Tranche de vie

De Charybde en Scylla

On est là pourquoi déjà ? Pour découvrir une nouvelle culture et un nouveau mode de vie… On est servi dis donc. Je ne veux pas qu’on nous plaigne parce que nous avons choisi de partir. Mais enfin quand même, je n’aurais pas signé pour le Nigeria et encore moins pour un pays en dictature. Chronologie d’un cauchemar annoncé. 

Par Perrine Tavernier

 

Depuis 2020, Hong-Kong est le territoire où les restrictions sanitaires sont les plus strictes au monde. Je n’arrive même plus à écrire tout ce que nous supportons depuis des mois, des années tellement la liste est longue. Alors, quand les décisions de 2022 ont été annoncées, elles nous ont achevé.

 

Janvier 2022  

Pour la troisième année scolaire consécutive, les écoles ferment leurs portes aux élèves de Hong-Kong. Pour rappel, une année scolaire compte normalement 35 semaines d’école.

2019/2020, l’école n’a été ouverte que 14 semaines.

2020/2021, 10 semaines d’école en journée complètes

2021/2022, 16 semaines d’école

L’énervement d’avoir les enfants à la maison est bien dépassé aujourd’hui pour laisser place à une profonde tristesse et une incompréhension dans leurs regards.

Sans compter l’enjeu scolaire pour lequel, régulièrement, je me fâche avec mes fils au point qu’un jour, ils me l’ont dit : « on ne t’aime plus maman ».

Ils nous ont bousillés.

 

Février 2022 

Samedi soir, j’ai mal à la gorge avec un voix d’outre-tombe. Mon mari ne m’appelle plus Perrine mais Patrick.

Enfermée depuis si longtemps dans la « cité sans cas », je n’ai pas pensé un seul instant avoir le COVID, pas un instant. Jusqu’à ce que mon fils ainé se réveille en pleine nuit avec 39,7 de fièvre. Dès lors, nous avons dû nous cacher parce que nous étions malades.

Si nous avions consulté, on nous aurait gardé dans des conditions inhumaines, on nous aurait retiré nos enfants qui sont séparés des parents en cas d’hospitalisation. Et comme toute personne contaminée est hospitalisée… 

On s’est terré comme des rats, avec la peur au ventre pour nos deux fils.

 

Depuis 2 ans à Hong-Kong, chaque déplacement donne lieu à une prise de température et un scan dans une application installée sur nos smartphones. Cette application permet de tracer tous nos déplacements et de nous convoquer aux tests obligatoires en cas de « cas contacts » et de nous placer à l’isolement dans des camps. Le nombre de personnes contaminées a flambé, les files devant les centres de tests obligatoires comptaient 5 à 6 heures d’attente et les camps d’isolement étaient complets. C’est certainement cela qui nous fait passer entre les mailles du filet. 

 

Les dernières annonces des autorités ont fait saisir la plume du consul général de France à Hong-Kong qui s’est adressé à tous les ressortissants sur place. « Les mesures annoncées affectent profondément la vie de chacun, avec un prix à payer qui ne cesse d’augmenter depuis deux ans, en particulier pour les familles et les enfants. [..] Dans ce moment difficile, il revient aussi à chaque famille de prendre, en toute liberté, les décisions qu’elle estime les plus appropriées pour son propre avenir, sachant que la situation restera critique à Hong-Kong … ».

Son message c’est sauve-qui-peut.

 

Les prix des billets d’avion ont grimpé, ils sont d’autant plus rares avec l’interdiction pour 9 pays d’atterrir à Hong-Kong sans compter les compagnies aériennes bannies. Alors comme tout le monde, on a pensé à fuir. Mais pour le moment, il n’est pas possible de partir pour mon mari. Lui sans moi ou moi sans lui, ça ne marche pas.

Alors on reste, tous les quatre. 

Pour ce qui nous attend, tout est dit sur le site France diplomatie dans la rubrique Hong-Kong : « Une campagne de tests de l’ensemble de la population, y compris expatriée, est prévue au mois de mars 2022. Toute personne positive se verra mise en quarantaine dans un centre dédié. Les personnes identifiées comme cas-contacts seront également placées à l’isolement. Ces mesures sont obligatoires et aucune exception n’est prévue, y compris pour les enfants.

Ces éléments contraignants pour les expatriés, en particulier pour les familles incluant des enfants en âge d’être scolarisés, doivent être pris en compte dans toute décision d’expatriation des familles.”