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Cap sur Shanghai pour l’expédition Tara Pacific

L’aventure chinoise se poursuit. Après une escale très réussie de 10 jours au Pier 9, la goélette scientifique française a repris la mer le 15 mars dernier direction Taiwan, et rejoindra ensuite Xiamen, puis Shanghai entre le 15 et 28 avril.
Partie de France il y a presque deux ans, Tara aura ainsi parcouru près de 60.000 kilomètres sur les 100.000 prévus au cours de l’expédition « Tara Pacific 2016-2018 », pour une étude inédite des récifs coralliens face aux changements climatiques.
A Hong-Kong, Tara a tissé de nombreux liens avec les communautés françaises et scientifiques : journées portes ouvertes, conférences, accueil de 700 élèves du LFI… Outre ces rencontres, Tara était également là pour dresser un bilan de l’état de l’environnement marin local.

Par Isabelle Chabrat

 

“Inventer le futur”

Présent lors de l’opération “Sous les déchets la Plage “ le 10 mars, Romain Troublé, directeur général de la fondation Tara Expéditions, s’est exprimé sur les micro-plastiques : « Quand on se baisse dans le sable, on voit partout des petits plastiques, même pas encore des micro-plastiques, c’est ça que l’on trouve aussi en mer avec Tara. C’est partout pareil, de zones hyper urbanisées comme Hong-Kong, aux îles perdues dans le Pacifique, tout cela flotte dans la mer, c’est la globalisation des déchets.

En mer, nous voyons que la vie, les algues, s’accrochent, les poissons finissent par sentir la nourriture et tout cela rentre dans la chaîne alimentaire. On ne sait pas trop quelles vont être les conséquences. L’enjeu aujourd’hui est de comprendre que cela se passe à terre, que la pollution plastique est réversible. Nous pouvons passer des heures à nettoyer la mer, il faut avant tout arrêter d’en jeter. Le plastique est un des fléaux réversibles de la planète à l’horizon du 21eme siècle, le climat ce sera plus long. C’est un défi à relever ! »

Il a également partagé sa vision de la situation à Hong-Kong, ainsi que ses encouragements à changer nos habitudes : « Hong-Kong est un petit territoire, peu de place, les enjeux du tri et des décharges sont immenses ici. Comme en Europe, la Chine vient de refuser d’importer les déchets, et donc de nouveaux défis s’ouvrent : comment va-t-on traiter cela ? En fait, nous ne pourrons pas le traiter sans une économie circulaire, qui recycle, qui valorise, qui remet dans le circuit les matières pour les réutiliser. Il faut abandonner le schéma de l’économie linéaire : j’achète, j’utilise, je jette. L’innovation va aussi jouer un rôle majeur. Il n’y a pas de meilleure manière de prédire le futur que de l’inventer : vous le faites aujourd’hui avec vos enfants en nettoyant les plages, nous le faisons à bord de Tara depuis 15 ans maintenant, et j’espère que ce n’est que le début d’un grand mouvement. »

Prélèvements scientifiques à Hong-Kong

Depuis plus d’un an et demi, Tara sillonne le Pacifique pour analyser en des lieux différents, les mêmes types de récifs coralliens. Plus de 25.000 échantillons ont déjà été prélevés, par les équipes Tara à ce jour. Ces récifs coralliens, qui ne représentent que 0,2 % de la surface des fonds marins, sont essentiels à la vie de l’océan, car ils abritent près d’un tiers des espèces marines, soit un habitant de l’océan sur trois. Leur santé est donc aussi cruciale pour l’humanité qui dépend des ressources marines.
Till Röthig (post doctorant HKU, biologiste marin, coordinateur scientifique du leg HK), explique l’intérêt de l’étude des coraux au cours de Tara Pacific sur le territoire.

