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« Dans l’honneur il y a l’idée de dignité et de réputation »

Présenté par l’Alliance Française de Hong Kong, le Hong Kong French Film Festival (French Cinepanorama) est le plus ancien festival du film à Hong Kong. Cette année avec sa 52ème édition, le festival célèbre également les 70 ans de l’Alliance Française.
L’occasion de recevoir à Hong Kong de grands noms du cinéma Français, à l’image de Vincent Perez, venu présenter en avant-première son film « Une affaire d’honneur », accompagné de son épouse, Karine Silla, co-scénariste du film. Ils répondent, pour Trait d’union, aux questions d’Alma Brami.

Interview réalisée par Alma Brami

Alma Brami : Bonjour Karine Silla, bonjour Vincent Perez. Quel a été l’élément déclencheur de ce film, comment se lance-t-on dans un projet d’une telle envergure ?
Vincent Perez : C’est un film qui représente la somme de plusieurs expériences, peut-être même d’une vie de cinéma. Dans ma carrière, j’ai fait beaucoup de films d’époque, et j’ai toujours eu le sentiment que j’avais un film en moi. J’avais commencé des recherches après le tournage du Bossu, mais je n’avais pas trouvé la porte pour rentrer véritablement dans mon film. Et à la suite d’une discussion que j’ai eu des années plus tard avec Jean Dujardin, ami dans la vie et partenaire dans le film « J’accuse » de Roman Polanski, j’ai pris conscience du nombre de combats que j’avais réalisés à l’écran, dans Le Bossu, La Reine Margot, Fanfan la Tulipe, etc. J’ai donc repris mes précédentes recherches, en étant devenu entre-temps réalisateur et scénariste. Tout de suite des pistes se sont ouvertes, sur la même période que l’affaire Dreyfus d’ailleurs. Et c’est comme ça que l’histoire a débuté…

Quand vous avez commencé à écrire le scénario, aviez-vous déjà en tête l’atmosphère du film, la couleur de l’image, les costumes ?
Vincent Perez :
J’aime m’immerger dans un monde que je ne connais pas, je fais beaucoup de recherches. J’explore énormément la Bibliothèque nationale Française. Je commande beaucoup de livres, parfois de très vieilles éditions. Et c’est en piochant dans cette période, que ça s’est très vite recentré sur cette année-là 1887, et les dix années qui l’entourent. Je me suis nourri autant d’écrits, que d’images, et j’ai accumulé énormément de documents avec lesquels j’ai constitués un dossier parallèle à l’écriture du scénario. Un dossier de références, qui peu à peu est devenu une scène à scène de chaque séquence, avec plus de mille images et des dessins que je faisais pour garder en mémoire le film-rêve. Quand on écrit, on a un rêve du film qui peut très vite se déformer, face à toutes les étapes qu’un réalisateur doit franchir avant de se retrouver sur le plateau, c’est pourquoi il est nécessaire de fixer chaque élément pour que ce rêve reste précisément l’objectif à atteindre.

Les duels sont absolument magnifiques, il y a une vraie chorégraphie entre les acteurs et la caméra, comment travaille-t-on en amont pour atteindre cette fluidité ? La caméra est même parfois à l’intérieur des duels…
Vincent Perez :
Ça a été un travail très sérieux, très précis sur les chorégraphies. D’abord, l’élaboration des chorégraphies avec le maître d’armes, Michel Carliez. Puis l’introduction de la caméra pendant les entrainements et la répétition avec les cascadeurs. A partir du moment où j’avais validé la chorégraphie du duel, qui était déjà écrite dans le scénario, mais affinée et aboutie par le maître d’armes, j’ai commencé à filmer le combat avec les cascadeurs, parfois les acteurs. On a fait un pré-tournage des combats avant même le tournage en costume sur le plateau, qu’on avait monté pour se rendre compte de ce qui marchait ou non.

