Chef Elzer : créativité et excellence intactes à L’Envol
Comment gérer un restaurant gastronomique durant la pandémie ? Olivier Elzer, ancien élève de Monsieur Robuchon et plusieurs fois étoilé à Hong-Kong, nous explique comment il a traversé ces derniers mois de crise avec son équipe.
Propos recueillis par Isabelle Chabrat
TU : Comment un restaurant haut de gamme comme L’Envol a-t-il géré la crise de la Covid-19 à ses débuts, notamment pour l’approvisionnement des produits venant de France ?
OE : C’est une année qui n’est facile pour personne : transporteurs, fournisseurs, chefs et clients ! Au tout début nous avons eu la crainte d’une fermeture de Rungis. Mais en fait comme Rungis approvisionne également les supermarchés en France, ce n’était pas possible. Dans un premier temps, il y a eu moins de transport mais aussi moins de clients. J’ai du coup commandé plus au Japon : avec la perte d’activité et la proximité du Japon qui restait bien desservi, nous nous sommes plutôt bien sortis de cette phase.
Les ingrédients ont-ils changé du fait de cette nouvelle source ?
Non, j’ai essayé d’aménager le menu en fonction de l’approvisionnement, l’idée n’étant pas bien sûr de créer un menu japonais. Par exemple j’ai pu obtenir de la sole, du saint pierre, de la lotte.. Je travaille beaucoup avec Fukuoka, dans le Sud du Japon, une région que je visite deux à trois fois par an. Ils ont des huîtres, des champignons, des légumes etc..
En termes de saveur est-ce la même chose ?
Parfois c’est même mieux ! Ils ont un cahier des charges très poussé, et pas uniquement sur le label organique, ils ont un très beau terroir. J’ai visité un champ de yuzus magnifique, le marché aux poissons est superbe : on pourrait quasiment changer pour le Japon.
Mais tout ça c’était au début de la crise. Ensuite la situation s’est arrangée en France, et franchement sur l’ensemble de l’année nous n’avons a pas eu trop de mal à avancer.
Y-a-t-il eu des variations dans les prix, notamment à cause du prix du fret ?
Cela n’a pas joué tant que ça, il y a eu des effets de compensation. Par exemple en Australie, les fournisseurs ont très peu vendu de truffes noires sur place pendant leur saison d’hiver (été pour nous ), donc ils ont exporté à prix cassé : jusqu’à 5.000 HKD / kilo – alors que normalement on est plus dans les 10-15.000 HKD / kilo.
Donc honnêtement je reste positif : cela a été une année compliquée bien sûr pour tout le monde, avec des hauts et des bas , mais pour les ingrédients, il n’y a pas eu trop de problèmes. Nous avons adapté les menus, réduit le nombre de plats, mais au niveau concept de création, nous n’avons pas changé de style.
Comment intégrez-vous les nouvelles tendances dans un restaurant gastronomique comme l’Envol : végétarien, approvisionnement durable et raisonné des ingrédients ?
Pour le poisson par exemple, nous sommes déjà dans l’approvisionnement durable : beaucoup de grosses pièces de ligne (par opposition à la pêche au filet). Bien sûr nous faisons attention à ce que nous achetons : la provenance des produits, les appellations qui doivent être en phase avec ce que l’on achète, nous sommes très à cheval sur le sourcing.
Y a-t-il une place pour du haut de gamme végétarien ?
C’est un sujet très intéressant. M. Joël Robuchon, qui était mon mentor, disait « je m’intéresse aussi beaucoup à la cuisine végétarienne, il y a tellement de possibilités, tellement d’ouvertures, qu’on a un métier qui n’a pas de fin. Il faut innover, toujours rechercher, la cuisine c’est un métier extraordinaire ».
Quand nous avons démarré L’Envol qui est un restaurant moderne gastronomique, j’ai joué le jeu : j ‘aurais pu arriver avec toutes mes recettes en restant sur mes bases. Nous avons donc renouvelé le menu, par rapport à Season mon restaurant précédent.
Nous avons toujours des clients qui nous demandent du végétarien. Je voudrais de mon côté impacter plus mes menus sur le long terme avec plus de légumes.
Mais c’est toujours à double tranchant, Pierre Gagnaire avait lancé un menu végétarien, cela avait un peu choqué car les clients veulent manger de la viande, du poisson, du fromage, etc… Alain Passard qui en avait fait son fer de lance a dû aussi faire demi-tour . Aucun extrême n’est bon … Il faut trouver le juste milieu, et implémenter des plats et des légumes travaillés parce qu’il y a des super recettes à faire avec des super produits ! Dans un restaurant gastronomique les clients ne viennent pas tous pour manger des légumes ! Ils veulent de la générosité.
Quelles sont les dernières nouvelles de L’Envol ?
Nous attendons la sortie du guide Michelin au mois de décembre normalement. Cela reste important pour nous la reconnaissance ultime… Deux étoiles chez Pierre Gagnaire, trois à L’Atelier Robuchon, une chez Season, une à L’Envol au bout de huit mois…
Après une année comme celle-là, ça mettrait du baume au cœur à l’équipe !
Bonne chance donc au chef Eltzer et à L’Envol ! Résultats du Michelin à suivre.
L’Envol, Hôtel St Régis, Wanchai