« Hong-Kong est un endroit très intéressant pour Tara, car il nous renseigne sur le futur. Nous avons ici des coraux qui sont plutôt résistants, ils ont déjà survécu a beaucoup de stress par le passé, se sont adaptés, et en même temps ils sont dans une région extrêmement urbanisée. Apparemment, les coraux sont en grande partie capables de résister. Mais, en plus de cela, nous devons maintenant affronter les changements climatiques. Donc ici, nous avons l’opportunité d’étudier comment les coraux peuvent s’adapter à un environnement hyper urbanisé avec l’ensemble de tous ces facteurs hostiles. Avec Tara qui étudie tous les coraux dans le Pacifique, nous allons peut-être trouver comment aider les coraux a Hong-Kong. »

A l’issue de sa première plongée avec Tara, à Crescent Island (nord de Sai Kung), Till Röthig a pu récupérer à peu près tous les spécimens de coraux souhaités.

« Les coraux ici ne semblent pas très heureux, comparés à d’autres régions du monde. Tout d’abord ce sont des colonies marginales, dû au fait que cet habitat leur est peu favorable. Ils luttent particulièrement à la fin de l’hiver, lorsque la température de l’eau est à seulement 19 degrés. Mais lorsque les eaux se réchauffent, les coraux semblent se développer à nouveau.

Ici, le corail ne grandit donc pas aussi vite pendant l’année, au contraire, probablement à cause de la température de l’eau, mais aussi à cause des organismes responsables de l’érosion des récifs. Ce sont plutôt des coraux qui grandissent les uns à côté des autres, mais qui ne construisent pas de grandes structures ».
La grande question reste bien sûr l’impact de l’activité humaine.
« En général, nous observons beaucoup d’impacts liés aux activités humaines sur les coraux à Hong-Kong. Pendant cette plongée, une des premières choses que j’ai vues, c’est une semelle en plastique de flip flop ! En général, on trouve aussi des filets de pêche abandonnés, car il y a une forte pression de l’industrie de la pêche ici. Crescent Island est un des endroits les plus isolés, mais on voit la pollution, avant même d’étudier de près la santé du corail. »

A l’issue de ces prélèvements, les échantillons de coraux sont stockés à bord de la goélette et seront ensuite exportés vers les laboratoires partenaires de l’expédition, à commencer par le Génoscope – CEA. C’est au CEA que l’enquête débutera: en séquençant leur ADN notamment, cela permettra de découvrir l’évolution génétique des coraux de Hong-Kong. Autrement dit, ils fourniront des éléments précieux – soit leur réponse biologique – pour comprendre leur capacité ou non à s’adapter aux perturbations qu’ils subissent.

Rendez-vous à Shanghai !

Tandis que la Chine entend se hisser, d’ici à 2030, au rang de grande puissance écologique et renforcer sa transition énergétique, la fondation Tara souhaite développer avec les scientifiques et laboratoires chinois des partenariats à long terme pour accompagner ce mouvement, en particulier dans la recherche sur l’océan et le climat.

Symbole de ce partenariat, l’escale à Xiamen :
« Lorsque Tara et le navire d’exploration et de recherche océanique Tan Kah Kee jetteront l’ancre a Xiamen en 2018, cela sera comme la rencontre de deux âmes. Bien qu‘ils viennent chacun d’un cote opposé de la planète, aucun océan, aussi vaste soit-il, aucun challenge, aussi ambitieux soit-il ne pourront les empêcher d’atteindre leurs buts communs : mieux comprendre et protéger notre océan », indique le professeur Minhan Dai, directeur à l’université de Xiamen ( XMU).

Programme de l’escale à Shanghai :

A Shanghai, la fondation Tara Expéditions souhaite surtout s’adresser aux enfants et aux jeunes. De nombreuses visites d’écoles sont prévues afin de les sensibiliser à la richesse, à la fragilité de l’océan, et à l’urgence de le préserver.
Une escale au programme très riche :
• 15 avril arrivée de Tara. Amarrage North Bund Shanghai SIPG, Cruises Terminal (17.00 TBC)
• 17 au 20 avril et du 23 au 28 avril : visites scolaires de Tara
• 22 avril : visites gratuites ouvertes au grand public de 10h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00 (sur inscription)
• 22 avril : conférence à l’université Jiaotong
• 29 avril : départ de Shanghai en direction de Setouchi

Du 25 avril au 29 juillet : « les expéditions Tara », exposition numérique au Power Station of Art, en partenariat avec la fondation Cartier.

Pour toutes informations complémentaires et inscriptions, rendez-vous sur le site : taraexpeditions.org