Vous venez d’évoquer les cascadeurs, les acteurs ont-ils eux-mêmes réalisé certaines cascades ?
Vincent Perez :
Les comédiens ont tout fait ! Ils se sont entrainés pendant quatre mois, trois à quatre séances par semaine, d’un côté avec un coach physique, et de l’autre côté avec le maître d’armes, et l’escrime. Je souhaitais les filmer en plan large, filmer les chorégraphies, les visages et les corps. Y a eu des cascadeurs pour reposer les acteurs en contre-champ, quand on ne les voyait pas. Il fallait que les acteurs se reposent. Passer toute une journée et plusieurs jours d’affilés à se battre, c’est fatigant et on peut se blesser. Il y a quelques plans réalisés par les cascadeurs, mais sinon 95 pour cent des combats ont été faits par les comédiens.

Et le duel à cheval ?
Vincent Perez
: Le duel à cheval a été épique parce que j’ai changé la chorégraphie dont j’avais rêvée parce que je trouvais que ça faisait trop spectacle de Barry Lurashi, grand monsieur du monde équestre qui crée des spectacles dans le monde entier. Petit à petit je me suis interrogé avec ma cheffe-opératrice, sur cet esprit de guerre, de champs de bataille qui étaient nécessaires dans cette scène. On a changé la chorégraphie et je n’ai pas pu la travailler. Ce qu’on voit dans le film, c’est vraiment brut. A cheval, j’ai découvert ce que je faisais au moment où je le faisais. Ça a été très compliqué, très dur. C’est la séquence la plus difficile du film, mais on y est arrivé !

Qui a été votre œil extérieur pendant que vous interprétiez vos scènes ?
Vincent Perez :
C’était ma co-scénariste Karine Silla qui était là tout le temps même quand je ne jouais pas, toujours à mes côtés du début à la fin, de la conception, des premiers rêves de l’écriture du scénario, jusqu’à l’aboutissement du film, elle est vraiment ma partenaire de choc !

Karine Silla et Vincent Perez vous avez l’habitude de travailler ensemble, comment procédez-vous ? Est-ce un dialogue permanent ?
Vincent Perez :
On travaille toujours sur plusieurs projets en même temps, Karine travaille sur ses écritures, sur ses romans, sur d’autres scénarios, avec d’autres réalisateurs, et donc on fonctionne par des mises en distance du scénario, mettre de la distance pour y voir plus clair. Quand je lui donne le scénario, elle approfondit le psyché des personnages, elle apporte de la vie, de la réalité dans la construction psychique des personnages. Je la laisse travailler dessus, je reprends la main, puis c’est de nouveau le tour de Karine. On fait plusieurs fois des allers-retours. On fonctionne comme ça, en binôme.

Karine Silla : Quand je travaille comme co-scénariste avec un metteur en scène dont c’est le film et dont c’est le projet. Ce que j’essaye d’abord de faire, c’est de parler énormément en amont, du projet. J’essaye de comprendre et de m’imprégner de l’univers de ce qu’il a envie de raconter. C’est un travail un peu de psy où on essaye de comprendre la nécessité de raconter ce film, qu’a-t-il envie de raconter, c’est la toute première étape. Et ensuite, dans mon intervention sur les personnages, il y a des livres que Vincent a lu pour ses recherches, qu’il va me donner et que je vais lire. J’ai une passion pour l’humain, ce qui se reflète dans nos sociétés. Pour chaque personnage, j’ai toujours des références de littérature. Par exemple pour le personnage de Clément Lacaze, j’ai beaucoup lu de philosophie autour de l’individualisme, qu’est-ce que l’individualisme, quel grand personnage de la littérature était un individualiste. J’ai cherché pour le personnage de Tavernier la question de l’amitié, qu’est-ce qu’un ami ? Je pensais beaucoup à Fred Uhlman, l’auteur du roman L’ami retrouvé. J’avais vraiment à chaque fois cette couleur-là. Pour le personnage d’Astié, il s’agissait des discours de Robert Badinter, de Simone Veil, que pense Virginie Despentes ? Les féministes d’aujourd’hui, les féministes d’hier, j’étais imprégnée de ces littératures-là. Pour le personnage de Massat, j’ai lu les articles qu’il a écrits contre Astié et je me disais pourquoi un tel acharnement contre cette femme, quel est le profond problème de cet homme, envers cette femme, pourquoi il la renvoie sans cesse à son supposé lesbianisme, je me suis dit qu’il devait avoir un problème autour de sa propre sexualité et de ses frustrations.
Avant même que le langage s’emmêle, il y a une vraie recherche sur l’individu et ses résonnances, le situer dans un espace sociologique, temporel, et ensuite vient naturellement une espèce de musique qui se met en place très différente, dans des rouages de langages. J’aime beaucoup le rap, le slam, la poésie, les battles, les joutes littéraires des époques précédentes, j’aime les débats littéraires. J’aime aller au fond de ça. Ce qui me passionne dans l’écriture, c’est l’interaction des dialogues, comment les personnes se parlent, comment ils se chevauchent.

