Chronique

De toutes les matières

Par Stéphanie Delacroix

 

Vous préférez quoi, batiste, calicot, coutil, cretonne, finette, futaine, linon, nankin, percale, pilou, tarlatane ou vichy ?

Comment ça de quoi je parle ? Pas de prénoms (Finette Martin ? Cretonne Bernard ? Tarlatane Thomas ? Percale Petit ? Linon Robert ?!!), ni de nourriture (vous confondez avec aligot, vichyssoise, tartare, pistou et créponné…).

Houlà, vous en filez un mauvais niveau de culture générale…ou alors c’est parce que ça l’est…coton.

C’est aussi coton (difficile, parce que oui le coton c’est difficile à filer) de trouver des expressions ou des proverbes avec coton dedans.

Filer un mauvais coton c’est avoir un – ou plusieurs tant qu’on y est – problèmes qui risquent d’empirer, se disait à l’origine « jeter » du mauvais coton et l’expression était d’abord utilisée au sens propre. 

Elle est coquette ta robe Bernadette !

Trouves-tu ? Elle est pourtant bien ordinaire, je l’ai achetée chez G&L la semaine dernière et elle jette déjà du mauvais coton …

Elle quoi ?

Elle bouloche.

Bon et bien vous serez aimables de rappeler à Bernadette, que la prochaine fois qu’elle a envie d’acheter ne serait-ce qu’un T-shirt (je n’ose même pas calculer pour une robe) « trop rigolo » ou « tellement mignon » (tellement mignon que la personne à qui elle va l’offrir, elle y compris, le mettra au mieux 3 fois pour dormir et au pire jamais) il serait de bon aloi de penser à son « empreinte eau » : la quantité d’eau nécessaire pour faire pousser, transformer, transporter un produit, par exemple 15.000 litres pour 1kg de viande de bœuf, 700 litres pour 1kg de pommes d’arbres, 900 litres pour 1kg de pommes de terre, 1.600 litres pour 1kg de pain. 

Parce qu’il se trouve que pour faire un T-shirt il faut en moyenne 300g de fil de coton pour lesquels il faut produire 1,3 kilo de fibres de coton, soit 28 arbustes sur 14 m2 de terre et que le tout utilise pour UN T-shirt 2.700 litres d’eau, ça fait quand même18 baignoires pleines.

Et ce n’est pas tout, la culture du coton représente environ 10 % de la totalité des pesticides pulvérisés sur terre, alors qu’elle ne se sert que de 3 % des terres cultivées.

Vous en voulez encore ? La technique d’arrosage intensive pour le coton entraîne une pollution massive des cours d’eau et nappes phréatiques, sans parler du défanage chimique préalable à la récolte mécanisée (généralement défanage au méthane arséniate mono sodique, une cause durable et croissante de pollution des champs de coton à l’arsenic) ni ensuite de la pollution par les teintures toxiques. 

Et si vraiment le T-shirt est très (très) chouette (à l’encontre de celui en illustration avec en prime – si, si, j’insiste c’est gratuit – une faute d’orthographe dont je ne me fouS pas), peut-être qu’elle peut le trouver en coton bio arrosé par un système de goutte à goutte (réduisant de 50 à 90 % la quantité d’eau nécessaire) et traité avec des produits moins nocifs. Oui c’est plus cher, c’est aussi meilleur pour la santé de la planète et donc de tous ses habitants, comme ceux de Cotonou (Ku to nu) « la lagune de la mort », la capitale du Bénin.

Voilà, voilà, quoi d’autre…(à part que c’est la première et dernière fois que je tire un mot au hasard pour choisir le sujet de cette chronique), ah oui, si vous fêtez bientôt vos noces de coton (1 an de mariage) évitez d’offrir un mocassin d’eau à votre moitié – non pas parce que c’est un serpent venimeux mais parce que les animaux ne sont pas des objets – juste parce qu’en anglais « mocassin d’eau », Agkistrodon piscivorus se dit Cottonmouth, un serpent d’eau, dont l’intérieur de la bouche est blanc comme du coton, la seule vipère semi-aquatique du monde, enfin la seule à part moi en mode Tatie Danièle à la plage quand quelqu’un met du sable sur ma serviette, envoie un ballon dans ma direction, boit une noix de coco avec une paille en plastique ou que j’y trouve davantage de coton tige (qui diantre peut encore utiliser des cotons tiges en plastique au lieu de ceux en carton ou en bambou ?!) que de coquillages.

 

A Bali (où le coton, la matière se dit kapas alors que le tissu se dit katun) sur la plage on trouve des vendeurs de paréos en coton (une catastrophe environnementale) et des vendeurs de Cotton Candy … c’est-à-dire de barbe à papa. 

Par quel mystère cette volumineuse et voluptueuse volute de sucre popularisée par un dentiste (William Morrison) et un confiseur (John C. Wharton) de Nashville qui inventèrent en 1897 une machine pour fabriquer de la Fairy (fée) Floss (soie) présentée lors de l’exposition universelle de 1904, est-elle devenue du Cotton Candy (on notera la conservation de l’allitération) puis de la barbe à papa à son arrivée en France en 1934 ?

 

Pour finir on notera qu’en chinois et en japonais l’idéogramme pour le coton est le fil + blanc + tissu, 綿, mais qu’une des prononciations du kanji nippon est wata – [ou-a-ta] comme la ouate quoi, de là à dire – avec une certaine Caroline – que de toutes les matières c’est la ouate qu’ils préfèrent il n’y a qu’un pas, mais pas un pas feutré parce que le feutre c’est des poils bouillis et que ça c’est beurk !