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Emmanuel Ceysson, « l’Enfant Terrible » de la harpe

Invité par “Première Performances of Hong-Kong”, à l’occasion de la 9ème édition du “HK International Chamber Music Festival” qui s’est déroulé du 13 au 24 janvier dernier, le musicien français se plait à bousculer les clichés auxquels est associé son instrument. Avec sa harpe, Emmanuel Ceysson parcourt la scène musicale internationale pour y donner des récitals en concerto ou en musique de chambre.

Première harpe de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris en 2006, médaille d’Or et prix d’interprétation du Concours International de Harpe des Etats-Unis en 2004, premier prix et six prix spéciaux lors des auditions “Young Concert Artists” de New York en 2006 et premier prix du prestigieux Concours de l’ARD à Munich en 2009, il devient, ainsi, le premier harpiste à obtenir trois consécrations internationales majeures. En 2010, il est nommé dans la catégorie « Révélations Soliste Instrumentale » aux Victoires de la Musique Classique et reçoit, en Novembre 2011, un Prix d’Encouragement pour son début de carrière par l’Académie des Beaux-Arts de l’Institut de France (Fondation Simone Del Duca).

En plus d’accumuler les prix et les éloges des critiques, le jeune musicien donne régulièrement des “Master Class” en France et lors de ses tournées à l’étranger. Rencontre avec ce progige français.


Propos recueillis par Catya Martin

 

 

Trait d’Union : Vous découvrez la musique à l’âge de 6 ans et plus particulièrement la harpe. Quel conseil donneriez-vous aux jeunes enfants qui découvrent la musique ?

Emmanuel Ceysson : D’être gourmand, curieux, d’aller si possible aux concerts, et de ne pas se laisser influencer par la tendance à l’immédiateté… Lors de la première écoute du concerto pour flute et harpe de Mozart à 6 ans, j’ai tellement passé la cassette offerte par mes parents que la bande magnétique s’est cassée ! C’était plus fort que moi, il fallait que j’y revienne tous les jours!

Et pour la découverte, notre maison était branchée continuellement sur France Musique, donc je baignais en permanence dans le classique. Aujourd’hui, à l’heure des tubes de variété de 3 minutes, on pourrait dire que l’écoute d’une symphonie de 50 minutes est fastidieuse, mais souvent, ce qui va toucher un enfant et lui donner le goût de la musique, ce ne sont que 10 secondes dans le fleuve de cette symphonie, il faut juste avoir la chance de tomber dessus au bon moment… Donc pour les parents, une radio classique en fond sonore est toujours une bonne idée !

 

Très vite vous avez engrangé les prix et distinctions jusqu’à devenir “l’enfant terrible de la harpe”. Cette notoriété a-t-elle changé la donne pour votre carrière ?

Oui et non, la réussite aux concours internationaux ne donne pas forcément une carrière, et de nombreux grands musiciens actuels ont réussi sans l’aide des concours : quand on gagne, il faut savoir “transformer l’essai”. Personnellement, plus qu’une recherche de résultats, les concours ont été pour moi l’occasion de me prouver quelque chose : j’avais besoin de la validation de mes pères, et de savoir me situer par rapport aux autres. Quand on est un musicien classique, on passe beaucoup de temps derrière son instrument, on ne finit plus par voir que ses défauts, qui prennent alors une taille démesurée… Les concours m’ont aidé à comprendre que malgré mes imperfections, ma musique arrivait à plaire, même à un jury de spécialistes. J’en ai tiré une confiance salutaire dans les années qui ont suivi.

 

Quelle a été votre motivation pour le choix de la harpe ?

Le concerto pour flute et harpe de Mozart, écouté à 6 ans dans la version de Lily Laskine et Jean-Pierre Rampal. Je suis tombé amoureux du son de la harpe dans le deuxième mouvement… Ce ne sont que quelques secondes où la harpe accompagne une longue phrase de flute sur une progression harmonique du divin Mozart qui ont suffi à me rendre accroc. Après ça, je n’en démordais pas : ce serait la harpe ou rien !

 

Quels sont vos compositeurs préférés ?

J’ai vraiment une vénération pour Debussy et Ravel, et pour la musique impressionniste française en général. La musique Russe me touche beaucoup également : Stravinsky, Tchaikovsky,  Rimsky-Korsakov ont pavé mon parcours musical et sont encore très présents dans la musique que j’écoute aujourd’hui.

Lorsque l’on a une carrière internationale comme la votre, reste-t-il de la place pour les loisirs ?

Bien sûr ! J’ai tendance à penser que ce qui donne de la profondeur musicale, ce sont toutes les expériences qui n’ont rien à voir avec la musique ! J’adore cuisiner, lire, aller au théâtre, faire du sport, et j’essaie toujours d’aménager des temps de “respiration”, même quand mon planning déborde…

 

Vos conseils pour celles et ceux qui souhaiteraient découvrir la harpe ? Quelques œuvres ?