Vous avez évoqué Simone Veil dont vous vous êtes inspirée pour étoffer l’un des personnages principaux. Pourquoi avoir réhabilité Marie-Rose Astié, femme pleine de bravoure oubliée par l’Histoire, et l’avoir placée au cœur de l’intrigue, dans un film qui aurait pu être exclusivement masculin ?
Karine Silla :
Au début, Vincent avait vraiment dans la tête, l’idée de faire un film d’hommes, de parler de la virilité, de ce qui les abime. Parler de la guerre faite par les hommes, et subie par les femmes. Ce besoin de mettre le duel au centre, de questionner la virilité, la violence. Et lors de ses recherches, Vincent a découvert Marie-Rose Astié de Valzayre, ce personnage qui au départ ne faisait que traverser ce monde d’hommes a commencé à s’imposer, à prendre une vraie place. C’est une femme absolument étonnante qui composait, écrivait des chansons, de la poésie.
Vincent a retrouvé ses écrits, il y avait même des descriptions du lieux dans lequel elle vivait.
Ce qui est étonnant par rapport à la force d’un individu et nous fait croire que les gens ne meurent jamais vraiment, c’est que quand quelqu’un marque l’Histoire, avec une foi profonde, il laisse des traces. Ce sont les traces d’Astié qui sont venues jusqu’à nous et qui se sont imposées dans notre scénario.
Ce n’est pas seulement ce qu’elle dit, ce qu’elle fait, ce qu’elle revendique, c’est tout son être qui se met à égalité des hommes et qui nous entraine dans une réflexion profonde. Le fondement du féminisme, avec cette voix qui résonne encore aujourd’hui et c’est extraordinaire.

C’est un film d’époque et pourtant extrêmement contemporain, où nos combats actuels sont identiques aux leurs, bien que l’on ait un peu avancé sur la question du droit des femmes. Aujourd’hui le duel pour réparer son honneur n’existe plus, mais par quoi a-t-il été remplacé à votre avis ?
Vincent Perez :
Je me disais que cela avait été remplacé par les avocats, ce sont les avocats qui ont pris le relais sur les différents qui peuvent exister entre deux individus. Mais il faudrait se poser la question de ce que représente l’honneur aujourd’hui. A la fin du film, le juge du Tribunal d’Honneur explique que chacun en soi possède un royaume : l’honneur, qu’il est bon de préserver.
J’ai l’impression que cette notion existe un peu plus ici à Hong Kong et en Asie, peut-être je ne sais pas, ça existe beaucoup aussi je trouve dans les banlieues parisiennes, on parle beaucoup d’honneur. L’honneur existe encore dans certains milieux, dans certaines cultures. Dans l’honneur, il y a l’idée de dignité et de réputation, et il y a bien sûr, une résonnance avec ce qui se passe sur les réseaux sociaux …

Cette réputation aujourd’hui qui est difficile à laver, difficile à réparer
Vincent Perez :
Oui, une fois qu’elle a été salie, aujourd’hui, avec toutes les traces qui restent, où tout se mélange, je ne sais pas comment on fait pour nettoyer une attaque qui salit la réputation ou l’honneur. Alors qu’à l’époque justement, ce qui était assez extraordinaire, c’est qu’un fois le duel passé, consumé, le problème était réglé, on ne revenait plus dessus.

