Evasion

Dublin – Des lendemains qui chantent

Résolument jeune et dynamique, la capitale irlandaise a de quoi surprendre. Autrefois morne et assoupie, elle est désormais devenue une ville d’avant-garde. Certes, ses pubs irlandais existent encore, mais les terrasses de cafés abondent. Le style un peu “British” des maisons géorgiennes est dorénavant concurrencé par une architecture moderniste, marquée par le verre et l’acier et destinée à capter la lumière même dans la grisaille.

Par Christian Sorand

 

Avec son million d’habitants, la communauté dublinoise est résolument à l’avant-garde de ce siècle. Ce qui frappe d’emblée ici, c’est la jeunesse de sa population. Très vite, on s’aperçoit qu’elle est essentiellement cosmopolite. Le parc automobile est concurrencé par un engouement pour la bicyclette, voire la trottinette électrique. Au petit matin ou le soir, les berges de la Liffey accueillent joggers et promeneurs et les clubs nautiques font les beaux jours du kayak. La cité est d’une propreté remarquable. Bus, autobus à impériale ou tramways électriques parcourent les rues d’une ville restée à l’échelle humaine. À certaines heures, les grandes artères semblent dépourvues de véhicules. Cependant, les rues piétonnes autour de Grafton Street menant jusqu’à O’Connell Street, l’artère emblématique de la capitale, attirent la foule. Le weekend et le soir, le quartier branché de Templebar s’anime et la Guinness coule à flot dans une ambiance bon enfant ! Ce portrait ne serait pas complet si l’on ne mentionnait pas la panoplie des couleurs des portes géorgiennes ou celles des façades des pubs dublinois aux noms évocateurs : Murphy’s, O’Connor’s, Finnegan’s, Paddy O’Brian’s … Dublin est aussi une ville de parcs superbes, poumons de verdure en plein cœur de la cité : St. Stephen’s Green, Merrion Square, ou encore ce petit jardin secret, seul connu des Dublinois: Iveagh Gardens, au milieu du quartier géorgien historique.

Par quels mystères, a-t-on pu transiter d’une belle endormie à la ville trépidante d’aujourd’hui ?

 

Une économie florissante.

À la fin du XXe siècle, l’économie irlandaise peinait pour sortir de la crise dans laquelle elle se trouvait. L’idée avait alors été de miser sur les nouvelles technologies et de faire le pari qu’elles seraient porteuses. Le monde de l’électronique et du digital s’est empressé de répondre favorablement à l’offre. Parmi les quatre GAFA, seul Amazon est au Luxembourg, tandis qu’Apple, Google et Facebook ont fait de Dublin leurs quartiers généraux européens. La compagnie Ryanair est devenue le leader du low-cost européen. Puis d’autres géants de l’électronique et de ses dérivés sont arrivés : Dell, Microsoft, Oracle, Pfizer… L’industrie bio-pharmaceutique est un des vecteurs principaux : WuXi Biologics, Sanofi, Allergan, Eurofins, Boston Scientific, Takeda, etc. Toutes ces compagnies ne sont pas toujours implantées à Dublin, mais leur siège s’y trouve souvent.

Évidemment, cette flambée économique a attiré une forte population de jeunes en quête d’un premier emploi, apportant en même temps une dynamique nouvelle et une extraordinaire mixité de cultures.

Le danger aurait pu être de mettre l’identité locale en péril. Cela a permis au contraire à Dublin de faire peau neuve et de s’offrir un look nouveau.

 

Une riche empreinte culturelle.

Le cœur de Dublin reste marqué par son histoire et sa culture. Les Irlandais se targuent souvent de parler le meilleur anglais standard, précisant d’ailleurs que c’est parce qu’ils se trouvent entre l’Angleterre et les États-Unis ! Mais à vrai dire, Dublin a toujours été un pôle anglophone important ayant fourni une liste impressionnante d’écrivains de langue anglaise. À ce titre, Trinity College, fondé en 1592 par la Reine Elizabeth Ire, demeure une vénérable institution, rivalisant avec Oxford et Cambridge. La vieille bibliothèque est célèbre et est souvent citée parmi les plus impressionnantes du monde. C’est ici qu’est exposé le Livre de Kells, une fascinante enluminure du Moyen Âge.

Une vieille tradition académique s’est surtout forgée à travers la littérature anglo-irlandaise. D’ailleurs, l’Irlande ne compte pas moins de quatre prix Nobel de littérature à son actif : le poète William Butler Yeats (1923), George Bernard Shaw (1925), Samuel Becket (1969) et le poète Seamus Heaney (1995).

Il est étonnant qu’un aussi petit pays que l’Irlande (environ 5M d’habitants) ait pu donner une telle richesse littéraire au monde. Ce ne sont pas seulement des poètes ou des romanciers, mais aussi des dramaturges ou des maîtres de la nouvelle. Parmi les plus célèbres, on peut citer : Jonathan Swift (1667-1745), Laurence Sterne (1713-1768), Oscar Wilde (1854-1900), John Millington Synge (1871-1909), James Joyce (1882-1941), Flann O’Brien (1911-1966), Frank O’Connor (1903-1966), Sean O’Faolain (1900-1991), Sean O’Casey (1880-1964). Les maîtres d’autrefois ont ouvert la porte à une littérature contemporaine tout aussi éblouissante : Frank McCourt (“Les Cendres d’Angela”), Robert McLiam (“Eureka Street”), Colum McCann (“Apeirogan”), Michael Collins (“Les Profanateurs”), Hugo Hamilton (“Comme Personne”), Com Tóibin (“L’épaisseur des âmes”), Iris Murdoch (“La Mer, la mer”), etc. La nouveauté est aussi que la littérature anglo-irlandaise n’est plus seulement un apanage masculin comme elle l’a longtemps été. Elle compte désormais de nombreuses femmes, telles Cecelia Ahern (“I Love You”), Elisabeth O’Sullivan (“Lettres de la Grande Blasket”), Kate O’Riordan (“Une mystérieuse fiancée”), Jennifer Johnston (“Ceci n’est pas un roman”), pour n’en citer que quelques-unes.

