ChroniqueTranche de vie

Conjoint suiveur (partie 1)

Non, cet article ne sera pas une ode au féminisme (pour lequel j’ai naturellement du respect). Je vais simplement partager mon ressenti d’une vie d’expatriée en Asie en tant que « conjoint-suiveur ».
Par Perrine Tavernier

Ma vie d’avant l’expatriation était un quotidien banal d’une mère de famille, avec une vie professionnelle dans laquelle elle s’épanouissait. Lorsque la proposition de détachement à l’étranger est arrivée pour mon mari, ON l’a acceptée. J’insiste sur le « on », car il a son importance compte tenu de la suite. J’avais en tête que notre départ signifierait pour moi ne plus pouvoir travailler, mais j’ai pu garder mon contrat de travail en France. C’était ma condition sine qua non pour partir.

J’aimais mon travail, mais comme tout le monde, j’avais des frustrations en pensant parfois ne pas pouvoir faire tout ce que je voulais, faute de temps. Donc, durant mes dernières semaines en activité, j’ai noté toutes mes petites insatisfactions. J’ai dressé la liste de tout ce que je voulais faire en me disant que ce serait pour bientôt. Tout était prêt pour faire de cette expatriation, une parenthèse enchantée.

Et je dois reconnaître que ce fut le cas. Après avoir installé notre famille dans notre pays d’accueil, j’ai décidé de penser à moi et j’ai déroulé ma liste de « frustrée au travail ». J’ai fait tout ce que j’avais écrit. J’ai tout savouré… Génial !

Lorsque j’avais établi cette liste, je n’avais pas conscience à quel point mon travail me nourrissait intellectuellement. Ça paraît fou, mais c’est ma vérité. Donc dans ma liste, il n’y avait aucun projet professionnel puisque mon contrat était en veille ; mais bien des principes d’éducation à mettre en œuvre pour mes enfants et tout un tas de futilités tel que shopping, manucure, cinéma en pleine journée, enfin, vous voyez…

Je ne m’étais absolument pas préparée à la dégringolade que j’ai vécue. Car au bout d’un moment, la liste des futilités s’est terminée et en parallèle à cela, j’ai pris conscience que déplacer mon ambition professionnelle sur l’éducation de mes enfants n’était pas du tout une bonne idée. Ce n’est pas faute d’avoir lu des livres sur l’éducation positive avec la méthode « trucmuche », et j’en passe.

Que c’est difficile d’éduquer des enfants à plein temps, même quand ils sont adorables et qu’on les aime ! La pression de la mère de famille est énorme quand on ne travaille plus. J’ai dû réajuster le temps passé avec mes enfants pour que j’arrête d’en « avoir marre » et qu’ils arrêtent d’en « avoir marre » de moi.

Alors après tout cela, j’ai eu un creux, un vide. Mon travail était un des piliers de ma vie que j’avais sous-estimé. C’est toute la dualité de la situation qui est difficile à expliquer, mais partagée par de nombreux conjoints-suiveurs. La plupart d’entre nous sommes instruits, avec une carrière professionnelle mise entre parenthèses ou même abandonnée. On se retrouve sans travail, et bien qu’on y soit préparé et que cela ne soit pas comparable avec une perte d’emploi, la situation n’est pas simple. Je n’écris pas cela pour que l’on me plaigne, mais pour tenter d’expliquer qu’une vie d’expatrié, c’est souvent tout un équilibre professionnel qui bascule dans un couple. Celui qui porte le contrat a la responsabilité financière totale sur les épaules et celui qui suit se retrouve avec un vide. S’expatrier c’est avant tout prendre un risque et c’est sûrement pour cela que lorsque les contrats de détachement tombent, nous ne sommes pas si nombreux à lever la main. J’ai traversé une période de grande culpabilité qui est apparue avec cette phrase : « Oui, mais toi, tu ne travailles pas ». J’étais mal dans ma peau, mais comme je ne tra- vaillais pas, je n’avais aucune raison de ne pas être bien. De la même manière, comme je ne travaillais pas, je culpabilisais à l’idée d’avoir une femme de ménage et une nounou. Mais dans ma liste de « frustrée au travail », je n’avais pas écrit que je rêvais de nettoyer ma salle de bain.

Donc très vite, j’ai dégagé ma culpabilité en ayant une femme de ménage à mes côtés (même si la tâche d’en trouver une à Séoul relève parfois du miracle) et j’ai une nounou. N’ayant aucun talent ni passion, je ne me suis pas réinventée professionnellement ; alors, je profite de ces moments pour faire ce que j’aime.

Bien sûr que j’ai des angoisses et, de temps en temps dans mon lit, je pense au retour en France et je me demande ce que je ferai lorsque ce jour arrivera. Je reprendrai mon travail, mais est-ce que je n’aurais pas trop changé ma façon de vivre ?…

Peu importe les valeurs de chacun, on finit tous par être influencés par l’environnement dans lequel on vit. Et, vous n’avez pas fini de rire avec mes prochaines péripéties à Séoul que j’espère vous écrire dans un prochain article.

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