On découvre dans le film qu’un duel ne signifie pas forcément qu’il y a un mort à la fin.
Vincent Perez :
Tout dépend du procès-verbal qui a été établi. L’offensé et l’offenseur devaient réunir deux témoins qui se rencontraient avec un greffier pour établir un procès-verbal. C’était très codifié, il y avait un protocole extrêmement précis qu’il fallait impérativement respecter. La décision pouvait être prise de faire un duel jusqu’à ce que l’opposant ne puisse plus se battre, ou s’arrêter au premier sang, il y avait mille manières de se battre pour réparer son honneur.

Karine Silla : Moi je voudrais revenir sur le parallélisme avec ce qui se passe aujourd’hui.
La phrase était « Je demande réparation » il y a eu insulte, injure, humiliation et je demande une réparation concrète. Aujourd’hui il y a quelque chose de terrible qui m’offusque quand je vois la réputation de quelqu’un traînée dans la boue, je me dis que ça ne peut mener qu’à la folie. Comment fait-on pour se relever de ça ? C’est vertigineux de ne pas pouvoir se réparer. Il y a une vraie interrogation qui existe aujourd’hui sur comment on peut obtenir réparation.

Quel est votre plus beau souvenir lors de ce tournage ?
Vincent Perez à Karine Silla :
(Rires) Tu veux répondre ? Toi, c’est quoi ton plus beau souvenir ?

Karine Silla : Moi, le plus beau souvenir, je pense, bizarrement, un des jours de tournage les plus difficiles, le dernier duel dans le manège. Il y avait énormément de poussière, énormément de chaleur, et il y avait, ce qui aurait pu ressembler au cauchemar, on filmait un duel totalement barbare dans un moment où deux hommes étaient à bout, les conditions étaient difficiles, le temps, extrêmement limité, il y avait des animaux, les acteurs étaient fatigués, et je regardais le metteur en scène, Vincent, je le voyais dans un tel état, et je me suis dit il est en train de réussir son film, il est en train d’accomplir son rêve. Il y avait quelque chose du rêve qui traversait le cauchemar.
Il y avait une complicité avec sa cheffe-opératrice, une solidarité entre lui et Roschdy Zem. Une telle solidarité de toute part dans ce
moment qui ressemblait à une fin du monde.
L’équipe était là, tellement solidaire… C’est un moment qui m’a énormément touchée dont je me rappellerai.

Vincent Perez : Oui pour moi, je pense que c’est le même moment. Probablement le moment le plus difficile aussi du tournage. Techniquement c’était extrêmement compliqué d’être sur un cheval et de diriger le film en même temps. Mais c’était surtout qu’il fallait absolument réussir cette fin, ce qui n’était pas forcément évident sur le papier. Il fallait vraiment que ce soit une sorte de climax, d’apothéose du combat pour retrouver à ce moment-là, une thématique centrale du film qui n’est pas une thématique visible au départ, mais qui, petit à petit se révèle ; c’est le rapport à la guerre en fait, de tous ces personnages. Il fallait donc faire exister cette guerre dans ce duel, et c’est vrai que j’ai eu l’impression de traverser un peu la guerre à ce moment-là.
C’est un tournage qui s’est fait en très peu de temps, en 39 jours. Il n’y avait pas de place au doute. Et j’étais traversé par les doutes dans le tournage de cette séquence. Pour répondre plus précisément à une des premières questions que vous m’avez posée, oui il y a quelque chose qui a changé lors du scénario, c’est justement cette fin. J’avais pensé à une toute autre fin, je parle des dernières images du film, quelques plans, quatre-cinq plans qui ne marchaient pas. Non seulement il y avait la difficulté de filmer, d’apporter du réalisme au combats, les chevaux etc. Mais en plus il fallait que je trouve cette fin qui ne marchait pas, en sachant que je n’avais pas de temps.
Et c’est à ce moment-là, c’était merveilleux parce que je ne trouvais pas, et je suis allé voir Rushdy et je lui dis « cette fin ça ne marche pas, je suis perdu en fait. Toi qui es réalisateur qu’est-ce que tu me conseilles ? » et il m’a dit : « Écoute Vincent, en général quand je suis dans cette situation-là, j’essaye de penser au plus simple. »