Pour remémorer ce florilège de la plume, les maisons où ont vécu autrefois certains des grands écrivains portent une plaque commémorative. On a également baptisé plusieurs ponts de Dublin du nom d’auteurs célèbres.

 

Un choix porteur au profit de la capitale.

La richesse culturelle du passé a donc bénéficié du renouveau économique, non seulement de la capitale, mais aussi de celui de toute la nation irlandaise.

Dublin fait partie de ces capitales traversées par un fleuve, tout en étant située en bordure de mer. La Liffey partage la ville et se jette dans la baie ; le port est à l’embouchure. De nombreux ponts relient les berges du fleuve. Autrefois, il existait un seul pont piéton : le Ha’penny Bridge (1816). Dans un style similaire à celui du pont des Arts, à Paris, il a été restauré en 2001, après la construction de son voisin le Millennium Bridge (2000). Le plus célèbre des ponts sur la Liffey est O’Connell Bridge reliant la rive sud à la rive nord, marquant l’entrée d’O’Connell Street. Face au bâtiment de la Poste Centrale (GPO), la colonne d’O’Connell, le libérateur (1775-1847), a laissé place à une structure métallique de 120m de haut, The Spire [‘la Flèche’] surnommée “le Monument de la Lumière”. Sans vouloir polémiquer, on peut malgré tout se demander pourquoi autant de villes du monde tiennent à avoir un obélisque. Ce quartier abrite le célèbre Abbey Theatre (1904), le théâtre national irlandais, fondé par S.B.Yeats et Lady Gregory. Sur les quais, la vénérable architecture classique de Custom House reçoit un sérieux lifting. Mais le cœur battant de la capitale se trouve sur la rive sud, autour de Grafton Street, le quartier commerçant et celui de l’université de Trinity College. Magasins, librairies, cafés et restaurants animent tout cette partie de la ville. Les pubs et les bars de Temple Bar sont à proximité. C’est le quartier jeune et animé de Dublin où le nectar local, la fameuse Guinness, coule à flot. Le Gaiety Theatre, autre institution théâtrale, se trouve entre ces deux quartiers populaires de Dublin. Après Temple Bar, il y a un quartier médiéval dont les deux principaux monuments sont le Dublin Castle (1204) et Christ’s Church Cathedral (rite anglican, XIIe siècle). La flèche de Saint Patrick’s Cathedral (1191), monument emblématique de la capitale, s’élève au-dessus d’un joli square, très populaire. La nef de l’édifice conserve le souvenir du révérend J. Swift, le célèbre auteur des “Voyages de Gulliver”. Une plaque commémore également la mémoire des quelques dix-mille huguenots qui ont trouvé refuge en Irlande après la révocation de l’édit de Nantes.

Outre ses nombreux jardins et squares, Dublin possède quelques beaux musées. Celui renfermant le livre de Kells à Trinity College a déjà été évoqué. La National Gallery possède plusieurs musées dont celui d’Archéologie renfermant des trésors pré-celtiques ou appartenant à la culture des Celtes. La Chester Beatty Library, au château de Dublin (Dublin Castle), reste l’un des plus beaux musées, unique en son genre. On y trouve des enluminures du Moyen Âge, ainsi qu’une collection de livres rares, surtout religieux, du monde entier.

Dublin semble avoir repris à son compte un même esprit d’entrain caractérisant Londres. Un look nouveau a définitivement transformé l’ambiance, rendant la ville active et très agréable. Vélo, trottinette, jogging et même le kayaking sur la Liffey lui donnent un souffle de bien-être et de jeunesse. La circulation automobile ne ressemble pas à celle des autres grandes métropoles européennes. Comme si déjà l’image d’un futur proche flottait dans la fraîcheur d’un nord aux accents d’un Sud, véhiculé par la gentillesse et l’amabilité des Irlandais.

 

Liens:

Abbey Theatre: https://www.britannica.com/topic/Abbey-Theatre

Chester Beattie Library: https://www.chesterbeatty.ie

Custom House: https://www.dublintown.ie/business/the-custom-house/

Écrivains irlandais : https://www.guide-irlande.com/categories-culture/ecrivains-irlandais/

Wikipedia

National Gallery of Ireland – Archaeology: https://www.museum.ie/en-IE/home

Saint Patrick’s Cathedral, Dublin: https://www.stpatrickscathedral.ie

Trinity Dublin: https://www.tcd.ie

Top 10 CA des entreprises : https://www.francaisdublin.com/top-10-entreprises-en-irlande/

30 grandes entreprises technologiques : https://societe-france-irlande.com/entreprise-recrute-irlande/