique à travers des financements responsables serait la phrase la plus juste.