Karine Silla : Tu sais ce conseil que Patrice Chéreau avait donné à Valeria Bruni-Tedeschi « Ne te dédouble pas, tu es la même personne qui joue et qui met en scène. » Ce conseil a pris tout son sens pour moi le jour où on était au Tribunal d’Honneur, Vincent Perez, l’acteur, a rajouté une phrase qui n’était pas écrite dans le scénario. Il est venu me voir derrière le combo, il m’a dit « je pense que je vais ajouter ça ». Il s’est donc levé dans la scène, et il a dit « comme à la guerre » et ça n’existait pas dans le scénario. Au moment où il a dit « comme à la guerre », l’instinct du metteur en scène et de l’acteur, s’est réuni.Cette phrase a quelque chose de précurseur dans ce qu’on allait vivre après dans le carrousel. Vincent se met tout droit, il y a quelque chose de fou, d’émouvant, on a de l’empathie pour cet homme que l’on voit dans cette solitude. Il se lève et dit « comme à la guerre », et avec cette phrase tout à coup, il résume tout le film, la force et la folie du personnage.

Vous évoquiez vos doutes, donc finalement, malgré votre grande expérience, vos qualités respectives reconnues, vous avez encore des doutes et des peurs quand vous créez un film…
Vincent Perez :
C’est un moteur la peur, le doute, s’il n’y avait pas ça on ferait des choses totalement inintéressantes.

Karine Silla : On passerait notre vie à faire des pique-niques à la plage parce que…

Vincent Perez : Bah oui. En fait je pense que c’est le propre même des gens qui créent.

Karine Silla : Après, Vincent, moi je pense que dans le rapport qu’on a, puisqu’on est aussi un couple dans la vie, c’est que je temporise la façon dont Vincent voudrait toujours être immergé dans le travail. Je passe mon temps à introduire de la vie, il faut vivre, il faut vivre, il faut profiter de la vie, parce que la vie traverse nos œuvres. Vincent comme tout artiste est complètement obsessionnel, et quand je vois qu’il va rentrer dans cette espèce de roue de hamster, à pédaler comme ça, je lui dis « Stop, il faut sortir de la cage ». (Rires)
Vincent Perez : Ça y est je suis devenu un hamster !

C’est charmant comme image !

Vincent Perez : C’est une très belle image !

Vincent, vous êtes devenu acteur, réalisateur, scénariste, photographe, Karine vous être devenue, scénariste, réalisatrice, dramaturge, romancière, pourquoi avez-vous autant besoin de vous exprimer, et par ces différents biais ?
Karine Silla
: La curiosité, l’envie de raconter quelque chose de l’humanité, de ce qui nous entoure. On ne choisit pas d’être artiste. On l’est parce qu’on ne peut pas faire autrement. Ce n’est pas un choix. C’est malgré nous.

Vincent Perez : C’est lié à quelque chose de l’enfance. Tout petit, je passais mon temps à m’évader dans mon monde imaginaire, à créer une sorte de bulle dans laquelle je pouvais explorer, chercher, inventer ou recréer un autre monde peut-être. Petit à petit, il y a eu cet appétit d’excellence dans ce registre-là, d’aller jusqu’au bout finalement de ce qu’on est, de notre véritable identité, en dehors des tous les codes sociaux qu’on dessine soi-même et dont on est le seul moteur. A travers la photographie, l’écriture, le cinéma, c’est ce qui se rapproche le plus de nos rêves, et le rêve c’est l’inconscient, le subconscient. C’est une manière de se révéler à soi-même aussi.