Pour moi, plus qu’une oeuvre, c’est un interprète qui porte l’amour pour un instrument, par son approche et sa conception. Je ne serais pas tombé amoureux de la harpe sans Mozart bien sûr, mais Mozart défendu par la grande Lily Laskine, et sa patte sonore unique…

Donc je conseillerais bien évidemment la discographie de Laskine, mais aussi celle d’Isabelle Moretti, mon professeur et mentor, et… pourquoi pas la mienne LOL? 😉

 

Ressentez-vous une différence de public suivant les endroits du monde où vous vous trouvez ?

Oui bien sûr, chaque public goûte à la musique différemment : certains publics moins habitués vont laisser déborder leur enthousiasme et applaudir au milieu d’une sonate, mais ce n’est pas grave : ce qui compte, c’est le plaisir !

Pour l’interprète, il suffit d’avoir l’intelligence de programmer des oeuvres qui vont correspondre au goût du public qu’il visite, et en même temps de le surprendre, il faut trouver le bon équilibre.

La seule chose universelle qui réunit tout le monde, c’est le silence et l’attention qui durent et renforcent le lien magique permis par la musique entre nous tous.

 

Vous avez joué dans les salles les plus prestigieuses. Quel est l’endroit que vous préférez ?

En récital : l’auditorium de la bibliothèque Luis Angel Arango de Bogota… Exceptionnel!!

En concerto, mon passage avec le DSO à la Philharmonie de Berlin m’a marqué : l’impression que tout passait sans effort…

 

Avez-vous un rêve ?

Que la harpe prenne la place qui lui revient en tant qu’instrument soliste : celle d’un instrument de premier ordre !

Beaucoup trop d’organisateurs de concerts ou festivals sont frileux quant à l’idée d’inviter un(e) harpiste, car les impératifs de billetterie les emmène vers des choix plus conventionnels.

Une chose à noter cependant : il n’y a pas un concert que je fais à l’issue duquel des personnes ne viennent me dire qu’ils découvraient la harpe en soliste, et qu’ils étaient fascinés par ses moyenx expressifs, sa palette de couleurs…

Le public ne demande qu’à se faire conquérir, il faut que les organisateurs de concert osent!!

 

Quels sont vos projets à court et moyen terme ?

Ce dimanche l’ouverture de la nouvelle Tosca au MET, dirigée par Emmanuel Vuillaume, et chantée par la sublime Sonya Yoncheva. La sortie de mon prochain disque Ballade in RED chez Aparté au printemps, avec un concert de promotion à Paris Salle Gaveau le 4 avril, et le concerto de Renié le 5 mai à NYC, dirigé par mon ami le violon solo du MET David Chan.

 

Première Performances sur www.pphk.org.

 


 

Le programme de l’édition 2018 du Festival comprend six concerts thématiques :

 

  • An Evening In Paris ” – une mise à l’honneur de la musique française avec Emmanuel Ceysson en tête d’affiche, le virtuose de la harpe.
    Mercredi 17 janvier, au Hong Kong City Hall Concert Hall
    Collaborator ” : Consulat général de France à Hong Kong et Macao

 

  • A Lifetime of Beethoven” – des oeuvres mettant en lumière les trois grands styles de Beethoven correspondant aux périodes dites “précoce”, “contemporaine” et “tardive”, et notamment son dernier quatuor à cordes.
    Vendredi 19 janvier, au HKAPA Concert Hall)
    Sponsor ” : YangTse Foundation
    Co-Presenter ” : Hong Kong Academy for Performing Arts

 

  • 20th Century Masterworks” – un programme composé d’une sélection des plus beaux morceaux de musique de chambre du XXème siècle.
    Samedi 20 janvier, au HKAPA Concert Hall
    Co-Presenter” : Hong Kong Academy for Performing Arts

 

  • Viva! Pipers Family Concert– un concert familial au programme interactif et amusant conçu comme une initiation aux instruments à vents pour un public d’élèves de primaire le temps d’une après-midi.
    Dimanche 21 janvier, au Ngau Chi Wan Civic Centre

 

  • Viennese Interlude” – quelques joyaux de la musique de chambre du Classicisme viennois et notamment des oeuvres de Mozart, Schubert et Brahms.
    Lundi 22 janvier, au Hong Kong City Hall Concert Hall
    Sponsor ” : Interlude, magazine en ligne de référence en musique classique

 

  • Russian Farewell” – de grands compositeurs russes pour clôturer le festival en beauté avec notamment de magnifiques oeuvres signées Rachmaninoff, Tchaikovksy et Stravinsky.
    Mercredi 24 janvier, au Hong Kong City Hall Concert Hall
    Sponsor : Rosamond Brown.

 

 

Programme détaillé : http://www.pphk.org/concerts/festival-2018/.
Tickets disponibles à la vente directement via la billetterie de Premiere Performances sur www.pphk.org.