Karine Silla : Je pense qu’il y a aussi une manière d’atténuer la souffrance intime, et la souffrance de l’autre. Je pourrais dire aussi depuis que je suis enfant, atténuer la souffrance en créant des mondes imaginaires et en racontant les autres, en essayant d’apporter de la compréhension dans le monde.
A partir du moment où un personnage ou un être-humain est entendu, on rentre en empathie. Une œuvre réussie, c’est quand on rentre en empathie avec l’œuvre.

Vincent Perez : A l’intérieur de tout ça, on essaye de trouver un sens à la vie.

Qu’avez-vous ressenti, avant et après la projection en avant-première ?
Karine Silla :
J’ai toujours envie que l’on soit sensible à l’œuvre de Vincent.
J’ai toujours cette petite angoisse au fond d’avoir envie qu’il soit entendu. Il y a un tel travail, une telle passion, rien n’est léger. D’ailleurs quand les gens emploient des mots tels que c’est « sympathique », « divertissant »… alors que tu y as passé tellement de temps.
Dans une salle, on sent les vibrations d’une œuvre qui a touché. C’est ce que je disais ce matin à Vincent, le fait de voyager avec le film, montrer le film dans différentes civilisations, différentes cultures, tu te rends compte que l’émotion est universelle. Une œuvre réussie est universelle.
J’aime ce moment où l’on puisse être en communion avec les autres, ça annule les frontières, ça annule la possibilité de guerre. C’est à ce moment-là où je crois en l’humanité.

Vincent Perez : Hier, j’ai eu le sentiment que ce film traversait les frontières, que ça pouvait émouvoir un public Hongkongais, ou celui du Canada, de Singapour et c’est vrai qu’on a toujours des réactions très fortes sur le film.
Et j’ai senti que ça touchait quelque chose de très profond en fait sur la population Hongkongaise. On a évoqué les films d’arts Martiaux, cette idée d’honneur qu’on retrouve souvent dans ces films-là aussi d’ailleurs, et qui parlaient au public, j’ai été très heureux de ça.

Ce voyage à Hong Kong, vous a-t-il nourri, émotionnellement, artistiquement, ou même spirituellement ?
Karine Silla :
Je trouve qu’Hong Kong est une ville étonnante, je la trouve très inspirante pour des créateurs. Il y a un mélange dans cette ville, à la fois très urbaine et à la fois, on sent une civilisation très ancienne.
J’ai une amie très chère qui habite Hong Kong, j’ai de la chance d’avoir aussi pu me promener dans cette ville avec une amie, c’est toujours merveilleux de pouvoir découvrir une ville par le prisme de l’amitié. J’étais déjà venue à Hong Kong, il y a très longtemps, et c’est intéressant de voir la rapidité avec laquelle la ville change. J’ai beaucoup beaucoup aimé ce voyage. Et on a merveilleusement mangé

Vincent Perez : C’est vrai !

Karine Silla : Et c’est quelque chose de primordial dans la vie, de pouvoir nourrir notre palais, parce que le palais est directement lié à l’âme, pour moi.

Vincent Perez : Pour ma part, j’étais très content de revenir à Hong Kong aussi, je suis venu il y a très longtemps, plusieurs fois. C’est vrai que Hong Kong, c’est une ville qui fait rêver, qui est pleine de fantasmes, d’histoires, qui m’ouvrent immédiatement tout un monde.

Karine Silla à Vincent Perez : Qu’est-ce que tu disais quand nous étions sur le ferry, j’ai l’impression d’être dans le décor … ?
(Rires)

Vincent Perez : Oui, je disais que j’avais l’impression d’être dans La fureur de vaincre de Bruce Lee.
Quand il arrive dans la baie de Hong Kong ! C’est vraiment un très bon séjour !

Une affaire d’honneur (The Edge of the Blade)

Réalisateur : Vincent Perez – Co-scénariste : Karine Silla
Distribution : Vincent Perez, Roschdy Zem, Doria Tillier, Guillaume Galienne, Damien Bonnard


Festival du film Français à Hong Kong
Informations sur le programme et les billets :
https://www.hkfrenchfilmfestival.com/